Les mardis de l’Académie de médecine le 26 novembre 2013 à 14h sur le thème « Qualité de vie après transplantation d’organes »
Organisateur : Yves CHAPUIS
PROGRAMME :
Conférence invitée pour commémorer le centenaire de la naissance de René Küss par Christian CHATELAIN
Introduction par Yves CHAPUIS (Membre de l’Académie nationale de médecine
État actuel de la transplantation d’organes en France, enfant, adulte par Jacques BELGHITI (Hôpital Beaujon)
Évaluation de la qualité de vie chez l’enfant transplanté par Philippe DUVERGER (Pédopsychiatrie, CHU d’Angers)
Après une réflexion générale sur le concept de qualité de vie en médecine, et un aperçu des problématiques psychologiques en lien avec la transplantation rénale, nous donnons les principaux résultats d’une étude prospective, multicentrique (8 CHU français), incluant 40 jeunes en attente de transplantation rénale. Les résultats concernant la qualité de vie (avant, puis 6 mois et 18 mois après la greffe) sont détaillés et analysés, à la lumière du processus adolescent. Si l’étude valide le fait que les jeunes transplantés rénaux ont une bonne qualité de vie, aucun chiffre ni aucun score ne peut en rendre compte véritablement. Et rien ne remplace la rencontre avec le jeune et sa famille. C’est au cœur de cette rencontre que se mesure ce qui se joue. L’expert pour la qualité de vie, c’est le sujet greffé et non le médecin.
Qualité de vie après transplantation cardiaque chez l’enfant par Pascal VOUHÉ (Chirurgie cardiaque, Hôpital Necker-Enfants Malades )
Après 25 ans d’existence, les résultats actuels de la transplantation cardiaque pédiatrique sont, en termes de mortalité et de morbidité, globalement satisfaisants et, surtout, en amélioration constante. Le temps est venu d’analyser la qualité de vie des survivants et de proposer des solutions pour l’optimiser. La capacité fonctionnelle est, en général, jugée excellente par les receveurs (90% sont très peu ou pas symptomatiques). En fait, la capacité d’effort est en règle diminuée, essentiellement par inadaptation du rythme cardiaque à l’effort. Un entrainement physique précoce et adapté est indispensable. En moyenne, le développement neuro-psychologique est à la limite inférieure de la normale, 10 à 15 points au-dessous de la norme. Les troubles intéressent les fonctions cognitives globales et l’apprentissage scolaire (en particulier en mathématiques). 20% à 30% des patients présentent en outre des troubles psychologiques ou du comportement. Ces difficultés sont stables dans le temps. Les troubles du développement sont plus sévères chez les receveurs porteurs de cardiopathie congénitale (les troubles sont identiques à ceux observés chez les patients porteurs des mêmes malformations qui subissent des interventions chirurgiales réparatrices). Cette constatation suggère que les anomalies sont liées plus à la pathologie initiale qu’à la transplantation elle-même. Au contraire, les troubles sont moins fréquents lorsque le milieu familial est favorable d’un point de vue intellectuel ou socio-économique.Après transplantation cardiaque pédiatrique, la survie et la qualité de vie sont satisfaisantes. Cependant, la fréquence des troubles fonctionnels ou neuro-psychologiques impose une prise en charge globale, multi-disciplinaire, précoce et prolongée (en particulier durant la transition vers l’âge adulte).
Avenir social et professionnel d’enfants bénéficiaires d’une transplantation rénale par Chantal LOIRAT (Néphrologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré)
La situation socioprofessionnelle à l’âge adulte des sujets ayant nécessité une greffe de rein dans l’enfance est mal connue. Cette enquête nationale française documente le devenir socioprofessionnel d’adultes ayant reçu une greffe de rein avant l’âge de 16 ans entre 1985 et 2002. 890 patients éligibles ont été identifiés dans le registre CRISTAL de l’Agence de la Biomédecine. 625 d’entr’eux étaient connus comme étant en vie, avec une adresse postale valide et un suivi mis à jour pendant les 12 mois précédant l’enquête. Ces 624 sujets ont reçu un questionnaire par la poste. 374 d’entr’eux (60%) (191 hommes, 183 femmes) y ont répondu. Les comparaisons avec la population générale française (PGF) ont été faites par calcul du taux d’incidence standardisé après ajustement sur la période concernée, l’âge, le sexe et/ou le niveau d’éducation des parents. L’âge médian était de 12.3 ans (0.9 à 16.0) à la première greffe et 27.1 ans (20.6 à 39.2) lors de l’enquête. Un tiers (31.1%) des participants vivaient avec un partenaire (vs 52.2% dans la PGF, p<0.01), 35.7% étaient célibataires et vivaient chez leurs parents (vs 21.0%, p<0.01) et 27.6% vivaient seuls dans un logement indépendant (vs 20.3%, p<0.01). Après ajustement au niveau d’éducation des parents, seuls le taux de femmes avec le baccalauréat et d’hommes et de femmes avec un diplôme universitaire de haut niveau (≥ bac+3) était plus faible que celui de la PGF (p<0.01). La répartition des catégories d’activité professionnelle n’était pas différente de celle de la PGF, mais le taux de chômage était plus important (18.5% vs 10.4%, p<0.01), les contrats d’apprentissage ou à durée déterminée plus fréquents (respectivement 7% vs 3.1%, p<0.01 et 21.1% vs 11.8%, p< 0.01). L’analyse par régression logistique a montré que les facteurs prédictifs de difficultés d’insertion socioprofessionnelle étaient la sévérité de la maladie rénale initiale (début entre la naissance et 18 mois ou néphropathie héréditaire), la présence de comorbidités ou de déficits sensoriels, le faible niveau d’éducation du patient ou de ses parents, le sexe féminin, et le fait d’être en dialyse après échec de greffe.En conclusion, les enfants transplantés, particulièrement les filles et les patients dont les parents ont un faible niveau d’éducation, ont besoin d’un soutien éducatif, psychologique et social renforcé pour atteindre le même niveau d’éducation que leurs pairs. Ce soutien doit être maintenu à l’âge adulte pour les aider à intégrer le monde du travail et fonder une famille.
Transplantation (rein, foie) et grossesse par François-René PRUVOT (Chirurgie digestive et transplantation, Hôpital Claude Huriez, Lille)
La transplantation de rein ou de foie permet de restaurer la fertilité chez les femmes en âge de procréer. Dans la majorité des cas les grossesses sont possibles avec un bon pronostic maternel ou fœtal. Mais le risque de complications comme la pré-éclampsie, la prématurité et un petit poids à la naissance est élevé. Il n’y a en général pas d’impact sur la greffe si la situation avant greffe est stable et dans les limites habituelles du suivi de greffe. Cependant, les femmes greffées ont statistiquement une surmortalité par rapport à la population générale et la morbidité associée à la greffe et son traitement peut empêcher la femme greffée de prendre soin de son enfant dans de bonnes conditions. De telles grossesses, symboles de la qualité de vie retrouvée, doivent être encadrées par une équipe multidisciplinaire.
Qualité de vie après transplantation hépatique chez l’adulte par Georges-Philippe PAGEAUX (Hôpital Saint Éloi, Montpellier)
La transplantation hépatique est associée avec une amélioration de la qualité de vie globale. Cette amélioration est plus basse qu’attendue. La qualité de vie s’améliore de façon significative dans la période qui suit la greffe, mais a tendance à diminuer après la première année. L’identification des patients qui présentent une qualité de vie non satisfaisante est cruciale. L’éducation thérapeutique doit faire partie intégrante de la prise en charge des patients transplantés.
Conclusion par Yves CHAPUIS