La Cada émet un avis favorable à la demande d’accès aux données sur la consommation de Mediator que le collectif Initiative Transparence Santé a adressée en juillet à la Caisse nationale d’assurance maladie.
« Avis favorable »… Dans une décision rendue le 21 novembre, la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), a émis un avis favorable à la demande de l’Initiative Transparence Santé (ITS) qui depuis le début de l’été tente d’obtenir auprès de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) des données sur la consommation de Mediator de 1999 à 2009. Fort de cet avis, l’ITS adresse aujourd’hui à la Cnam, une nouvelle demande. En cas de refus, notre collectif saisira la juridiction administrative.
Au mois de mai, l’ITS a souhaité entreprendre une vaste enquête rétrospective sur la consommation du Mediator au sein des départements français pendant les 10 années précédent l’arrêt de sa commercialisation. Pour ce faire, nous avons contacté directement chacune des caisses primaires d’Assurance maladie afin de leur adresser nos questions. Sans succès : aucune des CPAM n’a souhaité fournir de données. Nous avons donc saisi la Cnam en juillet 2013.
Les arguments de la Cnam balayés d’un revers de main
Dans sa réponse, son directeur Frédéric Van Roekeghem, indiquait que les informations sollicitées par l’ITS étaient « débattues, notamment dans le cadre de l’information judiciaire pour tromperie aggravée ouverte auprès du tribunal de grande instance de Paris (…). Dans ces conditions, concluait-il, il me paraît difficile de distraire des données couvertes par le secret de l’instruction ».
Un argument que la Cada a balayé du revers de la main, estimant que « cette restriction au droit d’accès ne trouve en effet à s’appliquer que lorsque la communication serait de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, à retarder le jugement de l’affaire, à compliquer l’office du juge ou à empiéter sur ses compétences ou prérogatives, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».
La commission a également relevé « que les données dont le collectif sollicite la communication, si elles revêtent un caractère médical, ne constituent pas un extrait des données sources de la base mais correspondent, après traitement automatisé d’usage courant de ces données, à des informations anonymes et globales, par année et par département, ne permettant pas, compte tenu de leur niveau d’agrégation, l’identification, même indirecte, des patients ou des médecins concernés ».
Quelles responsabilités dans le fiasco Mediator ?
La demande d’information adressée par l’ITS à la Cnam vise à collecter les données de consommation du Mediator à partir de 1999, année de mise en place du Système national d’information inter régimes de l’Assurance maladie (Sniiram) jusqu’en 2009, année où le médicament de Servier a été interdit.
Objectif, à partir de ces données : évaluer, dans chaque département, quel a été le coût pour la collectivité de la consommation de Mediator, le taux des prescriptions hors AMM et enfin dans quelle mesure ces prescriptions ont été prises en charge alors qu’elles n’auraient pas dû l’être.
Dans quelle mesure, autrement dit, les CPAM ont remboursé le Mediator alors qu’il était prescrit à des patients n’en ayant pas besoin. Et ont de ce fait contribué à augmenter le nombre de patients exposés aux effets secondaires graves du médicament dont on estime aujourd’hui qu’il sera responsable à long terme de 1300 à 1800 morts.
Par cette action, l’ITS entend plus généralement montrer que les données du Sniiram si elles étaient mieux utilisées pourraient permettre de détecter en temps réel des anomalies liées à la consommation de médicaments, des prescriptions inappropriées dans le cas du Mediator par exemple, et de rapidement mettre en place des mesures correctives.
Données de santé : l’opacité coupable de l’administration
En France, chaque année 18 000 décès sont imputables aux effets secondaires de médicaments, indiquait en mai Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l’Université de Bordeaux, entendu comme témoin dans le procès du Mediator. Pour l’expert, un tiers de ces décès serait le fait de prescriptions qui ne sont pas justifiées.
Ce même Bernard Bégaud est l’auteur d’un rapport remis en septembre à la Ministre de la Santé qui préconise parmi les principaux leviers d’actions contre le mésusage des médicaments, « la connaissance en temps réel de ce qui se prescrit, à qui, comment et pourquoi ».
Les outils existent pour améliorer la gestion du système de soins. On le sait, le Sniiram en est un exemple éclatant. Non seulement, les autorités utilisent peu ces outils mais en plus, l’administration, ministère de la Santé en tête, en restreint l’accès aux acteurs extérieurs à la sphère publique. Ce faisant, elle se rend coupable de participer à ce que perdurent des dysfonctionnements qui coûtent chaque année aux Français des milliards d’euros et des milliers de vies.