« A l’heure où la chimiothérapie prévoit de se développer dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD), le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) réitère son interpellation sur l’absence de process de récupération et ou de traitement des molécules anticancéreuses consommées et éliminées par les patients dans les établissement de santé et demain à leur domicile.
En 2008, l’Académie nationale de Pharmacie attirait déjà l’attention sur la présence de médicaments dans l’environnement. « Ce problème concerne en premier lieu les professionnels pharmaceutiques mais aussi les médecins, les vétérinaires, les éleveurs, les professions médicales et tous ceux qui ont pour mission la protection de l’environnement et de la santé, à commencer par chaque citoyen » (Rapport « Médicaments et environnement », septembre 2008).
Le C2DS interrogeait alors les tutelles sur l’absence de protocole de traitement des résidus médicamenteux, principalement des métabolites cancérigènes dans le cas de la chimiothérapie qui sont des composés appartenant à la classe des « CMR », c’est-à-dire cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Ces molécules absorbées et éliminées par le patient ne sont traitées à aucune étape. Rappelons que la médecine vétérinaire se voit imposer des normes de récupération des excrétas animaux après ingestion de traitements.
Le nombre de séances de chimiothérapie augmente. Aujourd’hui réalisées en ambulatoire à l’hôpital, ces séances se dérouleront demain progressivement au domicile du patient. « Cette évolution des soins est un progrès pour le patient qui, bénéficiant d’une même qualité et sécurité des soins, gagne en confort et autonomie. Mais plus les déchets liés à ces traitements seront diffus – domicile, ambulatoire – plus il sera difficile de les traiter » souligne Olivier Toma, président du C2DS.
« Les rejets de résidus de médicaments et leurs métabolites devraient être plus faciles à prévenir et à traiter sur site. Néanmoins, la tendance à limiter les séjours hospitaliers augmente la prise ambulatoire et le risque de diffusion des médicaments et de leurs métabolites dans l’environnement de façon non contrôlable » indique l’Académie de pharmacie.
Les médicaments anticancéreux « sont peu dégradés par les stations d’épuration et peuvent persister assez longtemps en gardant un potentiel hautement toxique et migrer dans les eaux de surface et les eaux de consommation. L’augmentation de l’incidence des cancers ne fera qu’amplifier leur présence dans l’environnement avec des risques pour le système immunitaire et génétique de la faune et de la flore. Comme le prédisent Castegnaro et Hansel (2006), ‘ si le consommateur est lui-même affecté par les effets immunitaires de ces rejets, et du fait de l’action cocancérogène prouvée pour certaines substances, on pourrait alors assister à une augmentation des cancers humains et donc des traitements anti-cancéreux, ce qui alimenterait la boucle’ ».
Des solutions
En 2005, la Suède mettait en œuvre un étiquetage environnemental des médicaments : l’indice PBT qui classe de 0 à 9 les molécules médicamenteuses en fonction de leur Persistance, leur Bioaccumulation et leur Toxicité. Il s’agit de la notion de service environnemental rendu.
Deux établissements de santé, le Centre hospitalier de Tarascon, l’Hôpital Privé Nord Parisien à Sarcelles, et la CAHPP, Centrale d’achat de l’hospitalisation publique et privée, expérimentent actuellement ce classement pour en connaître son adaptabilité en France. Le C2DS propose d’adapter cet étiquetage environnemental à la France et de promouvoir des expérimentations dans des établissements de santé volontaires.
Avec le soutien du C2DS, le député Dr Elie Aboud (Béziers) a déposé un amendement (N° AS714) qui vise à créer un indice de mesure de la qualité persistante, bioaccumulative et toxique des molécules médicamenteuses et qui se retrouvent dans l’eau. Cet amendement est en cours de traitement par les services de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, l’ensemble des déchets, y compris les excrétas humains après une séance de chimiothérapie pourraient-ils être traités comme les déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) ?
Une balance bénéfice-risque
L’Académie nationale de pharmacie rappelle que les médicaments apportent une contribution majeure à l’amélioration de la santé des populations humaines et l’accroissement de l’espérance de vie ainsi qu’à la qualité des soins mais exprime sa préoccupation sur les conséquences environnementales de leur utilisation humaine.
Egalement, le C2DS interpelle les tutelles et les décideurs en santé sur les impacts environnementaux et sanitaires immédiats et à moyen terme des pratiques et process médicaux et les invite à intégrer dans la balance bénéfice-risque de toute innovation, d’une part la notion de service environnemental rendu, et d’autre part son coût global. »
Contact presse :
C2DS : Véronique Molières – 06 82 38 91 32
Le C2DS – Comité pour le Développement Durable en Santé – est une association à but non lucratif, créée en 2006, de professionnels de santé mobilisés par le développement durable. L’objectif du C2DS est de sensibiliser les acteurs de la santé aux avantages des bonnes pratiques du développement durable afin de mieux maîtriser l’impact humain, environnemental et économique de leur activité. C’est un réseau actif de 450 établissements de santé.