« L’apport croissant des biomolécules a pu éclipser la chimie thérapeutique traditionnelle, mais, compte tenu des coûts des médicaments dits « biopharmaceutiques », il est probable qu’une chimie créative, ouverte sur la physique et la biologie, garde une place prépondérante dans la conception de nouveaux médicaments à l’horizon 2020-2030.
Par ailleurs, si certaines dérives dans la prescription des médicaments ont aussi contribué à se méfier de la chimie en dévalorisant le « médicament chimique », il est temps de démontrer que la chimie reste incontournable comme source de médicaments à la fois très actifs, sûrs et généralement peu coûteux, et donc mieux adaptés aux besoins les plus larges en santé publique.
C’est toujours l’administration de molécules chimiques comme l’aspirine, le paracétamol ou encore la morphine qui soulage bien des patients…Mais, de nouveaux médicaments chimiques prennent le relais … Les inhibiteurs de kinase en cancérologie, le sofosbuvir pour le traitement révolutionnaire de l’hépatite C, les nouveaux anticoagulants oraux comme le dagibatran et le rivaroxaban, sans oublier les contraceptifs oraux, l’AZT et autres traitement du SIDA utilisés dans les polythérapies, que l’étude de la constitution du virus et de son mode de multiplication a permis de mettre au point. Les immunoconjugués cytotoxiques comme le brentuximab védotine indiqué dans le cancer du sein HeR2 positif, ont également recours à la chimie pour concevoir et mettre au point la liaison adéquate entre l’anticorps monoclonal, ici le trastuzumab, et l’agent cytotoxique.
Les avancées considérables de la recherche en biologie de ces dernières décennies ont fait progresser très rapidement nos connaissances au niveau moléculaire, permettant ainsi aux chimistes d’intervenir de plus en plus aux différentes étapes de la recherche et du développement des médicaments.
Outre l’apport décisif des nanomédicaments dans l’administration mieux ciblée des médicaments, le criblage in silico permet de trouver des structures chimiques pour des cibles dont on ne connait pas de ligands mais aussi par des approches de prédictions ADME-Tox visent à minimiser les effets toxiques avant l’entrée en clinique et permettent aussi d’identifier les faiblesses potentielles des séries sélectionnées par criblage en vue de leur optimisation
Par ailleurs, la chimie dite thérapeutique n’étant pas une science figée, un nouvel aspect a émergé voici quelques années, celui de la chimie biologique encore appelée chimie bioorthogonale, une chimie biocompatible et hautement sélective, qui peut prendre sa place dans un milieu biologique complexe, sans le dénaturer, afin de répondre à des questions biologiques en analysant les systèmes vivants au niveau moléculaire ou en les modifiant en interférant in vivo (modèle murin) pour bloquer l’activité biologique d’un médicament et favoriser son excrétion.
Autre aspect en pleine évolution, l’intervention des molécules chimiques capables de bloquer l’inflammation en amont d’une réaction immunitaire. un peptide susceptible d’intervenir au niveau du processus vital de la survie de la cellule, l’autophagie, un mécanisme cellulaire autocatabolique où certains composants intracellulaires sont engloutis et subissent une dégradation protéolytique. De ce fait, ce peptide représente un candidat médicament extrêmement prometteur pour traiter le lupus, une maladie auto-immune pour laquelle il n’existe à ce jour, que des traitements symptomatiques.
Enfin, la chimie de l’ADN et les inhibiteurs de télomérase. La télomérase, une enzyme présente dans les cellules souches, ainsi que dans certaines cellules du système immunitaire (les lymphocytes T en particulier) a pour rôle de maintenir, ou de rétablir, la taille des télomères qui assurent la stabilité des extrémités des porteurs de gènes, les chromosomes, eux-mêmes constitués d’ADN et de protéines. Le contrôle de l’activité de la télomérase est un enjeu thérapeutique en cancérologie. Certaines structures de l’ADN substrat et, en particulier, une conformation en quadruplexe, inhibent cette activité. En fixant des petites molécules chimiques sur les structures en G-quadruplexes, les chercheurs espèrent stabiliser ces structures et entraîner la destruction des cellules. »
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Nicole Priollaud
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