La loi du 26 janvier 2016, portant sur la modernisation de notre système de santé, instaure dans son article 107, les GHT qui ne cessent de défrayer la chronique, inquiètent les élus et préoccupent légitimement l’ensemble des professionnels. Le Groupement Hospitalier de Territoire a pour objet « de permettre à tous les établissements de santé de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient, dans le but d’assurer une égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la rationalisation des modes de gestion pour une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissements. » (Art L. 6132-1 du CSP)
Ainsi après le plan ONDAM 2013 – 2017 (objectif : 3 milliards d’économie à l’horizon 2017) qui décline quatre orientations portant sur les dépenses de personnel, le virage ambulatoire, la réduction capacitaire en lits, les achats, la loi créé l’outil de rationalisation du mode de gestion : le GHT.
Malgré les propos rassurant des ARS et la concertation avec la DGOS sur le projet de décret relatif aux GHT, de profondes inquiétudes s’expriment tant parmi les corps de direction que parmi le corps médical. Sans parler des élus et des personnels.
Inquiétudes sur les délais : comment élaborer un projet médical partagé dans des délais aussi courts : 6 mois jusqu’au 1er juillet 2016 ? Sachant qu’en l’absence de projet médical partagé transmis à cette date les ARS arrêteront la liste des GHT.
Inquiétudes sur les modalités d’organisation et de regroupement autour des fonctions mutualisées.
Inquiétudes sur la nature de la convention constitutive qui est conclue pour une durée indéterminée.
Incertitudes quant au socle juridique sur lequel repose le GHT qui, bien que non doté de personnalité juridique, remet en cause l’autonomie des établissements
Inquiétudes sur la place des chefs d’établissements et des équipes de direction intégrant les directeurs des soins sur l’évolution des métiers et des positionnements que cette restructuration impliquera nécessairement.
Préoccupations sur la place du secteur médico-social au sein des GHT.
Très vives préoccupations exprimées par les Présidents des CME sur le projet médical partagé et sur l’organisation médicale projetée : pôle inter- établissements et possibilité de créer une CME de groupement, ce qui n’est pas sans conséquence sur la légitimité des CME des établissements.
Incertitudes quant à l’organisation du territoire desservi, sans doute plus défini par le projet médical partagé que par le bassin de vie.
La liste est longue sans être exhaustive…
Pour autant, dans cette phase d’élaboration et de négociation avec le Ministère, trois problématiques s’avèrent centrales :
– La conception de l’établissement support regroupant les fonctions partagées.
– La stratégie médicale et son pilotage
– Les moyens du service public
L’établissement support
La loi comme le projet de décret sont fondés sur une vision centralisatrice de l’établissement support qui assure pour le compte des établissements les activités déléguées. Ce qui revient, de fait, à créer une macrostructure (sorte d’APHP locale territorialisée pour se référer à un modèle existant), avec un hôpital central et des hôpitaux satellites. Cette conception posera à terme la problématique de la nature juridique de l’établissement support et conduira inéluctablement à la remise en cause de l’autonomie des établissements.
Une seconde approche est possible : elle consiste à répartir les fonctions supports entre tous les établissements dans le cadre d’un partenariat collaboratif. Chaque établissement apportant ses compétences sur l’une ou l’autre des fonctions mutualisées : logistique, marché, et d’infrastructure, système d’information…
Cette proposition garantirait non seulement l’équilibre entre les établissements mais le maintien de leur autonomie. Elle est de nature à rassurer les élus, les équipes de directions, et les personnels. Elle permettrait de surcroît de préserver les moyens des hôpitaux de proximité qui concourent à l’aménagement de territoire en référence au bassin de vie.
Le projet médical partagé
La Conférence des Présidents des CME a exprimé ses inquiétudes, constatant que « de nombreux signaux convergent de différentes régions pour dénoncer l’orientation de certains découpages déconnectés du caractère nécessairement opérant des GHT et contraires aux parcours de soins des patients » (Hospimedia du 18 février)
Il convient d’abord de clarifier le contenu du projet médical partagé et la stratégie à mettre en œuvre : filière et prise en charge commune et graduée du patient et son organisation en vue de faciliter l’égalité d’accès aux soins, dans un contexte où le projet médical partagé doit être conforme au Projet Régional de Santé. Chaque projet d’établissement se devant aussi de décliner le projet médical partagé.
De même, la question du pilotage des pôles inter-établissements se pose alors que la gouvernance du GHT est confiée à l’établissement support. A cette conception centralisatrice du groupement nous préférons une alternative de gouvernance partagée où chaque établissement se verrait confier le pilotage d’un des volets du PMP : psychiatrie – santé mentale, SSR, cancérologie – recherche – l’accès aux soins aux urgences ou PDSES. Cette option présente l’intérêt d’élaborer une stratégie mutualisée de réponse aux besoins de la population et en garantit la performance collective.
Les moyens du service public
Le journal Challenges publiait le 27 février le plan d’économie détaillé : » Le 2 février, lors d’une réunion à huit clos avenue Duquesne, Marisol Touraine a présenté les efforts demandés aux hôpitaux à quelques hauts fonctionnaires. D’après un document du ministère de la Santé, que Challenges Soir s’est procuré, la facture s’élève au bas mot à 3 milliards sur 3 ans
– 860 millions d’euros sur la maîtrise de la masse salariale ce qui représente 22 000 emplois,
– 1.2 milliards d’euros par la mutualisation des achats ;
– 400 millions générés par le développement de l’ambulatoire (57% des interventions en 2017)
– 400 millions d’euros sur la réduction des durées d’hospitalisation
– Enfin 450 millions d’euros liés aux rapprochements entre hôpitaux voisins »
Au-delà des nombreuses interrogations que suscitent les GHT, leur création obéit à une vision budgétaire et technocratique qui risque fort de restreindre le champ des différents acteurs, et réduire les moyens consacrés aux soins des usagers.
La prise en compte de l’ensemble des budgets des établissements des Groupements Hospitaliers de Territoire par l’ARS, pour apprécier la pertinence de l’EPRD et du PGFP ne rétablira pas les moyens d’investissement nécessaires aux besoins auxquels les établissements sont confrontés.
En vérité, le champ sanitaire est animé par de très vives préoccupations qu’expriment aussi bien les directeurs, au premier rang desquels les chefs d’établissement, le corps médical, les représentants des personnels et les usagers qui, au sein des Conférences de Territoires s’insurgent déjà contre les GHT.
Prise dans la continuité de la loi HPST, la loi portant modernisation du système de santé inquiète les élus alors même que l’Hôpital de proximité reste un maillon fort du service public de territoire.
Elle inquiète aussi les personnels qui redoutent des suppressions de postes, comme elle inquiète les directeurs tous corps confondus tant sur le devenir du service public que sur l’évolution de leur métier, et de leurs capacités à agir sur le terrain alors qu’ils sont déjà en très grande difficulté.
Le Syndicat des Cadres Hospitaliers Force-Ouvrière est clair sur son orientation confortée par la motion générale de sa dernière Assemblée Générale votée à l’unanimité fin 2015 :
« Promouvoir l’ancrage territorial et l’autonomie des établissements et services publics, malmenés par la loi HPST à laquelle le CHFO s’est opposé, privilégier les voies de la coopération public/public élaborée par les acteurs, pour garantir la qualité, la pertinence, la continuité temporelle et territoriale des soins et services délivrés, ainsi que leur accessibilité sociale et géographique.
Le CHFO constate que la création des GHT est asservie au plan d’économies pour l’assurance maladie. Il rejette l’idée de format standardisé des GHT. Il s’oppose à une personnalité juridique ou à une trésorerie unique des GHT, comme aux directions communes, qui préfigurent les fusions.
A ce titre, le CH-FO est favorable à la coopération public-public volontaire, fondée sur un projet médical commun et sur un parcours de soin cohérent, pour mieux répondre aux besoins des populations sur nos territoires. »
Le CHFO est favorable à une stratégie public/public dans le respect de l’autonomie de chaque établissement ; dans ce cadre il défend une stratégie de service public de territoire sur la base d’un projet médical partagé pour répondre aux besoins des populations et favoriser l’accès aux soins. Il considère que les mutualisations possibles doivent être fondées sur une coopération garantissant la place de chaque établissement.
Le CHFO restera vigilant :
– sur la mise en œuvre des GTH, dont il se propose de recenser via ses secrétaires régionaux les expériences en vue notamment de signaler toutes les difficultés à l’Agence Régionale de Santé et au Ministère ;
– sur l’évolution juridique des GHT qui doivent garantir aux établissements leur entière autonomie ;
– sur l’impact des GHT sur la démographie des corps de direction et sur leur statut ;
– sur les conséquences des GHT sur le statut des personnels.
Les GHT ne sauraient être pris pour un instrument de recomposition de l’offre de soins dont la mission revient à l’ARS. Les GHT ne sauraient créer des situations dépendantes à une convention constitutive. Ils ne peuvent agir comme un plan de réorganisation pilotée par un établissement support. Les Directeurs d’Hôpitaux notamment ne peuvent agir en lieu et place des pouvoirs publics, orientés préférentiellement par une vision des Caisses d’assurance maladie, plutôt que pour l’organisation des soins auprès de la population.
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