La Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP) préconise, en cas de risque de trisomie 21, la réalisation du test génétique de diagnostic prénatal non-invasif (DPNI) dans le sang maternel pour éviter le recours aux amniocentèses qui comportent des risques pour l’enfant et la mère, dans un avis adopté lors de son 2e Congrès annuel qui s’est tenu au Palais des Congrès de Montpellier, les 16 et 17 juin[1].
« Le dispositif national de dépistage de la trisomie 21, offert systématiquement aux femmes enceintes depuis 2009, devrait s’enrichir très rapidement des avancées majeures liées au développement des tests génétiques dans le sang maternel. L’intérêt médical de ces tests génétiques dans ce domaine sensible de la médecine prédictive est aujourd’hui parfaitement établi », déclare le Pr Pascal Pujol, président de la SFMPP et généticien. « Ces test sont disponibles et remboursés depuis plusieurs années dans différents pays et doivent être mis à la disposition des couples demandeurs au plus vite afin d’éviter des pertes de chance ».
Certaines amniocentèses dangereuses et désormais inutiles
Sur 800.000 naissances par an en France, plus de 20.000 amniocentèses (ponction du liquide amniotique) sont réalisées au titre du dépistage prénatal de la trisomie 21. Cet examen n’est pas anodin puisqu’il entraine des risques de décès du fœtus dans prés de 0,5% des cas. De plus, seulement 5% des amniocentèses conduisent à confirmer un diagnostic de trisomie. Autrement dit, l’amniocentèse est effectuée 95 fois sur 100 pour rien et entraine la perte de près de 100 fœtus non atteints par an en France.
Le dépistage génétique de la trisomie 21 par une simple prise de sang maternelle a une sensibilité de l’ordre de 99% (contre 5% pour le dépistage actuel). Il est réalisable dès la dixième semaine de grossesse.
« La SFMPP s’interroge sur la future place du diagnostic prénatal non invasif dans la stratégie globale du dépistage de la trisomie 21. Cet examen semble logiquement conduit à supplanter l’amniocentèse dans le cadre du dispositif actuel de dépistage de la trisomie 21 chez les couples demandeurs, lorsque les marqueurs combinés du risque chez la mère (âge, échographie, biochimie) font état d’une probabilité d’un enfant trisomique à naître supérieure à 0,4% », estime le Pr Léon Boubli, Président du Conseil national des universités en gynécologie-obstétrique et co-fondateur de la SFMPP.
C’est déjà le cas dans d’autres pays (Etats-Unis, Suisse, Allemagne). En France, de nombreux tests de génétiques viennent d’être placés au référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) de biologie créé par le ministère des Affaires Sociales et de la Santé en avril 2016 [2].
« Il s’agit d’une reconnaissance attendue de leur intérêt médical, qui préfigure un probable remboursement, sous réserve des évaluations médico-économiques en cours. Ce dispositif constitue une avancée très significative en vue de l’utilisation de ces innovations biomédicales dans la pratique médicale courante. Cependant, en ce qui concerne le dépistage de la trisomie 21, certains tests ont déjà une validation médicale robuste. Notre société savante souhaite apporter son expertise multidisciplinaire de professionnels et se positionner sur ces questions », souligne le Pr Pascal Pujol.
Considérations éthiques
« « Il faut souligner qu’il ne s’agit pas de relancer le débat sur le dépistage de la trisomie 21 ou du diagnostic prénatal dont les bonnes pratiques font l’objet de décrets[3]. Rappelons qu’en France, le dépistage de la trisomie 21 existe et est proposé systématiquement aux femmes enceintes. Comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique, la démarche doit toujours rester entièrement libre et volontaire », précise le Pr Pierre Le Coz, philosophe, ancien vice-président du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) et co-fondateur de la SFMPP.
Le CCNE a émis un avis favorable sur le recours aux tests génétiques DPNI en avril 2013[4]. De nombreuses questions restent ouvertes concernant les perspectives futures d’étendre à d’autres pathologies génétiques ces tests pendant la grossesse et ont été abordées par des spécialistes nationaux et internationaux lors du congrès.
Mais dans le cas de la trisomie 21, il s’agit de trouver la meilleure stratégie, ce qui intègre nécessairement aujourd’hui le test non-invasif plus fiable que l’amniocentèse et qui ne présente pas de risque pour l’enfant ni pour la mère. « Ce qui serait éthiquement discutable serait de poursuivre les indications de l’amniocentèse pour le dépistage telle qu’on la pratique, entrainant la perte de près de 100 enfants non atteints par an, alors que des tests sanguins non invasifs existent et sont très supérieurs en fiabilité », poursuit le Pr Pascal Pujol.
On estime en effet que sur les 20.000 amniocentèses de dépistage effectuées tous les ans, plus de 18.000 pourraient être évitées[5].
Questions économiques
Ces tests restent encore onéreux, entre 400 et 700 euros, mais font l’objet d’une forte décroissance continue en termes de coût. Les enjeux économiques sont très importants. Aux Etats-Unis, le nombre de tests DPNI réalisé en 2015 s’élève à environ 1 million.
En France, comparativement, les amniocentèses ont un coût variant entre 1.000 et 1.300 euros. Une analyse médico-économique approfondie est menée par les autorités de tutelle.
AVIS DE LA SFMPP
Dans le cadre du dépistage de la trisomie 21, la Société française de médecine prédictive et personnalisée préconise la réalisation du diagnostic prénatal non-invasif à la place de l’amniocentèse en cas de risque de trisomie 21 au seuil retenu actuellement de 1/250 chez les couples demandeurs.
Il est probable que la fiabilité et la baisse continue des coûts de ces tests entrainera une modification rapide et profonde des méthodes de dépistage de la trisomie 21. Aussi, la SFMPP s’interroge sur la future place du diagnostic prénatal non invasif dans la stratégie globale du dépistage de la trisomie 21.
Dès maintenant, cette pratique permettra d’éviter un grand nombre d’amniocentèses de dépistage inutiles et dangereuses.
Le travail actuellement en cours à la Haute Autorité de Santé (HAS) pour formuler des recommandations nationales est essentiel afin de préciser le cadre de l’utilisation des tests, veiller à l’égalité d’accès aux soins, et éviter des pertes de chance aux couples demandeurs.
A propos de la Société française de médecine prédictive et personnalisée
Créée en 2014, la SFMPP a pour objectif d’analyser le bénéfice médical réel de l’innovation en génétique en prenant en compte les aspects éthiques et économiques. Ses missions recouvrent entre autres l’information des professionnels de santé et du grand public sur la médecine prédictive et personnalisée, la délivrance d’avis d’expertise professionnelle vis-à-vis des tutelles de santé sur la valeur prédictive réelle des tests génétiques, la définition de bonnes pratiques en la matière et l’organisation de débats publics sur les enjeux de la médecine prédictive et personnalisée. En savoir plus : sfmpp.org
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