Bientôt la santé à 3 vitesses ?
« Une couverture déjà à deux vitesses…
Le risque maladie est couvert en France de deux façons pour le plus grand nombre de nos concitoyens : par le régime obligatoire de base, universel, la « Sécu » ; et par les régimes complémentaires, catégoriels (mutuelles, prévoyance paritaire ou assurances).
Surtout, les dépassements d’honoraires de secteur 2 continuant à progresser dans notre pays, les complémentaires permettent à leurs bénéficiaires de disposer de soins qui ne leurs seraient pas accessibles sans cette couverture.
Deux règlementations aux effets contradictoires
Fin 2012, la création du contrat d’accès aux soins (CAS) permet à certains médecins de secteur 1 (jusqu’alors interdits de dépassements d’honoraires) ainsi que les médecins de secteur 2 (à honoraires libres) d’avoir un taux moyen de dépassement de leur honoraires plafonné à 100 %.
Deux ans plus tard, fin 2014, un décret modifie le contenu des contrats responsables qui représentent l’immense majorité des contrats de complémentaires santé : la prise en charge des dépassements d’honoraires des médecins n’adhérant pas au CAS est limitée à 125 % du tarif de la sécurité sociale (dans un premier temps puis à 100 % de ce tarif à compter de 2017), et doit nécessairement être inférieure à celle des dépassements d’honoraires de médecins signataires du CAS.
Concrètement, cela se traduit par le plafonnement de la prise en charge des dépassements d’honoraires de la majorité des médecins (ceux restés en secteur 2, non signataires du CAS) : une partie plus ou moins importante du montant de la consultation reste forcément dans ce cas à la charge du patient.
L’appel d’air vers un troisième niveau de couverture
Seule façon de parer aux dépassements d’honoraires non pris en charge au deuxième étage de la couverture (la complémentaire), acheter un troisième étage (la surcomplémentaire). Ce que certains commencent à faire, et ce que certaines entreprises surtout proposent maintenant à leurs salariés.
Bref, on a déplacé le problème « dépassements », sans le résoudre, ni même en informant correctement les bénéficiaires de complémentaires, et en créant au passage un troisième étage de prise en charge en matière d’assurance maladie. Encore plus de complexité et de risques d’exclusion donc.
C’est particulièrement dramatique dans certaines grandes villes où les praticiens de secteur 2 sont nombreux à facturer des dépassements supérieurs à 100%, et dans certaines spécialités comme la chirurgie libérale, l’anesthésie… où il est courant de constater des dépassements élevés.
Une très bonne nouvelle pour le marché de l’assurance !
Tant qu’il y a de la « matière » à assurer, tout va bien pour les assureurs. Ils n’ont pas manqué, à coup de publicités agressives pour certains, de se jeter sur ce nouveau marché. L’affaire est entendue : plus on plafonne la prise en charge, comme en optique, par exemple, plus il y a de reste-à-charge pour le patient, donc plus de chances de placer une nouvelle assurance de ce reste-à-charge… La bonne intention du plafonnement administratif de la prise en charge des dépassements est donc annulée par un double phénomène :
l’inventivité du marché de l’assurance toujours à l’affût de nouveaux marchés et de l’amélioration de ses marges,
et la résistance des médecins libéraux de secteur 2 à l’encadrement de leurs dépassements d’honoraires.
Non, le contrat d’accès aux soins ne vient pas à bout des dépassements d’honoraires. Et il ne faut pas attendre le bilan du reste-à-charge pour agir contre les dépassements supérieurs à 100% du tarif de la sécurité sociale. Les effets pervers des règlementations doivent être contrés rapidement si l’on ne veut pas que se généralise demain la santé à 3 vitesses. »
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Marc Paris, mparis@leciss.org – 01 40 56 94 42 / 06 18 13 66 95