Filtres
Type d'information
Secteur
Zone géographique
Période
Tri

Le CESE a adopté son avis « Les mécanismes d’évitement fiscal et leurs impacts sur le consentement à l’impôt et la cohésion sociale » (Communiqué)

Imprimer la liste
Share

 

Chaque année en France, la perte de recettes fiscales est estimée entre 60 et 80 milliards d’euros, une somme qui impacte à la fois le financement des services publics et la cohésion sociale, en alimentant le sentiment d’un système à deux vitesses, où certains évitent l’impôt tandis que d’autres ont l’impression d’être les seuls à payer. Alors que la question de l’allégement de l’impôt est au cœur du débat politique français et que la médiatisation récente de certaines affaires en France et dans le monde (Lux Leaks, Panama Papers, Bahama Leaks etc.) a mis en lumière l’ampleur des mécanismes d’évitement fiscal, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est saisi du sujet pour en dresser un constat et s’interroger sur leurs causes et leurs conséquences.

Le projet d’avis « Les mécanismes d’évitement fiscal et leurs impacts sur le consentement à l’impôt et la cohésion sociale», rapporté par M Antoine Dulin (Vice-Président du CESE, Groupe des Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse), au nom de la section de l’économie et des finances, présidée par Mme Hélène Fauvel, présente des recommandations concrètes à l’intention des pouvoirs publics afin d’améliorer la régulation de ces mécanismes au niveau national et international.

Le CESE met l’accent sur le nécessaire développement de la transparence financière, l’amélioration des moyens d’action juridiques comme de l’administration fiscale ainsi que sur le renforcement de la responsabilité des acteurs économiques privés et publics dans leurs comportements fiscaux.

L’avis a été soumis au vote de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental, le 13 décembre 2016 et adopté avec 150 votes pour et 36 abstentions.

La notion d’évitement fiscal utilisée par le CESE comprend l’utilisation de mécanismes illégaux explicitement interdits par la loi ou la jurisprudence, mais également l’utilisation excessive de mécanismes légaux potentiellement dommageable et contraire à l’intérêt général. C’est une différence de degré et de qualification juridique qui qualifie donc l’utilisation licite ou illicite de mécanismes légaux.

Si l’évitement fiscal a toujours existé, il a fortement évolué ces dernières années du fait de la globalisation et de la numérisation de l’économie. Le CESE en montre ces impacts sur la cohésion sociale tant dans le manque à gagner pour les finances publiques entraînant le report de la charge fiscale vers des facteurs moins mobiles que dans la concurrence entre Etats ou entreprises. Ces mécanismes d’évitement fiscal ont ainsi un impact sur le revenu des salariés, le financement de la protection sociale et entraine une distorsion de concurrence entre entreprises de différents tailles.

 

AFFIRMER LA PLACE DE LA FRANCE DANS LA LUTTE CONTRE L’ÉVITEMENT FISCAL AU NIVEAU EUROPÉEN ET INTERNATIONAL

De nombreuses mesures ont été prises ces dernières années pour lutter contre l’évitement fiscal à l’échelle internationale, européenne et nationale notamment dans le cadre du BEPS (érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices). Toutefois, comme l’ont rappelé les nombreuses auditions et entretiens lors de ces travaux, nous n’en sommes qu’au début d’un changement de paradigme. De nombreux efforts restent à fournir afin de consolider les avancées en la matière. Le CESE recommande donc la transposition rapide des recommandations de BEPS de la part des différents Etats et la poursuite des travaux dans un cadre plus large. Le CESE regrette, en effet, que les Nations Unies ne jouent à ce jour qu’un rôle marginal en matière de fiscalité alors même que son enceinte est la seule à pouvoir offrir la portée universelle souhaitée dans le cadre d’une convention. Il conviendrait en conséquence d’organiser une conférence des Etats sur la lutte contre l’évitement fiscal. Cette « COP fiscale » permettrait à la fois d’impliquer l’ensemble des Etats membres des Nations Unies (y compris les pays en voie de développement), et d’aborder un certain nombre de points non résolus : notion d’établissement stable, patent boxes… Enfin, elle serait une enceinte adéquate pour lancer la mise en place d’un registre international qui regrouperait les liens entre les différentes entités économiques de tous les pays.

Au niveau européen, le CESE salue les dernières avancées présentées par la Commission pour relancer de le projet de l’Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt sur les Sociétés (ACCIS). Notre assemblée préconise que le projet inscrive l’établisssement de fourchettes de taux minimum et maximum autorisés comme cela a été le cas pour la TVA. Elle demande que la France prenne l’initiative d’une coopération renforcée si l’unanimité entre les Etats européens n’est pas acquise. Sur la lutte contre les paradis fiscaux, notre assemblée préconise que la liste actuellement en discussion intègre les territoires européens qui ont une fiscalité agressive et propose l’harmonisation et la mise en œuvre de sanctions contre ces territoires.

ACCROITRE LE NIVEAU DE TRANSPARENCE ET DE RESPONSABILITÉ DES ACTEURS ÉCONOMIQUES PRIVÉS ET PUBLICS

« La question fiscale aujourd’hui est du même ordre que la question environnementale il y a 30 ans, avec des conséquences potentielles de même gravité en termes d’affaiblissement de la démocratie et l’Etat de droit », souligne Antoine Dulin

Le CESE considère qu’un niveau élevé de transparence est indispensable pour lutter contre l‘évitement fiscal. Face au développement de sociétés écrans ou de trust, le CESE propose de prendre des mesures pour mieux identifier les bénéficiaires effectifs et la mise en place de répertoires des entités économiques et des liens de contrôle et de détention au sein des groupes de sociétés. Dans ce domaine, il propose de retranscrire en France l’exemple américain FATCA grâce auquel les comptes détenus par les contribuables dans une banque ou un établissement de crédit à l’étranger font l’objet d’une déclaration automatique d’existence auprès de l’administration fiscale américaine via les établissements concernés. Il recommande de rendre obligatoire la déclaration par les banques et les établissements financiers de tous flux ou transactions entre un compte situé en France et un compte situé dans un paradis fiscal.

En parallèle, et dans une logique d’informations de l’ensemble de parties prenantes, le CESE recommande de renforcer l’information des institutions représentatives du personnel IRP sur la stratégie fiscale des entreprises. Il propose ainsi que les informations spécifiques communiquées à l’administration fiscale dans le cadre du reporting pays par pays leur soient diffusées selon la dimension du groupe d’appartenance de la société.

Une obligation d’information et/ou de consultation des IRP doit également être instaurée concernant notamment les règles en vigueur dans les entreprises sur les prix de transfert, sur la valorisation et la cession des brevets et des marques les prix intragroupe etc. L’importance du rôle des IRP dans la lutte contre l’évitement fiscal a été soulignée unanimement par les différents groupes composant le CESE.

L’assemblée tient à souligner que la fiscalité ne peut être considérée comme une charge comme une autre puisqu’elle participe à la contribution collective. En conséquence, le CESE préconise d’élargir la RSE des entreprises aux conséquences fiscales de leurs activités et de leurs stratégies et d’inclure un volet fiscal dans leur rapport. Cette démarche doit également être appliquée pour les fonds d’Investissement Socialement Responsables.

Parallèlement, il recommande que l’Etat et les collectivités en tant qu’acteurs économiques encouragent les comportements fiscalement responsables: politiques de participation, marchés publics, accès aux financements publics nationaux et européens…

RENFORCER LES MOYENS DE LUTTE CONTRE L’ÉVITEMENT FISCAL EN FRANCE

Les mesures prises ces dernières années en France et dans l’Union européenne ont permis de renforcer l’arsenal législatif et juridique pour lutter contre l’évitement fiscal. Le CESE constate toutefois que la puissance publique (administration fiscale, services d’enquêtes, autorité judiciaire) manque de moyens en termes d’effectifs et de budget de fonctionnement pour lutter plus efficacement contre cet évitement. Il convient donc de ne pas poursuivre les suppressions de postes et au contraire de renforcer les moyens techniques et humains existants. La formation des agents de l’administration fiscale et des magistrats doit être perçue comme un investissement et non comme un coût de fonctionnement.

Le CESE propose également un certain nombre de pistes pour améliorer les outils de prévention de l’évitement fiscal. Pour lutter contre les carrousels de TVA, le CESE propose de mettre en place une procédure permettant aux client.e.s déducteurs de la TVA de télédéclarer leurs gros achats en temps réel. Il recommande également, de prévenir davantage les montages fiscalement agressifs qui sont à l’appui des mécanismes d’évitement. Il propose ainsi qu’ils soient soumis à l’agrément préalable de l’administration fiscale.

Le CESE préconise également de faire évoluer la notion d’abus de droit, recommandant que cette réflexion porte également sur la graduation des sanctions applicables.

Face à un sentiment d’une fraude qui serait insuffisamment traquée, le CESE recommande davantage de transparence des travaux de la commission des infractions fiscales et l’élargissement de l’éventail et de la diversification des sanctions en matière de l’évitement fiscal associé à une meilleure visibilité et effectivité des peines pour les auteurs et complices.

Le CESE a, par ailleurs, souligné les avancées législatives en matière de protection des lanceurs d’alerte. Il souhaite que tous les moyens humains et matériels soient mis à la disposition du Défenseur des Droits pour assurer cette nouvelle mission. Il préconise que les IRP puissent jouer un rôle dans le recueil de l’alerte effectuée par un salarié. 

RENFORCER LA LÉGITIMITÉ DE L’IMPÔT POUR LUTTER CONTRE L’ÉVITEMENT FISCAL

Pour l’assemblée, lutter contre l’évitement fiscal est une condition au consentement à l’impôt. Personne ne doit aujourd’hui échapper à sa participation à la contribution publique.

Face au risque d’une banalisation de l’évitement fiscal dans notre société (1 Français sur 5 se dit prêt à la pratiquer), le CESE réaffirme la légitimité de l’impôt, comme pilier de notre Etat de droit.

L’impôt qui est au centre du débat public mérite d’être davantage expliqué à la population grâce à des outils adaptés. Il convient donc de mener une campagne pédagogique sur l’utilité de l’impôt et sur les risques encourus en cas d’évitement, comme cela peut se faire par exemple sur les comportements inciviques dans les transports en commun. Le CESE rappelle que l’administration mais aussi les décideurs politiques ont la responsabilité de tenir un discours responsable sur le sens de l’impôt, ses fonctions et son emploi.

Le CESE recommande à ce titre de renforcer les données statistiques sur l’imposition pour une meilleure clarté du débat public. Il propose notamment qu’un rapport soit transmis chaque année sur le phénomène d’expatriation fiscale et qu’une information complète sur les résultats des contrôles fiscaux et de l’état de la coopération internationale (nombre de requêtes d’échanges d’information, réponses reçues ou non par les pays …) ainsi qu’une évaluation des mesures législatives en matière de lutte contre l’évitement soient réalisées.

Enfin, l’effort doit aussi être porté dans la formation des fiscalistes et futurs fiscalistes afin que les aspects budgétaires, sociaux et sociétaux de la fiscalité et plus largement la dimension citoyenne de l’impôt y soient pleinement étudiés.

 

Contacts presse :

Emilie HUMANN – 01 44 69 54 05 / 07 77 26 24 60 / emilie.humann@clai2.com

 

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Share