L’élévation rapide du prix des médicaments innovants suscite de nombreuses réactions. A l’occasion de la réunion du G7 des ministres de la santé à Kobé en septembre dernier, Marisol Touraine a souhaité porter devant ses homologues l’exigence de coopérer face aux défis que pose à nos systèmes de santé le prix élevé des innovations de rupture. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) insiste sur le besoin de nouvelles règles, plus transparentes et favorisant l’innovation, qui doit être accessible à tou.te.s. L’avis « Prix et accès aux traitements médicamenteux innovants » co-rapporté par Catherine Pajares y Sanchez (Groupe CFDT) et Christian Saout (personnalité associée) au nom de la section des affaires sociales et de la santé présidée par Aminata Koné (Groupe UNAF), s’attache à distinguer les domaines qui doivent faire l’objet d’une régulation internationale de ceux qui peuvent être traités dans le cadre national pour faire émerger des solutions facilitant l’accès à l’innovation.
L’avis a été soumis au vote de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental le 25 janvier 2017, en présence de Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, et adopté à 176 voix pour et 1 abstention.
LEVER LES INCERTITUDES SUR L’IMPACT FINANCIER A VENIR
Les prix récemment demandés par les industriels pour certains traitements innovants ont interpellé la communauté médicale et l’opinion publique. A titre d’exemple, Sovaldi®, médicament utilisé pour soigner l’hépatite C chronique, a été vendu 41 000 euros pour 3 mois de traitement à l’Assurance maladie, quand son coût marginal de fabrication est estimé entre 75 et 100 euros. Plusieurs traitements connaissent ainsi des hausses de prix spectaculaires et injustifiées, parfois liées à la détention de brevets par des firmes internationales capables d’imposer un prix élevé, y compris pour des molécules déjà présentes sur le marché.
L’augmentation des prix des médicaments innovants conduit à une hausse prévisible des dépenses de santé, qui remet en cause leur soutenabilité à moyen terme et qui soulève le risque de sélection des malades dans les situations de rationnement. De manière plus générale, de très nombreux paramètres sont à prendre en compte pour déterminer l’impact financier et organisationnel des traitements innovants sur les comptes publics : portée et périmètre de l’innovation, dynamique de recherche et développement au sein des entreprises, internationalisation du marché etc.
Face à ces constats, le CESE recommande de mettre en place rapidement des études prospectives sur l’impact financier des traitements innovants dans la décennie à venir. Ces études pourraient s’intégrer dans le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
INSTAURER UN NOUVEAU SYSTEME DE REGULATION POUR REPONDRE A UNE PLUS JUSTE FIXATION DU PRIX DES MEDICAMENTS INNOVANTS
Zone de Texte: « L’accès aux soins fait partie de ces droits fondamentaux qui, en France, participent au socle de la cohésion sociale. Il devient nécessaire d’explorer les voies et moyens de la sauvegarde du modèle français d’accès universel aux innovations thérapeutiques », rappellent les rapporteurs de l’avis. La fixation du prix intervient alors que le médicament n’a pas été évalué en conditions de vie réelle, c’est donc un exercice difficile à mener et marqué par de nombreuses incertitudes. Le mécanisme institutionnel actuel d’évaluation et de fixation des prix a été élaboré alors que les innovations étaient relativement rares, il n’a pas été pensé pour s’adapter aux conditions dans lesquelles les médicaments innovants arrivent aujourd’hui en nombre sur le marché.
Le CESE estime que l’évaluation du caractère innovant des produits doit être affinée car c’est elle qui conditionne l’augmentation du prix. En outre, une place plus importante devrait être donnée à l’évaluation médico-économique dans le processus décisionnel. En effet, les prix demandés par les industriels sur certains produits sont trop élevés tandis que le régulateur n’a pas les moyens juridiques de limiter les hausses de prix au regard de l’enveloppe budgétaire disponible.
AMELIORER L’ARBITRAGE FINANCIER SUR L’INTEGRATION DES TRAITEMENTS INNOVANTS DANS L’OFFRE SANITAIRE FRANÇAISE
La transparence dans la politique du médicament est regardée par de nombre.ux.ses observateur.trice.s comme un facteur de modération des prix. Selon certaines analyses, la représentation des citoyen.ne.s au sein des instances d’évaluation et de fixation des prix, encourage cette même modération. Le CESE préconise donc de garantir l’effectivité du principe de représentation des associations agréées dans toutes les instances ayant à statuer en matière d’évaluation et de fixation du prix des médicaments.
L’Assemblée est également favorable à une représentation du Conseil des caisses d’assurance maladie au Conseil de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), à la Commission de la Transparence de la Haute autorité de santé (HAS) et à la Commission nationale d’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux (Cnedimts).
En tenant compte de la mise sur le marché précoce de certains médicaments qui sont marqués par un degré d’incertitude quant aux nombre de patient.e.s répondeur.e.s, le CESE estime qu’il importe de se doter de nouveaux mécanismes de régulation adaptés aux innovations de rupture. Il préconise l’application, sous réserve de sa pertinence et de sa faisabilité, d’un indicateur thérapeutique aux innovations de rupture. A cela, il recommande d’ajouter une évaluation en vie réelle de l’efficacité des médicaments et la révision des prix en fonction des indications et des résultats de ces études.
SOUTENIR LES EVOLUTIONS EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
L’Europe est caractérisée par une asymétrie d’information entre les industriels du médicament qui connaissent précisément les prix payés par chacun des Etats et les régulateurs n’y ont pas accès. Plusieurs décisions ont été prises afin de renforcer la coopération et l’échange d’informations et d’expertise au sein de l’Union européenne. La transparence des prix négociés doit progresser grâce à une meilleure coordination au niveau européen des méthodes d’évaluation : le CESE propose ainsi la mise en place de mécanismes d’échanges d’informations entre pays membres.
Sur le plan international, le France a demandé à l’Organisation de la Coopération et du Développement Economique (OCDE) de réaliser une étude diagnostique pour évaluer la soutenabilité des dépenses pharmaceutiques à moyen terme et de réunir des experts de haut niveau pour formuler des propositions. Le CESE soutient cette initiative, y voyant l’opportunité d’une meilleure prise en compte de la place du.de la patient.e et de la soutenabilité des systèmes de protection sociale.
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