Madame, monsieur,
Vous avez pour projet de présider la France. Une nouvelle équipe gouvernementale va s’installer avec vous.
A l’heure où la France se choisit un destin, un président et un nouveau gouvernement pour les 5 prochaines années, nous, médecins, vos médecins, avons constaté qu’aucun de vos programmes ne s’attaquait au chantier si complexe de la reconstruction de notre système de santé si gravement attaqué depuis 20 ans et qui aujourd’hui s’écroule.
Alors nous médecins, vos médecins, avons fait ce que nous faisons de mieux, par vocation, par nécessité depuis que nous avons prêté le serment d’Hippocrate : nous avons ausculté pour définir comment soigner.
Qu’avons-nous constaté ?
- Un accès aux soins de plus en plus compliqué pour les français, tout d’abord parce que les déserts médicaux s’étendent et parfois pour des raisons financières
- L’augmentation du coût de la santé : des trajets pour voir un médecin plus lointains, des médicaments plus chers et moins remboursés, des mutuelles plus chères pour une prise en charge moindre
- Des médecins ensevelis sous le poids des charges administratives au détriment de l’accueil et du suivi des patients
- Des médecins stigmatisés et harcelés par la Sécu
- La multiplication des déserts médicaux
- La surcharge des services d’urgences de l’Hôpital
- L’explosion des burn-out des personnels hospitaliers
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Selon l’OMS, entre 2000 et 2013, notre pays est passé de la première à la 19ème place des pays qui prodiguent les meilleurs soins de santé. Un système de santé tellement fragile qu’il ne survit que grâce aux 11000 médecins retraités actifs qui continuent d’exercer.
Selon une étude de l’association UFC – Que choisir publiée le 29 juin dernier, l’accès géographique ou financier à un médecin s’est dégradé pour plus de 30 millions de français depuis 2012.
Deux français sur trois n’ont pas confiance en l’avenir du système de santé français [1] car ils en souffrent au quotidien !
Comme tous les patients, cette France malade a peu de chance d’aller mieux sans le bon traitement. Et sans ressources financières, la France fait comme tous les patients : elle ne se soigne plus, elle reporte à plus tard, elle met ses économies ailleurs que dans sa santé.
La Fédération des Médecins de France demande au futur Président de la République de poser enfin les calculettes pour lutter contre « le trou de la sécu » et de regarder les français et les personnels de santé dans les yeux pour sauver ce qu’il reste encore debout autour du trou.
La réforme que vous mènerez devra garantir, renforcer et améliorer l’état de la santé médicale en France en poursuivant les premiers objectifs suivants :
- Un système de santé accessible à tous, sans conditions de revenus ni d’installation géographique,
- Un système de santé qui redéfinit et renforce les rôles de chaque professionnel de santé pour permettre à l’hôpital de se recentrer sur l’hospitalisation, en donnant les moyens aux généralistes et spécialistes de proximité d’accueillir le premier et le deuxième recours, évitant ce faisant 15 millions de passages injustifiés aux urgences chaque année
- Un système de santé où on reconsidère les médecins de proximité (des libéraux qui ne sont pas salariés de l’Etat) comme le maillon territorial essentiel et non le centre de coûts qu’ils ne sont pas
- Un système où les services médico-sociaux sont capables de mettre en uvre sur simple demande de l’IDE ou du médecin traitant, un portage de repas et/ou une auxiliaire de vie rapidement
- Un système de santé où médecins de proximité et hôpitaux se parlent, via des messageries qui se comprennent afin de gagner en temps, en coûts, en efficacité, en sécurité pour le suivi des patients
- Un système de santé qui permet aux médecins et aux patients de bénéficier de la liberté et de l’indépendance nécessaires aux choix médicaux qui ne peuvent être qu’individualisés pour atteindre l’excellence dans le traitement
- Un système de santé qui permettra aux médecins d’être accompagnés dans leur installation partout sur le territoire en fonction des spécificités territoriales grâce à des incitations locales, vrai levier contre les déserts médicaux
- Un système de santé qui libère les médecins des charges administratives chronophages pour leur permettre de consacrer davantage de temps aux patients, grâce à la création d’un forfait structure
- Un système de santé qui incite les étudiants à la pratique libérale grâce à un nouveau stage de découverte de la médecine de proximité d’une durée d’un an lors des études de médecine, avec des aides spéciales pour ceux qui choisissent de l’effectuer dans les déserts médicaux
- Un système de santé qui permet aux médecins d’accéder à des revenus en phase moyenne européenne afin de les prémunir de la précarisation dans laquelle certains entrent suite aux dernières décennies.
Nous médecins, vos médecins, exigeons une vraie réforme et ne soutiendrons plus une politique de santé qui diminue et détruit le réseau national accessible à tous que nous avons mis en place lorsqu’on nous donnait les moyens nécessaires pour le faire. Les maisons de santé nécessitent d’y attirer des médecins et c’est bien le sujet des déserts médicaux : les médecins ne peuvent s’installer dans des zones où on maintient le même niveau de charges et d’obligations administratives lors même que la pratique y est différente des grandes villes d’où sont issues nos gouvernants.
La bonne santé de chaque citoyen est un enjeu désormais non négociable : elle est le pilier de la société. Elle est nécessaire pour maintenir la créativité, la productivité, la force de caractère de la nation.
Quand un médecin part, c’est un village qui meurt : notre volonté est de participer à la redynamisation de nos territoires en facilitant l’installation et la pratique des médecins.
Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur le candidat à la Présidence de la République, en l’expression de nos salutations respectueuses.
Dr Jean-Paul Hamon
Président FMF
Dr Benoit Feger
Vice-Président FMF
Dr Claude Bronner
Président FMF-UG
Dr Pierre-Jean Ternamian
Président FMF-US
Dr Corinne Le Sauder
Président FMF-UMEP
[1] Sondage Harris Interactive, février 2017