La présence de sang dans les urines peut être le signe de nombreuses maladies de l’appareil urinaire ou des reins. Une hématurie, qu’elle soit visible ou non, est un signe d’alerte qui doit conduire à un bilan plus approfondi.
D’après un entretien avec le Dr Paul Méria, urologue à l’hôpital Saint-Louis et responsable du comité lithiase de l’AFU (CLAFU).
Urines colorées, on consulte !
Les urines sont habituellement de couleur jaune – si possible jaune paille. Lorsqu’elles virent au rouge-rose, c’est en général le signe d’un saignement au niveau de l’appareil excréteur ou dans les voies urinaires (hématurie).
L’hématurie est souvent isolée : il n’y a pas de symptômes associés, pas de douleur… Néanmoins, il ne faut en aucun cas négliger ce signe d’alerte : « il n’est jamais normal de découvrir du sang dans ses urines. Une hématurie impose des examens complémentaires pour en découvrir l’origine », insiste le Dr Paul Meria, urologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris.
Les causes de ces saignements sont extrêmement variées : calculs, traumatismes, tumeurs, affections rénales, maladies inflammatoires, infections prostatiques… Ou tout simplement cystite. Chez la femme jeune, la cystite est la principale source d’hématurie.
L’interrogatoire, clef de la consultation
Le type de saignement peut renseigner sur l’origine du trouble.
Si l’hématurie est « initiale », c’est-à-dire si les urines sont colorées en début de miction puis redeviennent claires, cela peut traduire une affection de l’urètre ou du col vésical.
Inversement, si le jet est limpide mais qu’en toute fin de miction, il devient rouge-rosé, c’est une« hématurie terminale », qui manifeste plutôt un problème vésical. En général une tumeur ou parfois un calcul.
Si l’hématurie est « totale » (présente sur l’ensemble de la miction), on ne peut rien conclure.
Enfin quand des signes comme la fièvre sont associés à ce symptôme, cela oriente vers une infection comme la prostatite aiguë chez l’homme.
Le médecin interroge également le patient sur ses facteurs de risque. « Chez la personne de plus de 40 ans, fumeuse ou exposée à des toxiques professionnels, l’urologue pense immédiatement à une tumeur de la vessie ou du rein », précise le Dr Méria.
On dépiste chaque année 11 à 12 000 tumeurs de la vessie et sensiblement le même nombre de tumeurs rénales.
Ce sang que je ne saurais voir
Certaines hématuries sont découvertes fortuitement à l’occasion d’un bilan de santé plus général (« examen périodique de santé » de la CPAM, visite de médecine du travail, analyses d’urines prescrites par le médecin de famille…). Le plus souvent, c’est lors d’une consultation en médecine du travail, dans le cadre des visites obligatoires, que la bandelette urinaire révèle la présence méconnue de sang dans les urines.
Même lorsque le sang n’est pas perceptible à l’œil nu – on parle alors d’hématurie microscopique –, il est nécessaire de réaliser des investigations complémentaires, car ce n’est pas la quantité de sang qui signe la gravité d’une lésion. Un trouble sévère peut induire un saignement modeste. Inversement, un saignement plus important peut être associé à un problème bénin.
Quand l’hématurie est symptomatique, associée à des signes de cystite, et que le traitement antibiotique suffit à faire cesser le saignement, on peut se dispenser de réaliser des examens complémentaires. Dans les autres cas, « il faut réaliser d’autres explorations en fonction des facteurs de risque », insiste le Dr Méria.
Une réponse graduelle
– Première étape : l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). Il vise à étudier les différents types de cellules présentes dans l’urine et à identifier les germes qui l’ont éventuellement contaminée.
Une cytologie urinaire peut aussi mettre en évidence un cancer. En effet, tous les épithéliums desquament. On retrouve donc dans les urines des cellules épithéliales de l’ensemble de l’appareil urinaire. En cas de tumeur de la vessie ou des voies excrétrices, des cellules anormales peuvent être présentes dans les urines. L’examen cytologique recherche la présence de ces cellules tumorales.
Une analyse plus poussée permet d’identifier des protéines spécifiques dans les urines. « Certaines protéinuries témoignent d’une maladie du glomérule » explique le Dr Méria. Lorsque le glomérule (corpuscule qui filtre le sang dans les reins) est poreux, il laisse sourdre du sang qui se retrouve ensuite dans les voies urinaires. « L’analyse d’urine est très importante car elle offre la possibilité de rechercher des protéines et des cylindres dont la présence va orienter vers une maladie rénale ».
– Si l’hématurie est confirmée sans signe d’infection ni de maladie du rein, d’autres explorations sont nécessaires pour savoir si la cause est maligne ou pas.
Voyager dans les voies urinaires
Du côté de l’imagerie, deux examens-clefs, l’uroscanner et la cystoscopie, suffisent à eux seuls à réaliser plus de 90 % des diagnostics.
– L’uroscanner avec injection est en général précédé par une échographie visant à identifier des tumeurs du rein ou de la vessie ou certains calculs. L’échographie ne révèle que des tumeurs assez volumineuses. L’uroscanner avec injection va affiner les résultats de l’échographie et permettre d’explorer totalement l’appareil urinaire (reins, vessie, voies excrétrices).
– En cas de doute l’urétrocystoscopie s’impose. Les cystoscopes sont des appareils souples d’un diamètre de 5 mm, à fibres optiques ou numériques, qui permettent d’explorer l’urètre et la vessie sous anesthésie locale.
D’autres explorations, plus rares sont parfois nécessaires comme l’urétéro-reno-scopie. Cet examen explore l’uretère et les cavités rénales au moyen d’appareils souples, à fibres optiques ou numériques (2,5 mm de diamètre). Il se réalise sous anesthésie générale. « L’urétéro-réno-scopie nous permet de visualiser les cavités rénales à la recherche d’angiomes, de malformations ou de tumeurs qui pourraient saigner ». Enfin de façon exceptionnelle, si on suspecte une malformation artérioveineuse, une artériographie rénale sera proposée.
6 messages clefs
– En cas de bandelette positive ou d’urines colorées, il est indispensable de confirmer le diagnostic d’hématurie par des analyses d’urine.
– L’interrogatoire est essentiel pour caractériser l’hématurie (initiale, terminale ou totale).
– Il faut toujours rechercher une tumeur, qu’elle soit vésicale ou rénale. Trop souvent encore face à une hématurie, certains médecins temporisent et rassurent indûment le patient.
– La recherche diagnostic sera proportionnelle aux facteurs de risque (tabagisme, exposition professionnelle, âge…)
– Une hématurie microscopique n’est pas visible à l’œil nu. Néanmoins elle doit être autant prise au sérieux qu’une hématurie macroscopique.
– Une fois que le bilan a permis d’éliminer une maladie urologique, une consultation en néphrologie est nécessaire : certaines maladies rénales peuvent se traduire par une hématurie. Ces maladies, si elles ne sont pas traitées en temps et en heure, risquent d’évoluer vers une insuffisance rénale.
Lexique
Hématurie microscopique : présence de sang invisible à l’œil nu. Ces hématuries sont en général découvertes lors d’un bilan (bandelette urinaire ou ECBU).
Hématurie macroscopique : saignement visible qui se manifeste le plus souvent par une couleur rosée des urines.
Hématurie initiale : saignement en début de miction (par opposition à l’hématurie terminale caractérisée par un saignement en fin de miction).
Les pigments présents dans certains aliments – en particulier la betterave – sont susceptibles de colorer discrètement les urines. Des traitements médicamenteux (antibiotiques, antipaludéens, laxatifs…) entraînent également la formation de métabolites, qui une fois éliminés par les reins, sont responsables d’un rougissement des urines.
Les marathoniens peuvent, au lendemain d’une course, voir leurs urines se colorer. Explication : sous l’effet des secousses répétées, la vessie est irritée. La partie haute de l’organe frotte la partie basse entraînant des petits saignements. Ces hématuries se résolvent d’elles-mêmes en quelques jours.
La myoglobinurie du sportif est également responsable d’urines colorées. Elle traduit la présence non pas de sang mais de myoglobine. Lors d’un effort intense chez des sujets généralement peu entraînés, le muscle relâche dans la circulation sanguine de la myoglobine, une protéine qui ressemble à l’hémoglobine. Cette myoglobine peut ensuite se retrouver dans les voies urinaires.
Enfin certains sports collectifs ou sports de contact (rugby, foot, Krav Maga, combat libre, MMA…) peuvent entraîner des chocs plus ou moins violents responsables de traumatismes internes. En cas de contusion rénale ou vésicale, des saignements peuvent apparaître. Les hématuries post-traumatiques peuvent guérir spontanément mais doivent faire l’objet d’explorations car elles peuvent traduire une contusion rénale assez appuyée.
LauMa communication • Laurent Mignon • Laurie Marcellesi