Prévu officiellement pour « améliorer la réflexion et la pratique entre les acteurs de soins », le dernier colloque du Comité pour la Valorisation de l’Acte Officinal (CVAO) qui s’est tenu le 27 novembre dernier avait pour objet principal les « plaies et pansements ». Lors de cet événement, le CVAO a, en fait, posé la question de la place du pharmacien comme « nouvel interlocuteur des infirmiers » dans le domaine du « traitement des plaies chroniques »… tout en revendiquant les plaies et pansements comme une « voie de spécialisation d’avenir pour le pharmacien, de nature à fidéliser des patients »…
Après l’expérimentation de la vaccination antigrippale et la mise en place d’entretiens pharmaceutiques pour le suivi de certaines thérapeutiques (anticoagulants, antivitamine K, asthme), les pharmaciens semblent donc, apparemment, s’intéresser à une nouvelle compétence infirmière. Et ce, pour de simples raisons mercantiles puisque, de l’aveu même du CVAO, « l’incidence des ulcérations de la peau, estimée à 2 millions de cas, peut représenter potentiellement pour une officine moyenne un pourcentage entre 6 et 13% de son chiffre d’affaires, et cela sans compter la vente de produits résultant du conseil associé ».
Face à ce qui paraît être une nouvelle offensive contre la profession infirmière libérale, le Syndicat National des Infirmières et Infirmiers Libéraux s’insurge et dit clairement « NON » !
Rappelant que le traitement des plaies et la cicatrisation font l’objet d’un enseignement spécifique dispensé en IFSI et même l’objet d’un D.U en faculté de médecine (accessible aux infirmières), le Sniil insiste sur le fait qu’une prise en charge de qualité des patients dans ce domaine ne dépend pas uniquement des connaissances théoriques acquises. La bonne réalisation pratique des soins, le respect des règles d’hygiène, la capacité à intervenir rapidement à tout moment, la très bonne connaissance technique des produits, mais aussi la connaissance des habitudes de vie sont également essentiels. Un bon suivi de plaies et cicatrisation ne tient pas du seul conseil de vente dans une officine, mais de l’observation clinique et savoir-faire infirmiers : la meilleure preuve en est sans doute apportée par le droit de prescription de dispositifs médicaux (dont les pansements font partie) qu’ont obtenu les infirmières…
De ce fait, le Sniil, syndicat infirmier libéral représentatif, refusera toute ingérence des pharmaciens dans ce qui est le cœur du métier infirmier. Et ce d’autant plus que, selon différentes études régionales, les soins de pansements, simples ou complexes, font partie des actes les plus fréquemment réalisés par les infirmières et infirmiers libéraux « une à plusieurs fois par jour »1.
Toutefois, partageant avec les pharmaciens le souci d’optimisation de la prise en charge du patient, le Sniil propose que le rôle des infirmières et infirmiers libéraux en matière de plaies et cicatrisation soit rapidement étendu, avec la création d’une consultation infirmière rémunérée de premier recours.
1 Etude Idilic, URPS Infirmière Corse/ORS Corse, 2015 ; Etude « Conditions d’exercice et activité des infirmiers libéraux des Pays de la Loire », ORS Pays de la Loire/URPS Infirmière, mars 2014 ; Enquête générale « Infirmier libéral en Haute-Normandie : réalité d’un exercice », URPS Infirmière, ARS Haute-Normandie, 2013.
Le Sniil appelle, enfin, l’ensemble des organisations représentatives infirmières (syndicats de libéraux et de salariés, mais aussi Ordre) à s’unir pour faire front contre cette nouvelle menace. Il n’est pas question que les infirmières et infirmiers fassent de nouveau les frais d’une politique de santé visant au développement de nouvelles compétences pour les pharmaciens !