Lettre des Internes à Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé : Réponse à l’entretien de Libération du 11/12/17
« Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé,
Jeunes médecins, internes, nous avons toujours été acteurs majeurs de la santé des Français. Au cours de la campagne présidentielle, nous avions déjà émis des propositions au sein de notre livre blanc. Nous souhaitons reprendre quelques éléments et poursuivre le travail avec les institutions pour améliorer la qualité des soins et la qualité de vie des soignants, deux paramètres indissociables.
L’extension de l’obligation vaccinale et l’augmentation du prix du tabac sont deux volets de prévention que nous soutenons, même si une augmentation soudaine (et non progressive) du tabac nous aurait semblé plus efficace au regard des données de littérature. Pour une efficacité optimale, ces mesures doivent être surtout accompagnées d’une formation solide des acteurs de santé à la prévention, et notamment des jeunes médecins.
Les pratiques évoluent et doivent être modernisées : l’inscription des actes de téléconsultation et de télé-expertise est une avancée et nous espérons que leur tarification sera à la hauteur de leur potentiel et du temps qu’ils demandent. C’est une condition essentielle. Le dossier médical partagé (DMP), attendu depuis une décennie, est annoncé comme simple et facile : nous serons extrêmement vigilants quant à son efficience compte tenu du nombre d’échecs dans les systèmes d’information médicale déployés jusque là dans certains hôpitaux.
Les médecins de demain doivent exercer avec les instruments modernes mais ils ne s’en saisiront que si ceux-ci sont efficaces. Nous serons alors les promoteurs d’un outil que notre génération juge indispensable pour la sécurité, la qualité et la pertinence des soins.
La répétition et la concordance des enquêtes sur le mal-être des soignants, dont notre étude sur la santé mentale des jeunes médecins publiée en février, soulignent l’importance de la qualité de vie au travail. Cela est exacerbé dans le monde hospitalier, heurté à la notion de rentabilité. Repenser le mode de financement des hôpitaux sera un élément essentiel, mais non suffisant, au bien-être des équipes soignantes. La lutte contre les risques psychosociaux des soignants et contre le sexisme sont d’autres volets dont nous nous sommes saisis. Nous attendons en ce sens un chantier majeur, prioritaire, afin de restaurer le bien-être et la bienveillance dans le monde de la santé.
Une restructuration de nos hôpitaux publics et leur rôle de recours dans l’offre de soins territoriale ont été annoncés : il est indispensable que les internes, acteurs centraux de nos hôpitaux publics, soient inclus dans cette démarche, et que notre formation aille de l’hôpital à la ville afin de construire des projets professionnels innovants.
Les notions de parcours de soins et d’organisation de l’offre de soins primaires doivent être intégrées plus en amont afin que les jeunes médecins se saisissent au plus tôt des orientations que prend notre système de santé. Nous attendons que les contrats de formation, prévues dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études médicales, permettent cette visibilité à l’échelle individuelle.
Les jeunes médecins sont soucieux de l’avenir du système de santé. Celui-ci doit garantir la liberté d’installation, qui est un des fondements de notre exercice médical français, et nous continuerons à nous opposer à toute proposition qui s’y opposerait. Aujourd’hui, la médecine libérale est déjà en souffrance, il est nécessaire de la repenser de manière innovante afin qu’elle séduise les médecins de demain.
L’InterSyndicale Nationale des Internes est investie sur ces sujets et attend de nos deux ministères de tutelle un engagement que les discussions associeront les internes, concernés au quotidien par ces problématiques.
Pour l’ISNI
Jean-baptiste BONNET
Président »