Alors qu’ils guérissent efficacement de l’hépatite C, les traitements dits « d’action directe » restent quasiment inaccessibles même dans les pays où ils sont disponibles à prix réduit. Soigner cette infection virale, qui attaque le foie jusqu’à entraîner la mort par cirrhose ou cancer, est en réalité un vrai parcours du combattant.
C’est ce que révèle, en amont de la journée mondiale contre les hépatites (28 juillet), l’étude que Coalition PLUS a menée dans cinq pays à revenu intermédiaire (Maroc, Inde, Indonésie, Malaisie et Thaïlande), « Analyse des politiques publiques de lutte contre l’hépatite C par l’expérience communautaire » [1].
Face à l’épidémie mondiale de l’hépatite C (VHC), le Maroc, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande font partie des rares pays à disposer non seulement de médicaments génériques à prix réduits mais aussi d’un budget dédié à la santé publique relativement important. Néanmoins, l’étude de Coalition PLUS démontre que le processus de prise en charge des personnes vivant avec l’hépatite C reste désastreux dans ces 5 pays à revenu intermédiaire.
En effet, fondée sur des entretiens réalisés auprès de 51 professionnels de santé spécialisés dans le VHC et de 240 personnes injectrices de drogues et/ou co-infectées au VIH et VHC [2], notre étude donne à voir les multiples barrières qui rendent l’accès aux diagnostiques et aux traitements extrêmement difficile, voire impossible pour un très grand nombre.
L’absence de prise de conscience
Dans les entretiens réalisés, autant les professionnels de santé que les bénéficiaires de services dénoncent le manque de sensibilisation sur le VHC et le déficit d’informations de qualité, facilement accessibles et mobilisables par le grand public. Les professionnels de santé pointent également le manque de formation sur le VHC et les temps d’échanges insuffisants avec les patients pour leur délivrer des informations de qualité.
L’inefficacité de la chaîne de soins
L’étude démontre par ailleurs que les services ne sont adaptés ni aux besoins, ni aux modes de vie, ni aux capacités financières des personnes qui sont censées en bénéficier. Tout d’abord, le parcours pour accéder aux examens biologiques permettant de réaliser des diagnostiques approfondis est décrit dans les entretiens comme coûteux, long et complexe. Les personnes interrogées évoquent en effet des déplacements fréquents et chers, qui en outre font perdre des journées de travail et donc de salaire aux patients. Les temps d’attente de deux à trois semaines avant d’obtenir les résultats d’analyse sont également de nature à freiner et alourdir le suivi de l’infection, ainsi que l’initiation du traitement.
Des traitements qui sont régulièrement en rupture de stock, même dans les capitales, comme cela a été dénoncé par les participants de l’étude à Dehli et à Jakarta. En outre, espérer bénéficier de la gratuité des traitements via les programmes gouvernementaux est souvent une vrai gageure. A Dehli, il faut se rendre une fois par mois à l’hôpital où faire la queue durant des heures pour obtenir un renouvellement de médicaments sans payer. En Thaïlande, ce sont les médecins qui imposent des conditions particulièrement drastiques aux patients, comme de s’abstenir de consommer des drogues pendant au moins six mois pour pouvoir accéder aux précieux médicaments. Résultats, les patients désertent les soins, alors qu’ils ont pourtant franchi l’étape déterminante du dépistage et les « perdus de vue » se multiplient.
Urgence à réformer en profondeur
Pour réussir à traiter 80% des 71 millions de personnes infectées à VHC d’ici à 2030, comme s’y sont engagés les Etats au sein des Nations Unies, il est urgent de lancer dès à présent des opérations de communication d’ampleur nationale et de réorganiser les services de soins pour les rendre plus opérationnels et accessibles. Aujourd’hui dans le monde, seulement 12% des personnes vivant avec le VHC sont dépistées et 4,2% ont accès à un traitement [2]. Et contrairement à ceux liés au sida, le nombre de décès causés par le VHC ne cesse d’augmenter.
Les associations communautaire de lutte contre le VIH et le VHC unies au sein de Coalition PLUS, demandent aux gouvernements :
· Des outils et des campagnes nationales d’information sur le VHC
· Un renforcement de la formation des professionnels de santé
· Une simplification du protocole de soins
· Une décentralisation des services VHC
· Une intégration des services VHC dans les programmes VIH et de réduction des risques
Pour en savoir plus : Conférence de presse à AIDS 2018 Amsterdam (en anglais) sur le thème Quelles avancées réelles dans l’élimination du VHC dans 5 pays à revenus intermédiaires ?
Jour/heure : mercredi 25 juillet, 13h-13h45
Lieu : PCR1, salle G106-107, niveau 1 of RAI Amsterdam
Participants : Maria Donatelli, Coalition PLUS (France) ; Mehdi Karkouri, ALCS (Maroc) ; Caroline Thomas PKNI (Indonésie).
Contact presse : Camille SARRET – csarret@coalitionplus.org
Sources
[1] « Mind the Gap, HCV Policies Versus Community Experiences », executive summary, Coalition PLUS, 2018 : http://www.coalitionplus.org/wordpress/wp-content/uploads/2018/07/Executive-summary-MIND-THE-GAP-final.pdf
[2] « Report on access to hepatitis C treatment », OMS, 2018 : http://www.who.int/hepatitis/news-events/hep-c-access-report-2018-key-messages/en/