Le CNNum considère que certaines dispositions du décret 2019/99 risquent de ralentir la mise en accessibilité des sites web. Plus globalement, il appelle vivement le Gouvernement à intensifier ses efforts en matière d’accessibilité de tous les services numériques essentiels à la vie des personnes en situation de handicap afin qu’il ne soit pas le moteur de l’accentuation d’inégalités.
De fait, quatorze ans après la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, force est de constater que l’accessibilité numérique est toujours un horizon lointain.
Pourtant, le CNNum rappelle que l’accessibilité numérique est une obligation prévue par laConvention des Nations-Unis relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), qu’elle est un principe fondateur du web et qu’elle concerne un public toujours croissant du fait du vieillissement de la population et de la dématérialisation généralisée des services, notamment publics.
Le CNNum salue l’extension du périmètre des entités concernées par l’accessibilité prévue par le projet de décret. Ainsi, d’autres organisations que l’Etat devront se conformer aux standards d’accessibilité numérique : il s’adresse, par exemple, aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros ou aux organismes remplissant une mission d’intérêt général (associations caritatives…), une nouveauté dont on ne peut que se réjouir.
Néanmoins, cette avancée importante est contrebalancée par le fait que le projet de décret ajoute de nombreuses possibilités d’échapper aux standards de mise en accessibilité. En effet, le projet introduit la notion de “charge disproportionnée” (article 2), une notion qui inquiète les acteurs du domaine (voir avis de la CNCPH) par son imprécision. Concrètement, toute organisation qui souhaitera se soustraire aux obligations en matière d’accessibilité de ses services numériques pourra vraisemblablement invoquer le fait que cela représente “une charge disproportionnée” pour elle, sans que l’on sache quelles ressources elle aura réellement mobilisées.
Le projet de décret exclut également du périmètre de son action les contenus vidéo et audiovisuels (article 7), une décision qui ne manque pas d’interroger, à l’heure où ces contenus sont de plus en plus présents, y compris sur les services en ligne de l’État.
Enfin, le projet de décret assortit ces obligations de possibilités de sanction (article 4). Ce qui est une intention louable rencontre pourtant bien vite un certain nombre de limites : le projet ne désigne pas d’autorité chargée du contrôle et de la mise en œuvre de celle-ci. Le montant maximum de la sanction (20 000€) apparaît bien dérisoire au regard de la taille des entités concernées (l’État, les entreprises avec un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros). Enfin, et c’est peut-être le plus grave, la sanction ne porte pas sur le respect ou non des standards d’accessibilité, mais uniquement sur la présence ou non, sur le site, de la déclaration d’accessibilité. La nuance est technique mais importante : un site peu accessible sera déclaré conforme s’il l’a bien affiché.
Pourtant, les consultations que le CNNum a effectuées font ressortir des propositions simples qui amélioreraient grandement et l’égalité des personnes en situation de handicap, et l’efficacité du décret – et, partant, la position de la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Par exemple :
- Prévoir, dans le cadre du plan Action publique 2022, des ressources humaines et financières conséquentes dédiées à l’accessibilité numérique et à l’inclusion numérique.
- Faciliter l’interprétation et le périmètre d’application de la notion de charge disproportionnée.
- Inscrire la possibilité pour les administrations de désigner un référent accessibilité sur le modèle du délégué à la protection des données (par exemple : le responsable de la publication). Ce dernier aurait pour mission de piloter l’accessibilité des services de communication au public en ligne.
- Prévoir dans le décret les modalités de mise en œuvre des sanctions qui sont prévues par l’article 4 notamment en désignant expressément l’autorité compétente chargée du suivi et des sanctions en matière d’accessibilité.
Pour en savoir plus :
Le Conseil national du numérique est chargé d’étudier les questions relatives au numérique, en particulier les enjeux et les perspectives de la transition numérique de la société, de l’économie, des organisations, de l’action publique et des territoires. Il est placé auprès du secrétaire d’État chargé du numérique. Ses statuts ont été modifiés par décret du 8 décembre 2017. Ses membres sont nommés par arrêté pour une durée de deux ans.
Pour toute information complémentaire, veuillez contacter Charles-Pierre Astolfi,Secrétaire général du CNNum (presse@cnnumerique.fr).