La pandémie met notre profession sous une énorme pression, à tel point que le nombre d’infirmières qui ont l’intention de quitter la profession a augmenté considérablement. Même si les gouvernements investissent dès maintenant dans la formation de nouvelles infirmières, il faudra au moins trois ans aux nouvelles recrues pour obtenir leur diplôme d’infirmière – et ces novices auront besoin de temps avant de pouvoir remplacer leurs collègues expérimentées qui s’en vont en ce moment même.
Un an après que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que la COVID-19 était une pandémie mondiale, une nouvelle enquête du Conseil International des Infirmières (CII) révèle que près d’une association nationale d’infirmières sur cinq interrogées fait état d’une augmentation du nombre d’infirmières quittant la profession. Quelque 90 % des associations se disent « quelque peu ou extrêmement préoccupées » par le fait que les lourdes charges de travail, le manque de ressources, l’épuisement professionnel et le stress poussent à cet exode. L’OMS a confirmé le traumatisme de masse subi par les travailleurs de santé, que le CII avait mis en évidence en janvier dernier.
Le monde est entré dans la pandémie alors qu’existait déjà une pénurie d’environ six millions d’infirmières, et que quatre millions d’autres infirmières devraient prendre leur retraite d’ici à 2030. La main-d’œuvre infirmière mondiale est par conséquent sous une pression intolérable. Le CII a aussi constaté qu’un grand nombre d’infirmières expérimentées quittent la profession ou envisagent de prendre leur retraite après la pandémie. Cela devrait inciter les gouvernements à investir dans les postes, la formation et le leadership des infirmières avant qu’il ne soit trop tard.
Il a été démontré que les systèmes de santé étaient extrêmement mal préparés à l’urgence mondiale, de nombreux pays manquant de lits de soins intensifs, de respirateurs et d’autres technologies, tandis que les équipements de protection individuelle étaient eux aussi en nombre insuffisant.
De nombreuses infirmières ont contracté le virus, le CII ayant connaissance de 3000 décès d’infirmières liés à la COVID-19. Cependant, compte tenu du manque de données disponibles, le CII estime que ce chiffre est largement en-deçà de la réalité – un problème que nous avions soulevé pour la première fois il y a un an.
La Présidente du CII, Annette Kennedy, se dit « profondément préoccupée par l’état de la profession infirmière, par les traumatismes mentaux et physiques subis par les infirmières au cours de l’année écoulée et par les nombreuses personnes qui risquent de souffrir de stress post-traumatique. La pression subie par les infirmières est inacceptable et il n’est pas surprenant que tant de nos collègues affectées estiment ne plus pouvoir continuer à exercer des fonctions qu’elles apprécient. Lorsque des infirmières dévouées et expérimentées annoncent vouloir quitter leur profession, il s’agit d’un signe évident que quelque chose ne va pas.
On ne peut pas demander aux infirmières de continuer alors qu’elles sont surchargées de travail et sous-évaluées. Nos infirmières ont fait beaucoup plus que leur devoir l’année dernière : il appartient désormais aux gouvernements de rendre aux infirmières leur dévouement et leur engagement en leur apportant le soutien dont elles ont besoin afin de poursuivre leur travail vital pour les patients, les familles et les communautés qu’elles servent si bien ».
Pour le Directeur général du CII, Howard Catton, les nouvelles données montrent que la difficulté de retenir le personnel infirmier expérimenté de haut niveau – un effet de la pandémie que l’on attendait à long terme – se manifeste en ce moment même. M. Catton souligne que « ce triste anniversaire devrait marquer un changement radical dans la manière de financer et d’organiser les services de santé. Un an plus tard, le personnel infirmier est au bord du précipice : l’effet COVID sur les soins infirmiers est bien réel, il constitue une menace imminente pour la sécurité et la solidité de nos systèmes de santé, une menace qui pourrait encore s’aggraver.
Le CII a fait rapport, tout au long de l’année passée, sur ce qu’a subi le personnel infirmier partout dans le monde. Nous avons vu comment l’effet COVID a gravement endommagé la santé physique et mentale de nos infirmières. Le CII a parlé d’un traumatisme de masse, ce que le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros, a confirmé.
Nous assistons aujourd’hui à une véritable tempête causée par le décalage entre les besoins croissants en matière de soins et l’offre de personnel infirmier expérimenté. Si l’on ajoute à cela la demande de soins non exprimée due à des affections non traitées et non diagnostiquées, et le fait que trois ou quatre ans sont nécessaires pour former une infirmière débutante, les perspectives sont sombres.
L’effet COVID associé à la pénurie actuelle de six millions d’infirmières, ainsi qu’aux quatre autres millions de collègues qui prendront leur retraite d’ici à 2030, pourrait entraîner à terme une diminution de dix millions de personnels infirmiers, sur les 27 millions d’infirmières et d’infirmiers dans le monde, et peut-être même une division par deux des effectifs disponibles. Face à la demande croissante de soins, il est exclu de laisser fondre le nombre d’infirmières expérimentées. Les gouvernements nous parlent de leur intention de recruter de nouvelles infirmières pour préparer l’avenir. Mais il faut savoir que trois ou quatre ans sont nécessaires pour former une volée d’infirmières, et bien plus encore pour qu’elles acquièrent l’expérience nécessaire pour devenir des leaders et des expertes dans notre domaine de compétence. D’où la nécessité urgente de soutenir et de préserver la main-d’œuvre dont nous disposons à l’heure actuelle.
Pour retenir nos infirmières les plus expérimentées, les gouvernements devront prendre des mesures audacieuses, notamment en améliorant les salaires et les conditions de travail ; en permettant aux infirmières plus âgées, en particulier, de bénéficier de modalités de travail flexibles ; et en leur offrant un soutien approprié en matière de santé mentale pour les aider à surmonter les traumatismes de l’année écoulée.
Le personnel infirmier du monde entier a été poussé presque à son point de rupture tout au long de la pandémie. Nous avons encore une chance de le protéger, mais le temps presse : nous sommes à une minute avant minuit et l’heure tourne ».
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Le Conseil International des Infirmières (CII) est une fédération de plus de 130 associations nationales d’infirmières, représentant plusieurs millions d’infirmières dans le monde entier. Géré par des infirmières et à l’avant-garde de la profession au niveau international, le CII plaide pour des soins de qualité pour tous et pour des politiques de santé solides, partout dans le monde.
Pour de plus amples renseignements, prendre contact avec Gyorgy Madarasz, attaché de presse (madarasz@icn.ch)