Nous l’attendions impatiemment, la voici la mise à jour de l’expertise de la recherche médicale française (INSERM) qui s’intéresse aux effets des pesticides sur la santé. Une première version avait fait grand bruit en 2013 lors de sa parution.
Cette nouvelle publication s’est faite à l’occasion d’une journée de restitution tenue ce jour à laquelle nous avons assisté. Comme en 2013, ce travail collectif repose sur les données des études épidémiologiques (produite depuis cette date) réalisées auprès des travailleurs, des enfants de travailleurs et des riverains, les données toxicologiques venant en complément pour étayer des hypothèses sur de possibles liens avec des substances précises.
Quelles conclusions de ce travail ? Malheureusement, les données confirment (renforcent) nos craintes :
- En résumé : les relations entre expositions aux pesticides et maladies chroniques identifiées dans le rapport de 2013 sont confirmées ou renforcées pour les adultes (présomption forte pour : hémopathies, Parkinson, cancers de la prostate, myélome multiple, les troubles cognitifs, la santé respiratoire) et pour les enfants (Présomption forte : des leucémies pour des usages domestiques ou professionnels, tumeurs du système nerveux central).
- Bien que les données sur des substances ou familles de substances sont par construction plus fragiles en épidémiologie, la connaissance progresse sur certaines d’entre elles.
Plus en détails :
- Concernant les expositions professionnelles, une présomption forte de lien entre le Lymphome Non Hodgkiniens (LNH) et des familles de pesticides (organophosphorés) ou des substances actives (malathion, diazinon, lindane, DDT…) est confirmée, ainsi qu’entre maladie de Parkinson et insecticides organochlorés, et pour les troubles cognitifs avec les organophosphorés.
- Pour les enfants de femmes exposées professionnellement ou dans le cadre d’un usage domestique durant la grossesse : le lien se confirme avec les troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant ainsi que certains cancers tels que les leucémies ou les tumeurs cérébrales.
- Les études de cohortes mères-enfants ont permis de caractériser les liens entre l’exposition professionnelle ou environnementale (c’est-à-dire en population générale) des mères pendant la grossesse et les troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant (présomption forte notamment les insecticides organophosphorés et les pyréthrinoïdes).
- Pour le reste de la population les connaissances épidémiologiques sont plus fragiles, compte tenu de la difficulté d’objectiver les expositions sur le long terme cependant, l’on peut noter un lien, avec une présomption faible, entre l’exposition des riverains des terres agricoles et la maladie de Parkinson ; idem pour le lien entre le « comportement évocateur des troubles du spectre autistique » et la proximité résidentielle à des zones d’épandages de pesticides.
Enfin, les experts ont été saisis pour se prononcer sur trois dossiers particuliers : glyphosate, chlordécone et SDHi.
- Pour le glyphosate, l’expertise ne va pas dans le sens contraire de celui du Centre de recherche sur le Cancer (CIRC) qui rappelons-le a classé cet herbicide comme cancérigène probable. L’expertise conclut a conclu à l’existence d’un risque accru de LNH avec une présomption moyenne de lien renforcé pour l’exposition professionnelle.
- Pour la chlordécone un rapport spécifique est déjà sorti, l’expertise va dans son sens. La présomption forte d’un lien entre l’exposition au chlordécone de la population générale et le risque de survenue de cancer de la prostate a été confirmée.
- Pour les SDHi il pratiquement aucune donnée épidémiologique pour le moment et l’expertise montre que les données toxicologiques sont « très discutées ».
« La précédente expertise de l’Inserm date d’il y a déjà 8 ans et cette dernière était déjà très conclusive sur le lien entre pesticides et certaines pathologies comme Parkinson ou LNH. La nouvelle expertise renforce globalement ces conclusions. Il est donc plus que temps pour le gouvernement d’agir vraiment pour une réduction forte de l’usage des pesticides, ce qu’il a échoué à faire jusqu’à présent, faute d’une réelle volonté politique », déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.
« Il faut également accélérer le retrait des substances les plus dangereuses en priorité et à cet égard la confirmation par cette expertise de la dangerosité du glyphosate déjà soulignée par le CIRC commande au gouvernement français de soutenir enfin une ligne de sortie du glyphosate en France et en Europe dans l’optique du réexamen communautaire de la substance en 2022, comme vient de le faire l’Allemagne », ajoute-t-il.
Contacts:
- Francois Veillerette (porte-parole) : francois@generations-futures.fr
- Nadine Lauverjat (déléguée générale): nadine@generations-futures.fr