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Des perfluorés dans le rouge à lèvres (Communiqué)

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Conséquence inattendue du port du masque : la vente de rouge à lèvres a chuté pendant la pandémie de coronavirus. 

À l’occasion de la Journée Mondiale du Rouge à Lèvres, il y a fort à parier que, si les conditions sanitaires le permettent, ces sticks colorés largement utilisés par les femmes au quotidien feront leur réapparition dans l’espace public. 

Pourtant, les données scientifiques s’accumulent pour mettre en évidence les effets toxiques des perturbateurs endocriniens (PE) et des métaux lourds qu’ils contiennent.

Si l’on sait que le khôl et le surma contiennent du plomb tout comme certains rouges à lèvres et teintures pour les cheveux, selon une nouvelle étude du Green Science Policy Institute, publiée le 15 juin 2021 dans Environmental Science & Technology Letters, basée sur le test de 231 produits de maquillage commercialisés aux États-Unis et aux Canada, près de la moitié des mascaras, rouges à lèvres et fonds de teint testés seraient contaminés par les perfluorés (PFAS). Pire, ces produits chimiques toxiques dits “éternels” et associés à de nombreuses maladies ne seraient majoritairement pas indiqués dans la liste des ingrédients. Qu’en est-il en France et au sein de l’UE ?

Les substances perfluoroalkylées, ou perfluorés, ou encore PFAS, sont une famille de perturbateurs endocriniens au-devant de l’actualité, notamment depuis la sortie du film Dark waters, qui relate l’action menée aux États-Unis par l’avocat Robert BILOTT afin de faire reconnaître les conséquences sanitaires de la contamination des eaux aux perfluorés par une usine Du Pont de Nemours. En Europe, la campagne de l’ONG suédoise Chemsec « No to PFAS » a conduit un certain nombre de grandes entreprises à bannir ces substances de leurs produits.

« Les personnes mettant du rouge à lèvres peuvent manger par inadvertance plusieurs kilos de rouge à lèvres au cours de leur vie », indique Graham PEASLEE, auteur principal de l’étude du Green Science Policy Institute et professeur de physique à l’université de Notre Dame. « Mais contrairement à la nourriture, les produits chimiques contenus dans le rouge à lèvres et les autres produits de maquillage et de soins personnels ne sont presque pas réglementés aux États-Unis et au Canada. Par conséquent, des millions de personnes portent quotidiennement, sans le savoir, des PFAS et d’autres produits chimiques nocifs sur leur visage et leur corps. »

Outre leur ingestion par les rouges, sticks, etc. pour les lèvres, les PFAS, contenus dans les cosmétiques peuvent être absorbés par la peau et les canaux lacrymaux. En plus de ces voies d’exposition directe, les PFAS peuvent se retrouver dans l’eau potable, l’air et les aliments lors de la fabrication des produits de maquillage, après rejet dans les égouts. D’autres secteurs que la cosmétique sont aussi à l’origine de ces pollutions environnementales (textiles, emballages alimentaires, ustensiles de cuisine, mousses anti-incendie notamment).

29 produits présentant les niveaux de fluor les plus élevés, un indicateur de la présence de PFAS, ont fait l’objet d’une analyse plus poussée et il est confirmé qu’ils contiennent tous au moins quatre PFAS préoccupants. Il s’agit de PFAS qui se décomposent en d’autres PFAS connus pour être hautement toxiques et nocifs pour l’environnement.

De nombreux produits contenant des PFAS sont décrits comme étant « résistants à l’usure » ou « durables ». Il est important de noter que la plupart des PFAS n’apparaissent pas sur les étiquettes des produits. Il est donc impossible pour les consommateurs d’éviter les cosmétiques contenant des PFAS en lisant les étiquettes.

« Les PFAS ne sont pas nécessaires pour le maquillage. Étant donné leur grand potentiel de nuisance, je pense qu’ils ne devraient être utilisés dans aucun produit de soins personnels », indique Arlene BLUM, coauteur et directrice exécutive du Green Science Policy Institute. « Il est grand temps de retirer toute la classe des PFAS des cosmétiques et d’empêcher ces produits chimiques nocifs d’entrer dans notre corps. »

En 2020, la Californie est devenue le premier État américain à interdire les produits chimiques toxiques dans les cosmétiques, parmi lesquels un certain nombre de PFAS, suivie du Maryland en juin 2020. Ces lois n’entreront toutefois en vigueur qu’en 2025. Du côté des marques, L’Oréal s’est engagée en 2018 à éliminer les PFAS de ses produits.

Peu après la publication de cette étude, la loi « No PFAS in Cosmetics Act » a été introduite à la Chambre et au Sénat américains pour interdire tous les PFAS dans les produits de maquillage et de soins personnels. En Europe, suite à la publication de la stratégie de l’Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, la Commission européenne devrait réviser le règlement sur les cosmétiques. Alors que la législation européenne interdit déjà de nombreux ingrédients dangereux pour la santé, des progrès importants restent encore à faire, notamment sur la question des perturbateurs endocriniens, mais aussi de nombreux autres aspects.

Un rapport de l’IGAS de 2020 avait montré les carences du dispositif institutionnel français dans le domaine des cosmétiques et le danger pour cette industrie de ne pas prendre en compte suffisamment la question des toxiques chimiques. « Opacité regrettable » indiquait le rapport. La réglementation européenne fait reposer la sécurité de ces produits chimiques en premier lieu sur les opérateurs économiques. Or les constats des autorités françaises font apparaitre des anomalies pouvant mettre en jeu la sécurité des consommateurs, et des pratiques perfectibles de fabrication et d’évaluation du risque. Certaines substances –nanoparticules, perturbateurs endocriniens, par exemple, soulèvent en outre des questions délicates d’évaluation des risques.

L’organisation française doit être renforcée de façon à préserver la population du danger chimique et à contribuer par son expertise à l’évolution du cadre européen sur les produits cosmétiques, en particulier sur les rouges à lèvres. Il est donc nécessaire de mobiliser tous les acteurs, qu’il s’agisse des pouvoirs publics, des associations, des collectivités locales, des professionnels de santé et des entreprises, afin de bannir des produits quotidiens les substances toxiques qu’ils contiennent.

Contacts:

André CICOLELLA, Président du Réseau Environnement Santé
president@reseau-environnement-sante.fr

Anja HARTWIG, Chargée de Communication WECF France
anja.hartwig@wecf.org

Elisabeth RUFFINENGO, Responsable Plaidoyer WECF France
elisabeth.ruffinengo@wecf.org

Nicolas NAMUR, Chargé de plaidoyer au Réseau Environnement Santé
nicolas.namur@reseau-environnement-sante.fr

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