Le sous-objectif personnes handicapées est fixé à 13,3 Md€ en progression de +4,7 %, une fois neutralisées les dépenses liées à la crise sanitaire. Ce sont ainsi 0.6 Md€ de financements nouveaux qui seront consacrés au secteur du handicap en 2022. Le sous ONDAM personnes handicapées intègrent notamment les conséquences de la mission Laforcade (387 M€ dans le cadre du Ségur de la santé et de ses extensions, et 39 M€ au titre de l’accord de la branche de l’aide à domicile). Mais l’affichage d’une augmentation des dépenses ne peut masquer la réalité du terrain.
Rappelons que les revalorisations du 01er octobre laissent amers un grand nombre de professionnels, une fois encore, oubliés, tels quel les administratifs, les personnels techniques, certaines catégories de soignants ou personnels médico-sociaux, notamment les personnels éducatifs et sociaux…
Cela sera donc encore et toujours aux directeurs de gérer l’inégalité de traitement au sein de l’établissement, parfois même au sein d’une équipe, et de compenser l’absence de financement, sachant qu’ils constatent déjà la perte d’attractivité de certains métiers et les fuites de certains talents.
L’année 2022 marque selon les termes des pouvoirs publics, une revalorisation historique des rémunérations des métiers de l’autonomie au-delà de la revalorisation socle du Ségur de 183 € net par mois qui avait en particulier bénéficié aux salariés des EHPAD, avant de concerner une partie du personnel relevant du champ du handicap. La généralisation du CTI ouverte de droit à tous, annoncée, n’est pas effective, renforçant davantage le sentiment d’oubli, voire d’abandon des professionnels du secteur. L’exclusion d’une partie des travailleurs sociaux a été un véritable choc dans le secteur.
Cet état de fait a positionné et positionne les directeurs devant une situation ubuesque. Dans une MAS non autonome, rattachée à un établissement sanitaire tous les agents perçoivent le CTI, mais dans une MAS autonome où s’appliquent les mêmes missions, les mêmes contraintes, la majorité ne perçoit pas le CTI. Comment l’interpréter ? Le problème est-il finalement le statut juridique de l’établissement ? Nous sommes en droit de poser la question.
Donc au sein des établissements, dont ils assument la gestion avec rigueur et détermination, certains professionnels en bénéficient, d’autres non. Pourtant tous ces professionnels n’ont-ils pas été mobilisés de la même manière durant la crise sanitaire ? ne se sont-ils pas engagés, mobilisés pour la continuité de service et pour garantir la prise en charge des personnes en situation de handicap ?
La reconnaissance des professionnels du secteur du handicap, qui s’est faite au compte-goutte, témoigne d’une considération des plus légères. Crise de vocation, grandes difficultés de recrutement, multiplication des départs,…la faible attractivité des métiers n’est pas un phénomène nouveau, mais la continuité d’un processus engagé de longues dates.
Aujourd’hui, elle se poursuit, s’aggrave devant le peu de cas fait à nos collègues du secteur du handicap qui doivent valoriser certains des membres de leur personnel, générant clivage et tensions inutiles en ce contexte si difficile, et détériorant encore l’attractivité des métiers, quand tout le discours officiel actuel invite au contraire à y remédier. Le recours à l’intérim n’est pas une solution durable. Dans certains départements, notamment en Ardèche, la proposition faite par l’ARS d’avoir recours aux personnes condamnées à des Travaux d’Intérêt Généraux (TIG) en tant que « levier parmi d’autres » met mal à l’aise nos collègues.
Le Premier Ministre Jean CASTEIX s’est ému dans son discours « PLFSS 2022 l’Etat s’engage pour le Grand Age et l’Autonomie » réalisé en Saône et Loire le 23 septembre 2021, où il a rappelé « vous avez bien travaillé, vous avez sauvé des vies. On a besoin de vous pour l’avenir, il faut recruter. Il faut recruter et on n’attire pas les mouches avec du vinaigre ».
Le PLFSS poursuit le développement de l’offre à destination des personnes en situation de handicap sur les territoires. Au total, 143 M€ de dépenses nouvelles sont dédiées à l’installation de solutions d’accueil et d’accompagnement, avec notamment:
- le financement de places nouvelles en réponse aux besoins identifiés sur les territoires (67 M€) ;
- la réponse aux situations critiques par la diversification des solutions d’accompagnements (10 M€) ;
- la convergence des réponses aux problématiques croisées du champ de l’enfance et du handicap (15 M€). ;
- le déploiement de services d’accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap (7 M€), afin de soutenir les parents en situation de handicap dès leur projet parental et jusqu’aux premières années de leurs enfants ;
- le renforcement de l’offre de répit avec la création de places d’accueil temporaire supplémentaires (2 M€), afin d’apporter une réponse aux aspirations légitimes des aidants ;
- la création d’unités d’enseignement pour les élèves polyhandicapés (6 M€), afin de permettre à ces enfants d’être scolarisés au sein de l’école ordinaire tout en bénéficiant d’un accompagnement selon leurs besoins ;
- le recrutement au sein des communautés 360 d’assistants de projets et de parcours de vie à même d’accompagner la personne en situation de handicap (5 M€), lors du premier confinement, le déploiement des Communautés 360 a permis, selon les pouvoirs publics, de soutenir les personnes en situation de handicap et leurs familles confrontées à de nombreuses difficultés. En 2022, les Communautés 360 convergeront vers un nouveau cahier des charges.
- le déploiement d’unités d’enseignement autisme supplémentaires pour favoriser la scolarisation des enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme en milieu ordinaire (12 M€), conformément aux engagements pris notamment dans le cadre du Comité interministériel du handicap de juillet 2021 ;
- le renforcement les plateformes de coordination et d’orientation (PCO) dans le champ des troubles du neuro-développement (TND) pour organiser au plus vite les démarches de diagnostic et d’intervention précoce. L’élargissement des PCO aux enfants de 7 à 12 ans favorisera la détection des troubles du déficit de l’attention/hyperactivité et des troubles Dys qui sont fréquemment repérés au moment de l’entrée dans les apprentissages (9 M€) ;
- la création d’unités résidentielles de petite taille (6 places), permettant une forte intensité d’accompagnement, en articulation avec le secteur sanitaire et l’environnement médico-social (8 M€), au titre des projets innovants ;
Si les mesures nouvelles ont le mérite d’identifier de véritables problématiques dans le secteur du handicap, leur morcellement en revanche inquiète les professionnels du secteur, au risque que les abondements financiers ne s’en trouvent trop restreints.
Aucune mesure n’est annoncée sur l’évolution de la prestation de compensation du handicap (PCH) aide humaine pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, mentaux et psychiques, comme cela était préconisé par la mission Denys Leguay, rendu le 28 juillet dernier. Pour cela il faudra attendre le PLFSS 2023 au mieux…
En revanche le Projet de Loi de Finances (PLF) 2022, en son article 43, a revu les conditions d’octroi de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) en fermant la porte à une « déconjugalisation » de l’AAH. Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, a expliqué, en s’appuyant sur une comparaison avec le RSA, que l’individualisation de l’AAH « remet en cause les principes de solidarité et de redistribution« . Si la mesure est adoptée, elle s’appliquera aux allocations dues à compter du 1er janvier 2022.
Le contenu du futur décret n’est pas encore connu, mais il est acquis que cela remplacera l’actuel abattement de 20%. Ce nouveau dispositif devrait concerner environ 120.000 foyers, pour lesquels la mesure représenterait un gain moyen d’environ 110 euros par mois. Le coût budgétaire pour l’État devrait avoisiner les 200 millions d’euros. Malgré tout, le collectif Handicaps a d’ores et déjà fait savoir que « cette proposition ne répond pas aux aspirations des allocataires de l’AAH qui ne veulent pas dépendre de leur conjoint« .
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l’Autonomie », souligne la nécessité de « transformer radicalement la façon dont notre société accompagne la perte d’autonomie de nos concitoyens« . A l’heure du virage inclusif voulu par les pouvoirs publics, beaucoup de choses restent à construire. Fin septembre Sophie Cluzel, secrétaire d’État, rencontrait des directeurs d’établissements et services d’aide par le travail (ESAT), et rappelait la nécessité « d’engager une dynamique d’Esat de transition dans tous les établissements ». Rappelons qu’un rapport des Nations Unies remet en cause l’existence des ESAT en France.
Quels moyens seront engagés, préconisés, pour atteindre ces perspectives d’avenir ? Peu de réponses sont perceptibles sur la concrétisation d’un modèle en devenir et peu de moyens sont identifiables dans ce PLFSS. Les problèmes de fond que sont la rémunération, la valorisation sociale et les conditions d’exercice du métier sont insuffisamment prises en compte. A quand une réelle revalorisation salariale ? A quand la promotion des différents métiers ?
L’affichage, la communication ne supplée pas la nécessité d’octroyer les moyens de ses ambitions. Stop aux paroles, place aux actes !
Les inégalités dans la fonction publique hospitalière sont insupportables pour les professionnels au quotidien. Vont-ils rester motivés ? Quels engagements attendre de leur part devant le chantier de la réforme de l’offre du secteur du handicap ?
Le CH-FO a fait et fera encore de nombreuses propositions, parce qu’il n’est jamais trop tard mais il faut avoir le courage de se dire, qu’en l’absence de prise de conscience du gouvernement des réalités du terrain et des besoins identifiés, la précarisation des travailleurs sociaux n’est pas acceptable, le service public ne peut pas tout, les directeurs ne peuvent pas seuls remédier à tout, nos personnels attendent une juste reconnaissance.