- Evolution de la consommation d’antibiotiques dans le secteur de ville en France 2010-2020. Quel est l’impact de la pandémie de Covid-19 ?, Philippe Cavalié et coll., Santé publique France
Consacré à l’analyse des consommations et des prescriptions d’antibiotiques dans le secteur de ville, cet article retrace leur évolution durant la période 2010-2020, à partir des données du Système national des données de santé. Il mesure également l’impact important que la pandémie de Covid-19 a eu en 2020 sur l’utilisation des antibiotiques. En 2020, une baisse de 17% de la consommation, exprimée en nombre de doses définies journalières, a été observée et une baisse de 18% en nombre de prescriptions par rapport à ce qui était attendu pour 2020. Les mesures renforcées d’hygiène, les mesures de distanciation sociale ainsi que les périodes de confinement ont contribué à ce que la transmission des infections bactériennes et virales soit ralentie. De surcroît, la pandémie a eu pour conséquence de restreindre le nombre de consultations médicales et donc le nombre de prescriptions. Les résultats présentés tiennent également compte de l’âge et du sexe des patients : ainsi, les femmes reçoivent plus de prescriptions d’antibiotiques que les hommes. Et ce sont dans les classes d’âges les plus jeunes que les prescriptions ont le plus baissé entre 2010 et 2020. Par ailleurs, ce sont les médecins généralistes qui sont très majoritairement à l’origine des prescriptions d’antibiotiques, mais leur taux de prescription a diminué durant la période étudiée. Il restera à établir, au cours des prochaines années, si la pandémie a modifié les comportements et a contribué à renforcer le respect des mesures d’hygiène. Dans ce cas, une moindre utilisation des antibiotiques pourrait être durablement observée.
- Surveillance nationale de la résistance aux céphalosporines de 3e génération et aux fluoroquinolones des isolats urinaires d’Escherichia coli en soins en ville : tendances 2015-2019 en France, Olivier Lemenand et coll., Cpias des Pays de Loire
La résistance bactérienne aux antibiotiques est une préoccupation mondiale. L’objectif est de présenter l’évolution des pourcentages de résistance aux céphalosporines de 3e génération (C3G) et aux fluoroquinolones (FQ) chez les isolats urinaires de Escherichia coli rapportés par les laboratoires de biologie médicale privés participant à la surveillance nationale Primo entre 2015 et 2019.
Il a été observé une diminution de la résistance aux C3G entre 2015 et 2018 (4,2% vs 3,2%), suivie d’une augmentation en 2019 (3,4%). Le pourcentage de souches productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) suivait la même tendance (3,7% en 2015, 2,8% en 2018 et 3,0% en 2019). Le pourcentage de résistance aux FQ diminuait également entre 2015 et 2018 (12,5% vs 11,0%) et augmentait en 2019 (11,4%). Sur la période, il a été observé une diminution des pourcentages de E. coli producteurs de BLSE et résistants aux fluoroquinolones dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val de Loire, Grand-Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire. En Île-de-France, une augmentation non significative du pourcentage de E. coli producteurs de BLSE était observée entre 2016 et 2019, tandis que la résistance aux FQ diminuait entre 2017 et 2019. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie, les résistances aux C3G et aux FQ augmentaient entre 2017 et 2019.
L’évolution de la résistance aux C3G et FQ est encourageante et les données produites par la surveillance Primo pourront orienter les actions des futurs Centres régionaux en antibiothérapie (CRAtb).
- Consommation d’antibiotiques et résistances bactériennes en établissement de santé. Données SPARES 2020, Aurélie Chabaud, Service de bactériologie-virologie-hygiène, CHU de Limoges
La surveillance nationale portant sur les données de consommation d’antibiotiques et de résistances bacté[1]riennes dans les établissements de santé (ES) selon la méthodologie de la mission nationale de Surveillance et prévention de l’antibiorésistance en établissement de santé (Spares) a permis de recueillir des informations issues de 1 752 établissements pour la partie « consommation d’antibiotiques » et 1 066 pour la partie « résistances bactériennes » en 2020.
La consommation globale d’antibiotiques était de 286 doses définies journalières (DDJ) pour 1 000 journées d’hospitalisation, avec des variations selon les ES et les secteurs d’activité clinique, de 38 en psychiatrie à 1 145 en réanimation. La part des antibiotiques à large spectre (selon l’indicateur défini par l’ECDC) était de 35%. Dans une cohorte d’ES, la consommation globale d’antibiotiques était plus élevée en 2020 qu’en 2019, avec une part plus importante d’antibiotiques à large spectre. Concernant les résistances bactériennes, 8,3% des souches d’entérobactéries étaient productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) et 0,2% de carbapénémase. Parmi les souches de Staphylococcus aureus, 14% étaient résistantes à la méticilline (SARM). Les proportions de SARM et d’EBLSE étaient plus faibles qu’en 2019, dans la continuité des tendances observées depuis 2016 ; l’incidence plus élevée des EBLSE, dans un contexte d’activité hospitalière modifiée en 2020 reste à explorer. Malgré la poursuite de la crise sanitaire en 2021, les ES se sont mobilisés pour participer à la surveillance nationale permettant d’identifier les pistes de travail pour poursuivre la lutte contre l’antibiorésistance.
- Caractéristiques et évolution des souches d’entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC) isolées en France, 2012-2020
La lutte contre l’antibiorésistance est un enjeu de santé publique majeur qui concerne l’ensemble des pays du globe. L’une des stratégies pour lutter contre la diffusion des bactéries hautement résistantes émergentes (BHRe) est d’identifier rapidement les patients porteurs (colonisés et/ou infectés) pour éviter les phénomènes de transmission, notamment en milieu hospitalier. Depuis sa création en 2012, le Centre national de référence (CNR) associé « Résistances aux antibiotiques » de Bicêtre reçoit des souches d’entérobactéries de tout le territoire français pour analyse du mécanisme de résistance aux carbapénèmes. Dans cet article, sont présentées les données d’épidémiologie récoltées par le CNR entre 2012 et 2020. Chaque année, le nombre de souches reçues au CNR et la proportion d’entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC) n’ont cessé d’augmenter. Selon les données du CNR, les carbapénémases de type OXA-48 représentent actuellement 63,3% des EPC circulant en France, suivies des enzymes de type NDM (New Delhi métallo-ß-lactamase, 20,1%). Les EPC sont majoritairement identifiées lors de dépistage de portage digestif (70%), mais les cas d’infection ne sont pas rares. L’augmentation continue de la prévalence des métallo-ß-lactamases est inquiétante car les nouveaux inhibiteurs (avibactam, relebactam, vaborbactam) mis actuellement sur le marché ne sont pas actifs sur cette classe de carbapénémase. Enfin, l’analyse du génome complet des EPC par le CNR a permis d’identifier certains clones plus à risque de diffusion pouvant être responsables d’épidémies hospitalières.
Il est nécessaire de poursuivre les efforts sur le dépistage précoce de ces BHRe à l’hôpital pour permettre le contrôle de leur diffusion à la fois dans l’environnement hospitalier mais également communautaire.
- Caractéristiques et évolution des souches cliniques d’entérocoques résistantes aux glycopeptides (ERG) et/ou au linézolide isolées en France, 2006-2020, Asma Zouari et coll., CNR de la résistance aux antibiotiques, CHU de Rennes
De nombreuses épidémies impliquant des souches d’entérocoques résistantes aux glycopeptides (ERG) ont été rapportées en France et dans le monde. De plus, l’émergence de souches d’entérocoques résistantes au linézolide (ERL) a récemment été rapportée. L’objectif de ce travail est de décrire les principales caractéristiques des souches d’ERG et d’ERL isolées en France et reçues au Centre national de référence de la Résistance aux antibiotiques entre 2006 et 2020.
Toutes les souches reçues ont été caractérisées phénotypiquement (MALDI-TOF, antibiogramme, CMI) et génotypiquement (qPCR, WGS). Le typage et la comparaison des souches d’ERG ont été réalisés avec différentes techniques au cours du temps (électrophorèse en champ pulsé, rep-PCR, analyse génomique comparative ou spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier).
Sur les 6 311 souches d’ERG reçues sur la période 2006-2020, une très grande majorité appartenait à l’espèce E. faecium (91,8-98,3%), suivie par E. faecalis (0,8-7,9%). Le gène vanA était majoritaire (74,9%), suivi du gène vanB (23,8%). Une grande majorité (>95%) des souches d’E. faecium appartenait au complexe clonal (CC) 17. Depuis 2017, il a été observé une augmentation significative des ERL liée à la diffusion dans certaines régions de souches épidémiques présentant une résistance chromosomique, mais aussi à l’acquisition de gènes plasmidiques (notamment optrA et poxtA) par des souches non clonales. Par typage moléculaire, il a été démontré que de nombreux clones d’ERG (majoritairement E. faecium) étaient sporadiques, tandis que certains clones hyper-épidémiques (isolés chez au moins 5 patients) ont été détectés dans plusieurs établissements/villes différents avec une diffusion locorégionale.
La majorité des souches d’ERG circulant en France sont des souches d’E. faecium adaptées à l’environnement hospitalier (CC17) et porteuses de l’opéron vanA. Il y a aussi l’émergence de souches d’ERL qui doit être surveillée étroitement.
- Les perceptions et les comportements de médecins de ville à l’égard de l’usage des antibiotiques et de l’antibiorésistance en France en 2020, Olivia Ing et coll., Santé publique France
Une campagne pédagogique, élaborée par Santé publique France, sera déployée dès 2022 auprès des professionnels de santé de ville, afin de les sensibiliser et d’améliorer le bon usage des anti biotiques. Pour la préparer et compléter une étude quantitative conduite en parallèle, Santé publique France a réalisé en 2020 une enquête qualitative auprès de médecins de ville, afin de mieux comprendre leurs perceptions de l’usage des antibiotiques et de l’antibiorésistance, leurs prescriptions, et de les interroger sur l’utilisation des outils mis en place au cours des dernières années par les pouvoirs publics.
Pour cette étude ont été réalisés, en mars 2020, des entretiens individuels auprès de 36 médecins de ville (généralistes et pédiatres) et six entretiens par groupe de quatre médecins généralistes dans l’ensemble de la France.
L’analyse des entretiens a montré des médecins concernés, mais qui se sentent peu outillés et aidés dans la lutte contre l’antibiorésistance. Ils considèrent que leur marge de manœuvre est faible. La crainte de complications et la pression ressentie par les médecins de la part de certains patients les poussent plus souvent à prescrire des antibiotiques à leurs patients âgés atteints de polypathologies. Ils soulignent de plus le manque d’information, de sensibilisation du grand public, et d’outils pratiques pour adapter au mieux leur prescription.
Cette étude confirme le besoin de clarifier certains aspects de l’antibiorésistance (phénomène communautaire et pas uniquement hospitalier, organisation de la lutte contre l’antibiorésistance) mais aussi le besoin d’appui des médecins pour les aider à réduire leur prescription (formation, outils, campagne d’information du public…). Ces résultats, en complément d’autres travaux, nous permettront d’affiner notre stratégie de communication auprès des professionnels de santé de ville.
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