La Commission des Affaires Sociales du Sénat, sur l’initiative du groupe Les Républicains, a engagé un travail de titan dans une commission d’enquête sur l’Hôpital en France. Depuis le 9 décembre 2021, d’innombrables heures à écouter, questionner, entendre pour comprendre tous les interlocuteurs concernés[1]. Le SNPHARE a été auditionné le jeudi 6 janvier 2022.
En marge de cette commission d’enquête, à la demande du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain (SER), le Sénat a organisé lors de la séance du 5 janvier 2022 un débat nocturne sur le thème « Les Oubliés du Ségur / investissements liés au Ségur de l’hôpital »[2].
On s’étonne de l’absence à ce débat de l’absence du Ministre des Solidarités et de la Santé, si fier de la « réussite » de son Ségur de la Santé… C’est la ministre déléguée, chargée de l’autonomie, qui est dépêchée au Sénat, avec un paquet d’antisèches quelque peu erronées.
La question de l’iniquité du reclassement des grilles de PH – où les PH nommés avant le 1er octobre 2020 – ceux qui essaient de tenir l’hôpital public depuis des années – sont placés sur une grille d’avancement nettement inférieure à celle des nouveaux PH (perte relative de 4 ans d’ancienneté) est posée : la réponse est hésitante, affligeante d’inexactitude jusqu’à se terminer en qualifiant les praticiens hospitaliers de « personnels non médicaux »[3].
Le SNPHARE ne résiste pas à un rapide fact-checking…
Accord majoritaire pour les PH ? Non, les signataires du Ségur ne sont en aucun cas majoritaires chez les PH, où l’union syndicale APH-JM, qui comprend le SNPHARE, détient 60 % des sièges issus de la représentativité (élections professionnelles, juillet 2019). C’est d’ailleurs par un recours en Conseil d’Etat que les organisation majoritaires ont été incluses dans les concertations post-Ségur concernant les praticiens hospitaliers. Et en aucun cas, la ministre déléguée n’évoque des mesures Ségur.
Fusion des 4 premiers échelons ? Non, ce n’est pas le Ségur. C’est une mesure « Ma Santé 2022 », en concertation bien avant le début de la crise COVID, et terminée, en raison d’un retard du calendrier, de manière contemporaine au Ségur. Elle était bien demandée par notre organisation syndicale, Et cette mesure n’a pas été accompagnée de la légitime évolution de carrière similaire pour les PH en milieu de carrière. En outre, elle ne concerne pas 15 000 praticiens hospitaliers mais environ 3000 : la ministre fait sans doute référence aux évolution d’échelons octroyées aux PH en fin de carrière…
25 000 praticiens ont des primes managériales ? C’est faux (cela reviendrait à dire qu’un PH sur 2 a des fonctions managériales), et ce n’est pas le Ségur. En outre, il s’agit de primes s’étalant de 200 à 600 euros, pour des fonctions managériales réalisées le plus souvent sans aucun temps dédié, c’est-à-dire sur du temps personnel.
Les carrières hospitalo-universitaires ?… C’est le Ségur, mais ce ne sont pas les PH ! … et des mesures de reclassement injustes ont également été décidées.
Le SNPHARE dénonce cet amas de mensonge opposés au sein de l’hémicycle du Sénat. Il invite le Ministre des Solidarités et de la Santé à fournir toutes les données nécessaires à ses collaborateurs afin de leur permettre de diffuser les bonnes informations devant la représentation nationale.
Le SNPHARE dénonce l’absence de réponse à la question posée dans le débat parlementaire. Il alerte sur les conséquences d’un tel mépris de l’engagement des praticiens hospitaliers ayant porté l’hôpital avant et pendant la crise sanitaire malgré des conditions de travail de plus en plus insupportables et une perte de pouvoir d’achat de plus de 30 % en 30 ans.
Le SNPHARE demande au Ministre de la Santé et des Solidarité de toute urgence des mesures d’attractivité pour les praticiens hospitaliers qui sont encore dans l’hôpital à travailler jour et nuit pour soigner les patients et peut-être éviter une vague supplémentaire de départ de médecins, notamment dans le cadre de la permanence des soins.
Le SNPHARE rappelle que, après échec de nombre de démarches de dialogue social, une procédure est en cours en Conseil d’Etat sur le sujet du reclassement. Le SNPHARE demande l’octroi immédiat des 4 ans d’ancienneté que les praticiens hospitaliers méritent… et qui éviterait un nouveau camouflet judiciaire au Ministère.
Annexe : Retranscription de la question-réponse au Sénat, 5 janvier 2022
Mme Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice : Madame la Ministre […] Je vais vous parler de l’hôpital public. Dans l’hôpital public, les praticiens hospitaliers en milieu de carrière se sentent aussi oubliés par le Ségur de la Santé. Ceci est en lien avec l’absence d’application de la nouvelle grille des PH à ceux qui sont nommés avant le 1er octobre 2020. C’est une mesure qui est très mal vécue par les praticiens, avec de nombreux recours individuels – il y en a plusieurs milliers – et 330 CME ont adopté une motion demandant l’application de cette nouvelle grille à tous. Ce dossier est à ce jour bloqué dans votre ministère alors que les représentants du secteur vous ont fait parvenir des propositions claires et efficaces afin de fidéliser les praticiens hospitaliers. Ce ne serait que justice, compte tenu de tous les efforts réalisés depuis plus de deux ans, dans un hôpital sous tension. Pouvez-vous m’assurer que vous reverrez ce dossier avec toute l’attention qu’il mérite pour ces professionnels de santé qui doivent recueillir toute notre reconnaissance ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l’autonomie : Madame la sénatrice Delmont-Koropoulis, vous m’interrogez sur les mesures des personnels… des praticiens notamment. Sur cette revalorisation qui est attendue, je rappellerai qu’il y a eu un accord, d’abord, avec les partenaires sociaux, un accord signé avec les organisations syndicales représentatives des médecins et la fédération hospitalière, le 13 juillet. Que c’est leur choix aussi que cette méthode et ce calendrier qu’ils ont choisis de faire ensemble. Que cet accord majoritaire a permis la fusion des quatre premiers échelons de carrière pour améliorer l’attractivité, notamment auprès des jeunes professionnels de santé à l’hôpital public. On est bien dans la nécessité de rendre plus attractifs ces métiers de l’hôpital public bien sûr. Et donc, comme c’est le cas des grilles, c’est comme ça, ce sont les nouveaux entrants qui en bénéficient, vous avez raison, cette refonte des grilles concerne plus de 15 000 praticiens, tout de même, et un engagement du gouvernement de 90 millions d’euros.
Par ailleurs, le gouvernement s’est engagé à reconnaître les fonctions managériales – comme je l’évoquais tout à l’heure – des médecins à l’hôpital avec une prime de chef de service qui a été instaurée, et des primes de chefs de pôle aussi, de président de commission médicale, qui ont été revalorisées : près de 25 000 praticiens bénéficient de ces primes managériales depuis novembre 2021 pour un engagement de plus de 80 millions d’euros.
Et puis au-delà du Ségur de la Santé, le gouvernement a pris des engagements en juillet pour améliorer l’attractivité des carrières des personnels hospitalo-universitaires : amélioration des rémunérations, on l’a dit, mais des parcours professionnels, ou encore l’égalité femmes-hommes dans l’accès à ces carrières.
Au total, l’engagement du gouvernement pour attirer, fidéliser des personnels non médicaux à l’hôpital représente un engagement de 500 millions par an.
[1] http://www.senat.fr/commission/enquete/2021_sante_et_hopital.html#c668461
[2] http://videos.senat.fr/video.2690478_61d5f92e4b455.seance-publique-du-5-janvier-2022-soir?timecode=1003000
[3] Cf. Annexe « Question de Mme Delmont-Koropoulis, réponse de Mme Bourguignon et réplique – à la suite de ce communiqué de presse