Ce jeudi 5 mai avait lieu le colloque de restitution de l’Expertise scientifique collective (ESCo) de l’Inrae et de l’Ifremer sur les impacts des pesticides (appelés produits phytopharmaceutiques ou PPP) sur la biodiversité et les services écosystémiques Les ministères chargés de l’Environnement, de l’Agriculture et de la Recherche ont sollicité INRAe et l’Ifremer pour réaliser un état des lieux des connaissances scientifiques relatives aux impacts des PPP sur la biodiversité et les services écosystémiques.
La précédente expertise scientifique collective sur « Pesticides, agriculture et environnement » avait été réalisée en 2005. Le collectif d’experts rassemblé pour cette ESCo comptait 46 chercheurs de 19 organismes de recherche et établissements d’enseignement supérieur. Ils ont examinés plus de 4000 études scientifiques publiées entre 2000 et 2020.
Les principales conclusions de cette vaste ESCo sont inquiétantes (extraits de l’ESCo) :
Tous les types de matrices (sol, air, eau, sédiment, ainsi que le biote) sont contaminés par les pesticides. Cette contamination est ubiquiste. Elle se traduit généralement par la présence de mélanges de PPP qui incluent plusieurs molécules. L’agriculture est identifiée comme la source majeure d’introduction des pesticides dans l’environnement (95 à 98% des usages) ce qui explique que les espaces agricoles sont les plus contaminés.
Les connaissances sur les effets des pesticides se diversifient. De plus en plus d’effets non attendus et sans relation claire avec le mode d’action connu sont mis en évidence, par exemple pour ce qui concerne les systèmes nerveux, immunitaire, endocrinien, ou encore les interactions avec les microbiotes. Ceci soulève la question des répercussions que ces effets, qui sont le plus souvent sublétaux, peuvent avoir sur la dynamique des populations concernées. Les effets indirects sont également très importants. Les effets des pesticides peuvent aussi s’inscrire dans un contexte multifactoriel. Des effets liés à la destruction des habitats liée à l’intensification agricole ou au changement climatique viennent en effet s’ajouter à ceux des pesticides.
Les pesticides contribuent au déclin de certains groupes biologiques. Depuis l’ESCo de 2005, les connaissances acquises renforcent le lien de causalité entre l’utilisation de pesticides et le déclin constaté depuis plusieurs décennies des populations d’invertébrés et d’oiseaux. Ils sont également fortement suspectés de contribuer au large déclin des populations de chauves-souris et d’amphibiens.
Les effets des pesticides ont des conséquences sur les fonctions écosystémiques, et altèrent la capacité des écosystèmes à fournir des services. Les connaissances disponibles permettent de mettre en exergue, dans les milieux terrestres et aquatiques, l’impact de différents pesticides sur la plupart des catégories de fonctions écosystémiques comme la régulation des échanges gazeux, la production de matière organique, la régulation des cycles de nutriments, etc…Si les études concernant les impacts des pesticides sur les services écosystémiques sont encore peu nombreuses, leurs résultats suggèrent que les pesticides dégradent la capacité des écosystèmes à fournir des services
Des leviers d’action existent pour limiter partiellement la contamination et les effets en cas d’utilisation de pesticides. Si des mesures de mitigation de la diffusion des pesticides dans l’environnement existent comme l’introduction d’éléments fixes du paysage le premier levier permettant la réduction de la contamination est la diminution des quantités de pesticides utilisées.
Les processus réglementaires actuels d’évaluation des pesticides ne peuvent pas couvrir l’ensemble des effets sur l’environnement. Il y a donc lieu de le réformer pour l’améliorer, en prenant entre autres mieux en compte la bibliographie académique.
« Cette nouvelle expertise – qui complète celle mise à jour par l’INSERM sur les effets sanitaires des pesticides – démontre, si il le fallait encore, qu’il faut agir vite et fort sur ce dossier ! Abandonner – même temporairement, comme le fait actuellement le gouvernement, les objectifs de réduction des pesticides et de la promotion de la bio du Green Deal européen et de sa traduction agricole la stratégie Farm to fork, est une hérésie. Proposer un Plan stratégique national de la Politique agricole commune si peu ambitieux comme l’a fait la France, refuser d’amender ce plan malgré la demande de la Commission européenne, avoir un double discours sur l’écologie au niveau national et ne pas se montrer ambitieux au niveau européen notamment dans le cadre la future révision de la règlementation pesticides est un contre-sens historique ! » déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.
« Si nous ne faisons rien – ou si l’on fait semblant de faire – nos enfants nous accuseront et ils auront raison ! Nous demandons au gouvernement et à la future assemblée nationale de relever le défi et de modifier en profondeur notre politique agricole et écologique en promouvant des systèmes vraiment durables. C’est le moment aussi pour Emmanuel Macron de commencer à mettre en application ses promesses d’un mandat écologique ! »
Contacts :
- Francois Veillerette (porte-parole) : francois@generations-futures.fr
- Nadine Lauverjat (déléguée générale): nadine@generations-futures.fr