La lecture conjointe du texte sur le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, du rapport de la Cour des comptes et du texte sur la réforme des autorisations d‘équipement lourd (scanner, IRM) oblige à se demander s’il y a vraiment un pilote dans l’avion ?
Le texte sur le PLFSS 2023 prétend à une économie supplémentaire de 150 millions d’euros sur l’imagerie médicale, et recommande dans le même temps un audit sur les forfaits techniques qui servent à financer les équipements lourds.
Dans le même temps, la Cour des comptes rappelle que la France reste sous-équipée par rapport aux autres pays (nombre d’appareils/habitants) et que, dans un contexte de pénurieen appareils, en radiologues et manipulateurs, notre pays se retrouve vice-champion de la productivité.
Parallèlement, un nouveau décret va permettre, avec un allègement des procédures, d’installer librement encore davantage d’appareils.
Or l’État n’ignore pas les deux faits suivants :
– 1/ le prix des appareils a explosé en quelques mois à cause de la pénurie de leurs composants
– 2/ une brutale augmentation du parc des IRM et scanners engendre inévitablement une pénurie relative de manipulateurs radio, avec une prévisible augmentation de leurs prétentions salariales.
La Cour des Comptes a d’ailleurs rappelé, il y a quelques jours, que les hôpitaux sont déjà en sous-effectifs de manipulateurs, et que, faute de moyens humains, certains appareils du service public doivent fermer à 16h et d’autres qui viennent d’être installés ne parviennent à ouvrir qu’avec plusieurs mois de retard, contribuant ainsi à creuser le déficit des établissements publics.
Les centres de scanner et d’IRM vont donc se trouver écartelés entre une aggravation de leurs charges et la prétention de leur tutelle à vouloir augmenter le nombre de machines tout en réduisant les moyens de leurs acquisitions et de leur fonctionnement.
Tout cela va conduire les radiologues à dépasser les limites de l’hyper productivité signalée par la Cour des comptes. Une telle course aux cadences ne peut qu’exposer aux risques de l’affaissement de la qualité des examens et des diagnostics. Sans compter l’achat par les nouveaux centres d’appareils « low-cost » aux images souvent dégradées, pilotées par des « aides-manipulateurs » non diplômés embauchés sous couvert de « délégation des tâches ».
Pour rappel, dans le secteur privé, l’investissement financier pour les équipements lourds se chiffre à plusieurs millions d’euros pour un centre d’imagerie qui proviennent uniquement des emprunts contractés par des radiologues libéraux. Les forfaits techniques servent examen après examen, à honorer le remboursement des emprunts bancaires et les salaires des employés (manipulateurs, secrétaires). L’État se permet déjà depuis plusieurs années de rogner avec une belle constance sur la valeur des forfaits techniques prenant ainsi en otage les services d’imagerie.
Il est facile de comprendre que, loin de vouloir économiser 150 M, il faut au contraire notablement adapter l’enveloppe du financement de l’imagerie à l’inflation des charges fixes, sans attendre que les structures existantes s’effondrent, sans parler de l’impossibilité pour de nouveaux centres, pourtant attendus par la tutelle, de voir le jour…
Un audit ne servirait visiblement qu’à perdre un temps précieux, peut-être dans l’espoir de faire passer, ni vu ni connu, l’économie de 150M d’euros.
Alors, y a-t-il vraiment un pilote dans l’avion ? L’État ne compterait-il pas plutôt enclencher un pilote automatique contrôlé au sol par les investisseurs financiers qui, aux aguets d’une radiologie en burn-out, voudront apparaître comme les sauveurs d’un avion mis en perdition par quinze ans d’une politique d’économie que nous n’avons cessé de dénoncer ?
Le scandale des fonds de pension et des EPHAD n’a-t-il pas suffi ? L’exemple de la biologie n’a-t-elle pas servi de leçon ? Les milliards d’euros de tests COVID qui sont tombés dans les poches des fonds qui détiennent les laboratoires de biologie médicale n’auraient-ils pas été plus utiles à un tissu de biologistes maîtres de leurs structures et payant leurs impôts en France ? L’État veut-il que la même chose arrive à la radiologie ?
L’UFML-S demande que tous les acteurs se mettent autour d’une table (radiologues, syndicats, CNAM, ordre des médecins et sociétés savantes) et qu’un dialogue cohérent se mette en place avant que l’avion ne s’écrase.
Henri GUERINI pour l’UFML-X-Ray
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