Sans surprise, la punition infligée par le gouvernement aux médecins libéraux qui ont refusé de signer la convention médicale est tombée le lundi 24 avril avec la communication du règlement arbitral.
Le contrat d’engagement individuel a disparu, mais aussi, et c’est une excellente nouvelle, la possibilité pour les médecins d’effectuer plus de 50 % de leurs actes en téléconsultations, ce qui était de nature à inciter un certain nombre de médecins à délaisser une partie de leur patientèle et à privilégier ce type d’activité moins contraignant.
La mise en place d’une consultation à 60 € lorsque l’on devient médecin traitant d’un patient en affection de longue durée ne peut être considérée comme une avancée que pour les médecins qui assuraient déjà le suivi d’un patient en ignorant qu’ils n’en n’étaient pas leur médecin traitant. Pour les autres, une telle mesure sera sans effet car, contrairement au projet de convention du mois de février, elle oublie de prendre en compte la complexité du suivi de ces patients tout au long de l’année qui devra s’effectuer avec des actes cotés à 25 € puis 26,50 €, au lieu de 60 €.
La principale sanction infligée par ce règlement arbitral est la dévalorisation de la consultation de base des médecins libéraux qui est de très loin la plus fréquente chez les médecins généralistes et que la seule inflation sur la période 2017-2023 nécessitait, sans parler d’une quelconque revalorisation, de passer de 25 € à 30 €.
Les principales victimes de cette non-signature de convention médicale en février, pour cause de contrat d’engagement individuel inacceptable, seront les médecins des spécialités cliniques et donc principalement les 55 000 médecins généralistes.
Ceux qui à la CNAM, au ministère de la Santé, à Matignon ou à l’Élysée avaient cru que les syndicats signeraient en février une convention médicale qui laisserait 30 à 40 % d’entre eux sur le bord de la route car sans revalorisations ou presque, ont démontré une fois de plus qu’ils ne connaissaient pas les organisations professionnelles des médecins généralistes libéraux.
Comment ont-ils pu croire que ces médecins de famille, au sein de leur maison médicale ou de leur maison de santé pluriprofessionnelle, accepteraient que pour une même consultation complexe certains d’entre eux soient rémunérés 60 € alors que d’autres ne le soient que de 26,50 € ? Quelle méconnaissance de l’éthique professionnelle et de la solidarité qui habitent ces médecins !
Et maintenant on fait quoi, nous interrogent les médecins généralistes libéraux dont les conditions d’exercice d’un grand nombre peuvent être assimilées aujourd’hui à de la maltraitance au travail ?
Certains, et comment ne pas les comprendre, ont décidé de fuir pour se protéger. Les possibilités sont multiples, allant du « droit au remord » d’internes en médecine générale qui changent de spécialité médicale, aux médecins de famille qui anticipent leurs départs à la retraite, alors que de la considération de la part de ce gouvernement aurait pu les inciter à exercer quelques années de plus.
Entre ces choix aux deux extrêmes de la vie professionnelle d’un médecin de famille, là aussi les possibilités sont multiples : pratiquer des dépassements d’honoraires pour maintenir l’existence de son entreprise, aller exercer en libéral dans un territoire où les gardes sont moins fréquentes voire absentes, devenir médecin salarié à l’hôpital ou dans un centre de santé qui propose 8 000 € net par mois pour 35 heures de travail sans garde, travailler dans un centre de soins non programmés, réaliser la moitié de son activité en téléconsultations pour des sociétés à but lucratif, se déconventionner…
Et pour les autres, le plus grand nombre j’espère, ceux qui ont le métier de médecin de famille chevillé au corps et qui ne veulent pas abandonner la population de leur territoire, que faire ?
Face à un gouvernement qui, comme ses prédécesseurs, laisse notre système de santé se désagréger tant à l’hôpital qu’en ambulatoire, mais perfuse cet hôpital alors qu’il méprise et humilie les médecins libéraux, les syndicats médicaux ont le devoir de s’unir pour créer un rapport de force qui oblige le gouvernement à reprendre rapidement la négociation conventionnelle après en avoir garanti les conditions nécessaires qui sont : pas de contrat d’engagement individuel, une consultation de base à 30 € pour tous les médecins libéraux et une hiérarchisation des actes prenant en compte la complexité de nos consultations.
C’est à ce prix que les médecins généralistes sont prêts à s’organiser collectivement pour garantir une réponse aux besoins de santé de la population de leur territoire.
Se battre, c’est décider de ne plus subir les humiliations imposées par ce gouvernement.
Dr Luc DUQUESNEL,
Président Les Généralistes CSMF