Santé Publique France vient de dévoiler le BEH n°12-13, mardi 4 juillet
Ce numéro est composé de cinq articles :
- Incidence des principaux cancers en France métropolitaine en 2023 et tendance depuis 1990, Bénédicte Lapôtre-Ledoux et coll., Registre du cancer de la Somme – CHU Amiens
Les cancers constituent un ensemble de pathologies dont la fréquence, le pronostic et l’évolution sont très variables. Dans le cadre d’une collaboration partenariale pour la surveillance des cancers, des indicateurs d’incidence et de mortalité sont produits régulièrement. La dernière étude publiée portait sur la période 1990-2018. L’objectif de celle-ci est d’estimer l’incidence des 19 cancers les plus fréquents, celle de l’ensemble des cancers en France métropolitaine pour l’année 2023 et d’actualiser l’analyse des évolutions depuis 1990, en particulier pour les années récentes. Des projections ont été réalisées à partir des données des registres de cancers observées de 1985 jusqu’en 2018.
En 2023, le nombre de nouveaux cancers, toutes localisations confondues, est estimé à 433 136 cas. Les taux d’incidence standardisés monde sont de 355 et 274 cas pour 100 000 personnes-années chez l’homme et la femme respectivement. Depuis 1990, chez la femme, le taux d’incidence « tous cancers » augmente de façon continue de +0,9% par an. Chez l’homme, ce taux a augmenté en moyenne de +0,3% par an de 1990 à 2023 : après une augmentation jusqu’en 2005, le taux d’incidence a diminué et semble se stabiliser depuis 2012.
Deux cancers ont vu leurs tendances récentes modifiées : le cancer de la prostate, avec depuis 2015 une nouvelle augmentation de l’incidence, et le cancer de la thyroïde, avec depuis 2014 une diminution de l’incidence. Pour ces deux cancers, les projections de l’incidence de 2019 à 2023 étaient incertaines et n’ont pas été réalisées. Tous cancers confondus, ces évolutions du taux d’incidence combinées aux évolutions démographiques ont conduit à un doublement du nombre de nouveaux cas de cancers depuis 1990 chez l’homme et la femme.
- Impact de la crise sanitaire liée à la Covid-19 sur l’incidence des cancers en France en 2020 et 2021 : première évaluation à partir des variations temporelles du nombre de patients hospitalisés pour un nouveau cancer, Fabien Le Marec (Santé publique France, Saint-Maurice) et coll.
Le cancer étant une maladie fréquente et le plus souvent grave, le potentiel impact de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 sur l’incidence des cancers (i.e. sur le nombre de cancers nouvelle[1]ment diagnostiqués) est une préoccupation importante de santé publique. L’objectif de cette étude était de réaliser une première estimation indirecte de cet impact en France à partir des variations temporelles du nombre de patients hospitalisés pour un nouveau cancer.
Les données hospitalières de 2010 à 2021 ont été extraites du Système national des données de santé. Dans un premier temps, une description graphique du nombre mensuel de patients hospi[1]talisés pour un nouveau cancer (en diagnostic principal) avant et pendant la pandémie a été réalisée (de 2018 à 2021). Dans un second temps, afin de mesurer plus directement l’impact de la crise sanitaire, nous avons comparé les nombres annuels observés de patients hospitalisés pour un nouveau cancer en 2020 et 2021 à des nombres attendus estimés en projetant les tendances modélisées de 2010 à 2019.
La description graphique montrait un déficit manifeste du nombre de patients hospitalisés pour un nouveau cancer au moment du premier confinement (mars à mai 2020). À partir de la modélisation et des projec[1]tions, on estimait que l’écart annuel à l’attendu était de -5% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [-7,0 ; -2,9]) en 2020 et de -0,9% [-3,5 ; 1,9]) en 2021. Les cancers bénéficiant d’un dépistage organisé ou d’un report de chirurgie possible étaient plus impactés que les cancers de mauvais pronostic, tels que les cancers du foie ou du pancréas. Le déficit du nombre de patients hospitalisés pour un nouveau cancer en 2020 s’observait dans toutes les régions de France, ainsi que dans les départements et régions d’outre-mer.
L’impact de la crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid-19 sur le nombre de patients hospitalisés pour un nouveau cancer en France était manifeste lors du premier confinement en 2020, et le déficit ne semble pas avoir été compensé en 2021 (pas d’excès observé). Par ailleurs, les indicateurs étudiés ne témoignent que partiellement des retards au diagnostic et de leurs multiples conséquences potentielles. L’évaluation de l’impact de la pandémie dans toutes ses dimensions doit être poursuivie et affinée, en particulier à l’aide des données observées d’incidence des registres de cancer, qui seront disponibles courant 2023 pour les diagnostics réalisés en 2020.
- Activité physique des adultes résidant en France métropolitaine : analyse par domaines et par types d’activité, étude ESTEBAN, 2014-2016, Jérôme Bouchan et coll., Santé publique France
L’activité physique (AP) est un facteur protecteur des maladies non transmissibles. Pour optimiser ces bénéfices de santé, il est recommandé de pratiquer régulièrement des AP à des intensités modérées ou élevées. La pro -portion d’adultes insuffisamment actifs étant élevée en France, une meilleure compréhension des pratiques d’AP constitue un enjeu de santé publique pour mieux cibler la prévention.
Ce travail s’appuie sur une analyse détaillée des données de l’enquête transversale Esteban 2014-2016 collectées avec le Recent Physical Activity Questionnaire (RPAQ) (n=2 682). Cet article présente les résultats concernant les niveaux d’AP des adultes résidant en France métropolitaine, selon les domaines contextuels (transport, travail, activités domestiques et loisirs incluant la pratique sportive) et selon les types d’activités (pour les loisirs et les activités domestiques uniquement).
Pendant la période 2014-2016, la durée hebdomadaire totale d’AP d’intensité modérée à élevée était significativement plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Les hommes pratiquaient davantage d’AP d’intensité modérée à élevée dans les domaines du travail, des loisirs, des transports pour aller au travail et des activités domestiques par rapport aux femmes. L’AP dans le domaine des transports (mobilités actives) pour se rendre au travail restait faible (comptant respectivement pour 1,2% et 0,7% de l’AP hebdomadaire chez les hommes et les femmes). Concernant les loisirs, la marche était l’activité la plus pratiquée quel que soit le sexe (82,6% chez les hommes et 91,6% chez les femmes). Une diversité plus élevée des AP de loisir pratiquées était en relation avec une meilleure atteinte des recommandations de santé.
Ces résultats mettent en évidence des pratiques et des niveaux d’AP inégalement répartis selon le sexe et les domaines de réalisation. Il apparaît important de promouvoir des politiques de santé publique visant à investir les domaines contextuels les moins représentés (comme les mobilités actives), notamment auprès des femmes.
- Hospitalisations pour tentative de suicide dans les établissements de soins aigus en France lors de l’infection à la Covid-19 : tendances temporelles nationales en 2020-2021, Philippe Pirard et coll. (Santé publique France)
La pandémie, par la durée et l’importance des mesures de restrictions sociales et des contraintes qu’elle a entraînées, peut avoir eu un impact sur la santé mentale, et notamment sur les tentatives de suicide. C’est dans ce contexte que Santé publique France a comparé les hospitalisations pour tentative de suicide (HTS) en 2020 et durant la première partie de l’année 2021 par rapport aux années précédentes. Celles-ci ont été analysées par groupe d’âge, sexe et modalités utilisées pour la tentative de suicide. Tous les courts séjours dans les établissements français publics et privés des personnes âgées de 10 ans et plus hospitalisées entre le 2 janvier 2017 et le 31 mai 2021 pour un geste suicidaire ont été sélectionnés.
En 2020, le taux estimé d’HTS tous âges confondus était de 13,3 pour 10 000 alors qu’il était de 14,8 en 2019 et 15,2 en 2018. Lors du premier confinement, les taux d’HTS étaient inférieurs à ceux observés en moyenne entre 2017 et 2019 quel que soit le sexe, à l’exception des hommes de 75 ans et plus. Ces taux sont restés inférieurs pour les personnes entre 35 et 85 ans. Cependant, ils ont progressivement augmenté chez les jeunes de 11 à 24 ans, jusqu’à devenir significativement supérieur à la moyenne de 2017-19 après le deuxième confinement (et dès le deuxième confinement pour les filles de 10 à 14 ans). Le recours à des modalités violentes apparaît alors plus fréquent quel que soit l’âge. Ces résultats convergent avec ceux d’autres indicateurs et mettent en évidence une souffrance
psychologique encore présente à la fin de la période d’observation chez les adolescents et jeunes adultes, qui semblent particulièrement impactés par les bouleversements sociaux et économiques induits par la crise sanitaire. Un suivi régulier de l’indicateur « hospitalisations pour tentative de suicide » s’impose comme un élément du dispositif de surveillance épidémiologique de la santé mentale, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes, dans le futur.
- Insécurité alimentaire des étudiants en Guyane en 2022 : un constat post-crise sanitaire préoccupant, Maëlys Proquot et coll. (Centre d’investigation clinique Antilles-Guyane, CIC Inserm 1424, Centre hospitalier de Cayenne, Guyane)
La crise de la Covid-19 a eu des conséquences multiples susceptibles de limiter l’accès à une alimentation suffisante et équilibrée des populations, notamment les plus vulnérables. En Guyane, plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et ceci est plus marqué chez les jeunes. Ainsi, la mesure de l’importance de l’insécurité alimentaire dans le contexte de la crise sanitaire chez les étudiants semblait importante.
L’objectif de cette étude était d’estimer la prévalence de l’insécurité alimentaire (IA) chez les étudiants de l’Université de Guyane (UG) et de décrire les profils de ces étudiants en 2022.
Une enquête transversale descriptive a été menée entre le 9 avril et le 20 juin 2022 auprès des étudiants inscrits à l’UG pour l’année 2021-2022. Chaque étudiant était invité à remplir un auto questionnaire en ligne. L’IA était explorée au moyen du score 6-item U.S. food security survey module (FSSM) dans sa version courte. Cette échelle classait les étudiants en trois classes selon la valeur du score : sécurité alimentaire, faible sécurité alimentaire ou très faible sécurité alimentaire. Un modèle de régression logistique a été utilisé pour étudier les principaux facteurs associés à cette très faible sécurité alimentaire.
Deux cent quatre-vingt-six étudiants ont répondu au questionnaire et 276 ont été conservés pour l’analyse. Après un redressement de l’échantillon sur le genre, l’âge, la filière d’étude et le lieu de naissance, la prévalence de la très faible sécurité alimentaire était de 50,5% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [42,3-58,6]). Dans notre échantillon, les facteurs associés à la très faible sécurité alimentaire étaient le fait de ne pas avoir assez d’argent pour couvrir ses besoins, d’avoir été impacté financièrement par la crise de la Covid-19, de ne pas avoir de mutuelle, de ne pas pouvoir compter sur une personne de son entourage pour un hébergement et/ou une aide matérielle et de ne pas avoir été encouragé à faire des études à l’université.
De plus, les étudiants ayant une très faible sécurité alimentaire avaient déclaré plus souvent que les autres étudiants avoir une alimentation déséquilibrée et une mauvaise santé mentale.
Ce constat, qui s’inscrit dans un contexte d’inflation post-crise sanitaire, a révélé la grande vulnérabilité des étudiants vis-à-vis de leur sécurité alimentaire. Cette prévalence préoccupante nous oblige à réfléchir à des stratégies d’actions d’amélioration à court terme au bénéfice des étudiants en Guyane.