Le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs, Elargi aux autres spécialités (SNPHARE) et l’association des médecins urgentistes de France (AMUF) ont appris par voie de presse l’existence d’un projet d’arrêté – resté confidentiel – qui prévoit l’intégration des infirmiers au dispositif des correspondants du Samu1. Destiné à pallier les difficultés toujours croissantes des services d’urgences et des SAMU, cet arrêté fait écho négativement et à contre-courant de l’évolution de la médecine d’urgence depuis le début des années 90 !
En effet durant ces années, un rapport du Conseil économique et social avait déjà alerté sur la situation dangereuse des services d’urgences. Le rapport du Pr Steg soulignait à cette époque
« C’est effectivement aussi un manque de personnel, tant en ce qui concerne les infirmières que les équipes médicales. (…) Et bien entendu, tout ceci abouti à quoi nous faisons référence dans le rapport, c’est à dire à une demande de moyens. » Des moyens qui devraient provenir de l’Etat. Il insistait sur ce point : « C’est une décision essentiellement politique et qui demande une volonté politique. »
La création du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine d’urgence a constitué une réforme de grande ampleur modifiant considérablement le paysage afin de mieux répondre aux besoins de santé, aux évolutions de la médecine, aux exigences de lisibilité et de qualité, et aux standards internationaux de la formation des médecins spécialistes. Le DES a permis d’adapter la formation des urgentistes aux exigences de la médecine d’urgence moderne, en particulier dans l’étendue de son exercice (adulte et pédiatrique, médical et chirurgical, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’hôpital (Samu, Smur). Avec ce projet, nous sommes aux antipodes du Pacte de Refondation des urgences de 2019 qui devait « Renforcer et reconnaître les compétences des professionnels des urgences ».
Alors, que nous dit ce projet d’arrêté ? Il témoigne de l’incapacité de nos tutelles à garantir une couverture sanitaire à la hauteur des besoins de la population. C’est un triste aveu d’impuissance. Les solutions proposées sont inadaptées et potentiellement dangereuses. Plus qu’un glissement de tâche, c’est placer le corps infirmier dans la difficulté en situation d’urgence, ignorer les spécificités respectives des métiers de médecin et d’infirmier, et, in fine, exposer les patients à une perte de chance.
Le maillage national pour un recours à des soins d’urgence est essentiel. Il faut maintenir les sites de SMUR coûte que coûte ! Il n’est pas acceptable que des zones entières de notre territoire soient laissées à l’abandon, sans couverture médicale préhospitalière appropriée.
Ce projet d’arrêté en dit long sur la gestion politique de la crise sanitaire que nous subissons. A minimiser les situations et à galvauder les compétences, c’est adresser un mauvais message aux patients et aux professionnels de la Santé dans leur ensemble.
Nous dénonçons le manque d’ambition de la politique de Santé de notre pays vis-à-vis des structures d’urgences. Ne pas investir dans des solutions de fond pérennes, c’est nier les enjeux fondamentaux de Santé publique de notre pays. C’est en effet, de la fiabilité des organisations mises en place que dépend la qualité et la sécurité des prises en charge des patients les plus graves.
Le nouveau Ministre de la Santé et de la Prévention s’est positionné dans une campagne de communication supposée vendre les grands progrès réalisés depuis l’été 2022 pour les urgences… sans aucun élément factuel ne permettant de l’affirmer. Car ni les patients, ni les professionnels de santé ne sont dupes : l’été 2023 est encore pire que 2022, la qualité des soins se dégrade, des patients meurent faute de prise en charge adéquate dans leur parcours de soin.
Nous demandons au Ministre de la Santé et de la Prévention :
- De retirer immédiatement son projet d’arrêté.
- De maintenir et de renforcer les structures d’urgences existantes.
- De restaurer le maillage en équipes SMUR sur l’ensemble du territoire pour une égalité des patients face à l’urgence vitale.
- De respecter les formations des professionnels de l’urgence pour des compétences dédiées.
- De donner les moyens humains et matériels pour des prises en charge des patients de qualité, en toute sécurité.
- De restaurer l’attractivité des carrières hospitalières pour les médecins urgentistes et de tous les médecins soumis à la permanence des soins, en ouvrant enfin le dossier de la permanence des soins et en reprenant celui de la revalorisation des carrières des PH nommés avant 2020.
Contact : anwernet.snphar@gmail.com