La Cour des comptes a présenté, lundi 13 mai, son rapport sur l’organisation territoriale des soins de premier recours.
Définis par l’article L. 1411-11 du code de la santé publique (CSP), les soins de premier recours recouvrent, outre les soins des médecins généralistes et de quelques spécialistes accessibles en accès direct, les conseils des pharmaciens, les soins infirmiers et de kinésithérapie, les soins dentaires ou encore ceux assurés par les orthophonistes ou les psychologues.
En France, l’accès à ces soins souffre est de plus en plus difficile, au point que l’on qualifie une partie du territoire national de « désert médical ». Leur importance a pourtant été reconnue depuis plus de quarante ans par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle a été consacrée en France par plusieurs lois qui ont cherché à améliorer la couverture des besoins en améliorant l’efficacité du système de santé.
Pour ces motifs, les juridictions financières ont poursuivi leur examen des aides publiques à l’organisation des soins de premier recours, engagé en 2023 avec l’analyse des aides des collectivités territoriales.
Des évolutions décevantes dans les conditions d’accès aux soins
L’offre de soins résulte d’une évolution complexe des effectifs des professionnels de santé comme de la modification de leur comportement. La demande, quant à elle, augmente en raison de la fréquence croissante des pathologies chroniques qui induisent un volume plus important de soins dits « programmés ». Du fait de la saturation des agendas des médecins, les patientsrencontrent de plus en plus de difficultés à trouver une réponse à leurs demandes de soins dits « non programmés ».
Plusieurs indicateurs quantitatifs traduisent ces tensions : les délais moyens pour obtenir des rendez-vous avec les médecins s’allongent, la part de patients sans médecin traitant s’accroît, de même que la part de médecins ne prenant plus de nouveaux patients. Parmi les patients sans médecin traitant, la part des plus précaires augmente. Les inégalités géographiques de répartition des professionnels de santé s’aggravent. Dans certains territoires, le taux de patients sans médecin traitant peut ainsi représenter jusqu’au quart des patients et le taux de passages aux urgences sans gravité particulière atteindre 40 %.
Des mesures dispersées et peu ciblées
Depuis la fin des années 1990, divers plans ou mesures ont été déployés pour mieux organiser les soins de premier recours. L’accent a d’abord été mis sur le rôle de « pivot » donné aux médecins généralistes « référents », puis « traitants ». Des « réseaux de soins » ont été organisés pour faciliter cette orientation et partager la charge du suivi des patients.
Divers « plans » ont ensuite cherché à renforcer les aides versées aux professionnels de santé pour favoriser leur installation, ou leur maintien, dans des zones peu dotées en médecins. À partir des années 2010, l’objectif a plutôt été de développer des structures de soins telles que des maisons de santé pluriprofessionnelles ou des centres de santé médicaux.
En parallèle, diverses mesures ont cherché à confier des missions d’appui aux professionnels libéraux de premier recours, mais elles sont restées dispersées. La stratégie esquissée au niveau national a réaffirmé le caractère indispensable de l’adaptation des soins de premier recours, mais celle-ci ne s’est que peu traduite en objectifs opérationnels évaluables. Le contraste est donc important entre l’ambition des mesures annoncées et le « sentiment d’abandon » que peuvent ressentir des habitants des territoires les plus fragilisés. La multiplication des dispositifs d’aides et leur instabilité dans le temps rendent une consolidation globale des résultats très difficile.
Bien que des éléments positifs soient à noter, les aides apportées se révèlent inefficaces si l’on en juge par leur faible impact. En outre, la possibilité pour les diverses professions de santé d’organiser des coopérations structurées est insuffisamment mise en pratique.
Une politique publique à structurer en fonction des résultats attendus
Les analyses plus détaillées incluses dans les trois cahiers territoriaux contribuent à rendre plus concrètes les pistes d’évolutions proposées dans le cahier national. Dans leur diversité, les aides accordées par les collectivités territoriales, en plus des dispositifs nationaux, peuvent contribuer à amorcer une dynamique, mais sont insuffisantes. L’analyse des interventions menées par l’ARS et la Cpam dans le département de l’Aveyron a ainsi permis de relever la persistance de situation de carence médicale, dans plusieurs bassins de vie.
Pour consolider les progrès déjà réalisés, une stratégie globale est indispensable, qui doit permettre ensuite de répondre aux problèmes identifiés dans chaque territoire. La définition, au niveau des départements, de projets territoriaux d’organisation des soins de premier recours mériterait d’être généralisée. Ces projets, placés sous l’égide des délégations départementales des ARS et des Cpam, devraient être clairement animés par une logique de résultats, à partir d’une batterie très sélective d’indicateurs « d’alerte ». Les administrations nationales devraient soutenir cette démarche, en guidant et évaluant ses progrès de manière périodique. Au service de ces projets territoriaux, les aides doivent être orientées vers les patients les plus vulnérables et les territoires les plus carencés.
Des interventions plus volontaristes sont indispensables, ainsi que le déploiement de centres de santé hospitaliers ou de cabinets médicaux secondaires. Ceux-ci seraient soutenus par une obligation d’exercice partiel en zones médicalement sous-dotées, en contrepartie de la possibilité donnée aux médecins de s’installer dans des zones les mieux dotées.
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CONTACTS PRESSE :
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