Les méningiomes sont des tumeurs cérébrales bénignes qui se développent à partir des méninges (tuniques enveloppant le cerveau et la moelle épinière). L’incidence annuelle de ces tumeurs cérébrales, tout âge confondu, est très faible puisqu’elle est de 8 à 10 cas/100 000 personnes/an. Elle augmente de façon linéaire avec l’âge. Environ 2/3 des méningiomes sont potentiellement sensibles aux hormones dérivées de la progestérone (progestatifs) car ils expriment des récepteurs de cette même hormone.
En 2018, un progestatif appelé acétate de cyprotérone (ANDROCUR® et ses génériques) a fait l’objet d’une évaluation spécifique par l’Agence Nationale de Sécurité du médicament (ANSM) sur la survenue de méningiomes opérés. Des recommandations et des règles de prescription strictes ont été diffusées. Avant l’initiation de ce traitement, une IRM cérébrale doit être réalisée pour s’assurer de l’absence de méningiome préexistant. Cet examen est renouvelé au bout de 5 ans si le traitement par acétate de cyprotérone est maintenu pendant toute cette durée, puis tous les deux ans en cas d’utilisation au-delà de 5 ans. Un formulaire de consentement doit être signé par la patiente et par le médecin prescripteur et doit accompagner la prescription. Sans ce formulaire, l’acétate de cyprotérone ne peut être délivré par le pharmacien.
En Juin 2020, puis plus récemment dans deux nouvelles publications en 2023 et 2024, l’étude épidémiologique GIS EPIPHARE ANSM-CNAM a évalué le risque de méningiomes opérés chez les femmes sous traitement de type macroprogestatif versus celui des femmes non traitées.
Ces études ont mis en évidence une augmentation significative du risque de méningiome dans le groupe de femmes traitées par l’acétate de chlormadinone (LUTERAN® et ses génériques qui ne sont plus commercialisés actuellement en France), la promegestone (SURGESTONE®, qui n’est plus commercialisée en France) mais aussi la médrogestone (COLPRONE®), l’acétate de nomégestrol (LUTENYL® et ses génériques) et l’acétate de médroxyprogestérone en dépôt (DEPOPROVERA®). Les risques relatifs sont variables selon les molécules. Ils sont présentés dans le Tableau 1 (voir ci-joint).
Pour tous ces macroprogestatifs, comme pour l’acétate de cyprotérone, il existe une relation dose-effet : plus la dose totale prise (tenant compte à la fois de la dose quotidienne et de la durée de traitement) augmente, plus le risque de diagnostic de méningiome augmente. Aucun risque n’a été mis en évidence avec la progestérone (quelle que soit la voie d’administration), la dydrogestérone, la spironolactone (qui n’est pas un progestatif stricto-sensu) et les systèmes intra-utérins (SIU) au lévonorgestrel. Compte-tenu du faible nombre d’utilisatrices du dienogest (traitement médical de l’endométriose) dans cette étude, il n’y pas de données disponibles à ce jour. Cette étude a mis en évidence une légère augmentation statistiquement significative du risque de méningiome chez les femmes ayant un dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre, donc non hormonal (OR (IC95%) = 1.13 (1.01 to 1.25)).
Ce résultat est inattendu et s’oppose aux résultats rassurants des SIU contenant du lévonorgestrel Une des hypothèses est qu’il existe des biais inhérents à ces études. Il est de plus important de rappeler que les données concernant les microprogestatifs et les contraceptions oestroprogestatives sont a priori rassurantes concernant un éventuel sur-risque de méningiome.
L’incidence des méningiomes augmentant naturellement avec l’âge, le risque de développer un méningiome serait donc 3 fois plus élevé pour les femmes de 35 à 44 ans que pour celles de 25 à 34 ans. Néanmoins, les chiffres exposés en termes de risque relatif doivent être pondérés par la très faible incidence annuelle des méningiomes dans la population générale (environ 8 à 10 cas/100 000 personnes/an soit 0,008 à 0,01% de la population générale/an). Seuls les méningiomes présentant des récepteurs à la progestérone (environ 2/3 des méningiomes) sont théoriquement sensibles à la prise de macroprogestatifs. Les données publiées récemment confirment l’effet promoteur de ces molécules utilisées à forte doses mais ne démontre pas un effet initiateur tumorigène en l’absence de données de suivi.
Enfin, il est important de rappeler qu’en cas de méningiome découvert chez des patientes utilisant des macroprogestatifs, l’arrêt de ces molécules induit dans l’immense majorité des cas, une stabilisation voire une diminution significative du volume tumoral. L’étude publiée dans le Lancet en 2024 montre que le risque de méningiome, après au moins une année d’arrêt de l’acétate de nomégestrol, n’est pas différent de celui des femmes du groupe contrôle, non traitées. Ces données sont en faveur de l’effet promoteur sur des méningiomes préexistants. Ainsi, l’arrêt du traitement permet de sursoir à une intervention neurochirurgicale dans l’immense majorité des cas. En revanche, une surveillance neuro-radiologique demeure nécessaire.