Dans son rapport sur l’étiquetage des denrées alimentaires publié ce lundi 25 novembre, la Cour des comptes européenne souligne de graves lacunes en matière de droits des consommateurs au sein de l’Union européenne. Les auditeurs critiquent le foisonnement des logos et autres ‘scores’, les slogans trompeurs, un nombre croissant d’allégations santé sans fondement scientifique, les faiblesses de la réglementation mais aussi le peu de contrôles et de sanctions, ainsi que l’absence de règles harmonisées dans les pays de l’UE dénonçant l’étiquetage nutritionnel. « La législation de l’UE étant peu contraignante, les consommateurs peuvent facilement se laisser abuser » ou encore « La législation de l’UE peut tromper les consommateurs », écrit la Cour des comptes européenne.
L’organisation européenne de défense des consommateurs foodwatch a été auditionnée dans le cadre de ce rapport qui confirme le manque de transparence que foodwatch dénonce depuis des années avec ses campagnes visant les arnaques à l’étiquetage ou celle en faveur du Nutri-score.
Dans la foulée de cette publication, foodwatch demande à la Commission européenne d’agir en apportant enfin les mises à jour promises de longue date au règlement sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO). Pour remédier aux problèmes soulignés par la Cour des comptes européenne, selon foodwatch, « le Nutri-Score devrait être le logo nutritionnel obligatoire à l’avant de l’emballage partout en Europe. Cependant, comme la Commission semble bloquée sur ce point, elle devrait encourager les Etats membres à aller de l’avant et à adopter le Nutri-Score au niveau national », demande foodwatch.
Pour Audrey Morice, chargée de campagnes chez foodwatch : « Il est choquant de constater que le rapport de la Cour des comptes européenne sur l’étiquetage des aliments ne souligne pas un problème de compétences mais bien un manque de volonté politique des institutions européennes. Protéger 450 millions de consommatrices et consommateurs européen·nes doit être une priorité, bien avant les intérêts des puissants lobbies industriels.
Les étiquettes, si petites soient-elles, ont un grand impact sur nos habitudes de consommation. Elles orientent nos choix et notre santé. Il n’y a plus de temps à perdre : le Nutri-Score doit être obligatoire partout en Europe. D’ailleurs, la Cour des comptes européenne elle-même affirme que des règles harmonisées aideraient les consommatrices et consommateurs à repérer les produits les plus sains, et in fine contribueraient à prévenir les maladies liées à l’alimentation ».
C’est bien aux responsables politiques d’agir car « Les entreprises du secteur alimentaire peuvent se montrer très créatives dans les informations figurant sur les emballages. Et comme les règles européennes n’évoluent pas aussi vite que le marché, les 450 millions de consommateurs européens sont exposés à des messages qui sont, délibérément ou non, trompeurs », précise la Cour des comptes européenne.
foodwatch demande à la nouvelle Commission européenne d’enfin mettre à jour, comme promis, le règlement sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO). Ce règlement devait être publié en 2022 mais a disparu de l’agenda des institutions sans aucune explication. Il devait comporter, entre autres, des critères de profils nutritionnels pour limiter les allégations faites sur les aliments et un étiquetage nutritionnel harmonisé et obligatoire à l’échelle de l’UE sur le devant de l’emballage.
Un étiquetage nutritionnel harmonisé dans toute l’Europe mettrait fin à la confusion qui règne autour des différents systèmes et aiderait les consommatrices et consommateurs à prendre des décisions plus saines, explique foodwatch. La recherche scientifique montre clairement qu’un étiquetage tel que le Nutri-Score est le modèle le plus favorable à proposer : « L’absence d’un étiquetage nutritionnel harmonisé sur la face avant des emballages en 2022 a été doublement préjudiciable à la santé des citoyennes et citoyens.
Non seulement la crise de l’obésité et d’autres maladies non transmissibles s’aggravent, mais de nombreux États membres ont décidé de temporiser et d’attendre une solution européenne, plutôt que d’adopter un système pour aider à informer leurs citoyens », déclare Audrey Morice. Les États membres ont la possibilité d’introduire le Nutri-Score sur une base volontaire. Sept pays de l’UE, dont la France, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse, encouragent désormais les entreprises du secteur alimentaire à adopter le Nutri-Score.
De plus, la Cour des comptes européenne pointe du doigt « l’utilisation d’allégations nutritionnelles et de santé pour des produits riches en graisses, en sucre et/ou en sel, ce qui signifie que des produits sucrés, tels que les barres énergétiques, peuvent être annoncés comme étant « riches en protéines ».
Enfin, les auditeurs de la Cour des comptes européenne ont relevé des lacunes inquiétantes dans la législation ainsi que des problèmes au niveau des contrôles et des sanctions : « Les entreprises du secteur alimentaire peuvent également exploiter les faiblesses des contrôles et des sanctions. Si les éléments obligatoires des étiquettes sont généralement bien contrôlés, les informations facultatives – comme les allégations nutritionnelles et de santé – ou les ventes en ligne de denrées alimentaires (en plein essor depuis la pandémie de COVID-19) ne le sont que rarement, voire jamais ». Quant aux infractions, les auditeurs de l’UE concluent que les amendes ne sont pas toujours dissuasives, efficaces ou proportionnées.
Ce constat vient confirmer ce que foodwatch dénonce depuis des années avec ses campagnes pour faire bouger les responsables politiques européens. Il faut un encadrement plus strict, une information transparente et des sanctions exemplaires.
Sources :
- Communiqué de presse et rapport de la Cour des comptes européenne, 25/11/2024 : « Les étiquettes alimentaires peuvent leurrer le consommateur »
- Le Nutri-Score obligatoire en Europe, un enjeu de santé publique, article foodwatch
- Nutri-Score papers : face aux blocages de Bruxelles, la médiatrice européenne donne raison à foodwatch, 14/10/2024
- Nutri-score papers : révélations de foodwatch sur les agissements des lobbies à la Commission européenne, 03/09/2024
- La campagne « Arnaques sur l’étiquette » de foodwatch
- Sur les profils nutritionnels, voir cet article de l’ANSES.
Contact presse : Ingrid Kragl, foodwatch France, ingrid.kragl@foodwatch.fr