Depuis des décennies, la mise au point et l’apprentissage de certaines interventions chirurgicales chez les humains se sont appuyés sur le recours à de gros animaux, dont l’anatomie thoraco-abdominale et la physiologie sont proches de celles de l’Homme. Le développement des greffes d’organes en a été l’exemple le plus net. L’apprentissage des techniques chirurgicales au sein des cavités thoracique et abdominale, faisant appel à la laparoscopie, à l’endoscopie ou à l’utilisation d’un robot, est un des exemples les plus nécessaires.
En France, comme dans de nombreux pays, l’apprentissage de la chirurgie endocavitaire est réalisé en partie chez l’animal, avant tout chez le porc, dont les similitudes de taille et d’anatomie des organes avec celles de l’Homme permettent cet apprentissage. Cette étape, indispensable dans la formation d’un chirurgien, est effectuée, dans les conditions de la chirurgie chez l’Homme (anesthésie, asepsie), dans des structures dédiées, dûment autorisées, et suivies par les services compétents de l’État, certaines étant reconnues comme exemplaires au niveau international.
Des événements récents ont révélé que le recours aux animaux en vue de l’apprentissage de certaines interventions chirurgicales destinées à l’Homme était contesté, principalement au motif des conditions d’élevage et de transport des animaux(1).
En dépit de l’avancée des modèles d’apprentissage in vitro (mannequins plus ou moins sophistiqués) ou in silico (simulation informatique), le recours à un modèle animal pour l’apprentissage de la chirurgie endocavitaire reste incontournable dans le cursus de formation des chirurgiens (2, 3). À ce jour, les modèles in vitro et in silico ne permettent pas de fournir au chirurgien un retour haptique, c’est-à-dire de sensation au toucher, réaliste et ne peuvent reproduire correctement les saignements liés à des effractions vasculaires qui peuvent survenir et modifier la perception du champ opératoire.
S’il faut être confiant que les progrès rapides, notamment des modèles in silico suffisamment réalistes en lien avec l’accroissement de la puissance de calcul en temps réel (4), conduiront à ne plus recourir à l’apprentissage sur animaux, l’abandon dès aujourd’hui de ce recours à l’animal conduirait à une formation imparfaite des chirurgiens et, corrélativement, à un risque chirurgical plus élevé pour le malade.
Face aux contestations des conditions de recours à l’animal pour l’apprentissage de techniques chirurgicales, notamment au sein des cavités thoracique et abdominale, l’Académie Nationale de Médecine :
– Rappelle que la qualité de la formation des chirurgiens détermine la qualité et la sécurité de la mise en œuvre des thérapeutiques chirurgicales ;
– Souligne que, si les modèles d’apprentissage in vitro et in silico sont à utiliser en première intention pour ainsi limiter le nombre d’animaux utilisés dans les formations, ils ne sont pas actuellement assez perfectionnés pour permettre de se passer du recours aux animaux ;
– Souligne aussi que le recours aux animaux, limité au strict nécessaire, doit s’effectuer dans le plein respect du bien-être animal, notamment concernant les conditions d’élevage, de transport et d’hébergement des animaux, après une évaluation éthique par une entité officielle et sous la supervision d’un vétérinaire ;
– Recommande de renforcer le financement de recherches visant à l’amélioration des méthodes d’apprentissage des différentes techniques chirurgicales in vitro et in silico.
Références :
– Senzier T., Social. Pourquoi des militants de One Voice étaient mobilisés devant le CHU de Clermont-Ferrand ce jeudi, 24/08/2024 (https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/pourquoi-des-militants-de-one-voice-etaient-mobilises-devant-le-chu-de-clermont-ferrand-ce-jeudi_14555041/)
– Amadi S.M. et al., 3D printed models and artificial intelligence: A review of their impact in robotic surgery training, Intelligent Surgery, 2023, 6, 54–60
– Koscielny A., What is the value of animal models in laparoscopic surgery ?—a systematic review, Annals of Laparoscopic and Endoscopic Surgery, 2022, 7, 37–37
– Finocchiaro M. et al., Training simulators for gastrointestinal endoscopy: Current and future perspectives. Cancers (Basel), 2021, 13, 1427
[1] Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie.
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