A l’heure où vont s’opérer des choix économiques primordiaux pour l’avenir du pays, le Leem, sur la base des premiers éléments de son rapport d’activité économique, alerte le Premier ministre, chiffres à l’appui, sur les conséquences des mesures de régulation prises ces trois dernières années en matière de maîtrise des dépenses de santé, et en appelle à une nouvelle donne.
Identifiée par le Président de la République et par plusieurs rapports récents (rapport Gallois, rapport Lauvergeon) comme un secteur stratégique pour la France, l’industrie du médicament entame la troisième année de récession de son chiffre d’affaires, couplée à un alourdissement inédit du poids des mesures de régulation et de fiscalité. Depuis trois ans, le secteur subit annuellement près d’un milliard d’euros de baisses de prix, auquel s’ajoutent près de 300 millions d’euros d’actions de maîtrise médicalisée, et plus d’un milliard d’euros de recettes liées à la fiscalité spécifique de l’industrie du médicament (en plus de la fiscalité de droit commun).
« Alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie, le médicament supporte depuis trois ans plus de la moitié des efforts d’économie imposés par le législateur dans le cadre de la loi annuelle de financement de la sécurité sociale (LFSS), dénonce Patrick Errard, Président du Leem. Cette situation compromet lourdement l’attractivité de la France pour les investissements en santé, elle fragilise une industrie du médicament employant 100 000 personnes sur le territoire national, et surtout elle ne règle en rien le déficit structurel dont souffre notre système de santé ». A titre de comparaison, alors que l’hôpital représente près de la moitié des dépenses dans le champ de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), le niveau des efforts réalisés sur ce poste se situait, ces trois dernières années, entre 500 et 600 millions d’euros annuels.
Un système qui entretient la récession
Les dernières données économiques analysées par le Leem attestent que cette pression croissante de la régulation et de la fiscalité spécifique entraîne une récession durable de l’industrie du médicament, une perte de rentabilité et une contraction de son chiffre d’affaires : après une année 2012 à – 3,3 % et une année 2013 à – 2,3 %, les prévisions pour 2014 font envisager une décroissance d’environ – 1,5 % du marché remboursable. Parmi les principaux marchés mondiaux, la France est le seul pays à demeurer dans le rouge. « Les contraintes budgétaires inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale se fondent sur des données totalement obsolètes en termes de niveaux de consommation et de prix », observe Philippe Tcheng, Président de la commission des Affaires économiques du Leem. En effet, l’OCDE, dans son rapport « Health at a Glance » de novembre 2013, établit que la France est le huitième pays en termes de consommation de médicaments, que ce soit en pourcentage du PIB ou par habitant, derrière l’Allemagne et la Belgique notamment. Et les prix des médicaments sont aujourd’hui situés dans la moyenne basse européenne, y compris pour les produits innovants.
Le déséquilibre de cette régulation économique remet aujourd’hui en cause l’outil industriel de production : les investissements productifs ont baissé de 44 % ces quatre dernières années dans le secteur du médicament, qui accuse désormais une perte d’emplois en production.
Un risque de décrochage au sein de l’Europe
Les études placent la prévisibilité et la lisibilité – en matière de fiscalité, d’accès au marché et de régulation économique – parmi les tout premiers leviers d’attractivité industrielle. Les grands voisins et challengers de la France – les Britanniques au travers de l’accord sur le Pharmaceutical Price Regulation System (PPRS) ou les Allemands avec la révision des procédures de réévaluation quinquennale – ont compris que pour attirer les investissements en santé, il fallait réunir les conditions de la visibilité, de la lisibilité et de la prédictibilité, et offrir aux entreprises des perspectives sur trois-cinq ans. Ces mêmes pays, ainsi que l’Italie et l’Espagne, concurrencent désormais lourdement la France pour la localisation sur leur sol d’activités de production. L’enjeu est capital, puisque l’industrie du médicament constitue pour la France l’un des rares secteurs de sortie de crise : dans un contexte de concurrence internationale intense, près de la moitié de la production nationale est exportée (26,3 Mds€ en 2013, avec un excédent commercial de 9 Mds€), et 1 € supplémentaire produit par le secteur génère 3 € de valeur supplémentaire dans le reste de l’économie.
Un système à réformer d’urgence
Alors que la France cherche à déployer un plan d’économies d’un niveau jamais atteint, et à l’heure où le gouvernement réfléchit à la mise en place d’une stratégie nationale de santé ambitieuse, le Leem considère que seules des réformes de fond permettront de concilier les enjeux de santé avec la pérennité du système de protection sociale. L’organisation professionnelle rappelle qu’elle soutient depuis près d’un an la fixation d’une loi de financement, non plus annuelle, mais pluriannuelle, qui confère davantage de visibilité aux acteurs du système de santé, tout en contribuant à l’effort de réduction des déficits, notamment par des actions structurelles. La pluriannualité permettrait en outre de mettre en cohérence les politiques de régulation avec les politiques de santé publique et les politiques industrielles.
« Dans son discours de politique générale du 8 avril dernier, le Premier ministre a annoncé que la France devait « se mettre au niveau le plus élevé », « en développant [son] attractivité [et sa] compétitivité », rappelle Patrick Errard. Nous avons déjà formulé des propositions, en matière de développement responsable de l’automédication, de développement de l’ambulatoire, de l’amélioration du parcours de soins… Concilier les enjeux de réduction des déficits et de contribution des entreprises du médicament au retour à la croissance du pays est devenu quasi impossible du fait du recours massif aux baisses de prix : il faut laisser les industriels s’impliquer dans le juste usage des médicaments et investir dans le développement d’actions structurelles sur le système de santé ! Le système de santé tout entier doit aujourd’hui progresser en efficience et en responsabilisation. Le médicament ne peut plus être considéré comme le pivot de la recherche de nouvelles économies. »
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