L’unique fonds documentaire pluridisciplinaire et français sur le vieillissement est en voie de disparition. La Fondation Nationale de Gérontologie (FNG) vient d’être liquidée sans que ce fonds ait trouvé un repreneur. Jadis financé par la FNG, l’immeuble de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris où il reste stocké sera démoli dans quelques mois.
Si aucune solution n’est concrétisée, disparaitront alors 2 829 mémoires, 1 035 thèses, 7 951 ouvrages, 5 031 numéros spéciaux de revues (300 titres) et autres fascicules, 160 actes de congrès publiés dans une revue, 2 567 communications à des congrès, 6 470 rapports et brochures divers, 600 dossiers thématiques, une médiathèque unique en France de 1 430 références – 712 mètres linéaires.
Des millions d’euros de deniers publics ont été consacrés pendant quarante ans à constituer ce fonds et y accueillir chercheurs, formateurs et étudiants de tous pays. Quelque 200 000 euros sur quelques années suffiraient à assurer sa modernisation, sa valorisation et sa transformation en un système d’information performant sur le vieillissement adapté aux besoins des chercheurs comme des professionnels ainsi qu’aux impératifs de formation et d’enseignement, à l’aune de ce qui existe chez nos voisins européens.
Ce fonds est unique au monde en ce qu’il rassemble tous les travaux de recherche français menés depuis les années soixante en gérontologie sociale. Il a bénéficié en outre de dons de fonds privés provenant des pionniers de la gérontologie en France, notamment le Professeur Michel PHILIBERT. Laisser disparaître ce fonds serait renoncer à l’effort de promotion et de valorisation de la recherche francophone au profit de la prééminence des travaux anglo-saxons dans ce domaine. Le site web de la FNG qui permettait l’accès aux bases de données n’est plus maintenu depuis mai 2014.
La communauté des chercheurs en sciences sociales et des enseignants et formateurs travaillant sur les questions de vieillissement s’est mobilisée pour sa sauvegarde. Deux rapports établis sur ce sujet ont été remis aux Ministères concernés : Affaires sociales et Recherche. La solution de reprise la plus prometteuse serait l’intégration à terme du fonds au Grand Ensemble Documentaire du futur Campus Condorcet. Mais cela ne pourrait se concrétiser que dans plusieurs années, pendant lesquelles la sécurité et la maintenance du fonds devront être assurées ainsi que sa modernisation.
Quelques réunions ont eu lieu avec les deux ministères, mais aucune des pistes avancées n’a été durablement explorée. Des établissements publics d’enseignement et de recherche devaient se rencontrer fin janvier 2015 à ce sujet pour bâtir un projet partenarial de reprise, mais aucun financement n’est en vue, ni locaux susceptibles d’accueillir en urgence le fonds alors qu’il ne reste que trois mois au plus pour trouver une solution.
L’héritage de Pierre LAROQUE, fondateur de la Sécurité sociale comme de la FNG, est ainsi à l’abandon. L’absence d’action des tutelles renforce le récent constat de l’IGAS, selon lequel les plans « solidarité-grand âge » et Alzheimer ont, malgré des progrès, été insuffisants en matière de recherche et de formation universitaire. Elle trouve un écho dans le report à 2016 de la mise en œuvre de la future loi sur le vieillissement.
La communauté des chercheurs en sciences humaines et sociales a vainement œuvré pour éclairer la recherche de solutions. Elle alerte à nouveau les acteurs de la politique du vieillissement et les ministères chargés des affaires sociales, de la santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’urgence d’une solution et d’un financement appropriés.
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Professeur Anne-Marie Guillemard
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