Les individus diabétiques de type 2, résistant à l’insuline, souffrent d’un taux de glucose trop élevé dans le sang qu’ils tentent de diminuer aujourd’hui grâce à une nouvelle classe d’antidiabétiques, les « gliflozines ». Ces nouvelles molécules abaissent le taux de sucre mais produisent également un effet paradoxal en entrainant la sécrétion de glucagon, source supplémentaire de glucose. Les unités mixtes de recherche 1190 « Recherche translationnelle sur le diabète » (Université de Lille, Inserm, CHRU Lille), dirigée par François Pattou, et 1011 « Récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et diabète » dirigée par Bart Staels, décrivent un nouveau mécanisme de régulation de la sécrétion du glucagon chez l’homme permettant d’élucider ce phénomène et suggère une adaptation de ce nouveau type de traitements.
Ces résultats obtenus à Lille au sein du Labex Egid (European Genomic Institute for Diabetes) sont publiés dans la revue Nature Medicine le 20 avril 2015.
L’équipe dirigée par François Pattou développe des thérapies innovantes pour lutter contre les formes les plus sévères du diabète, une maladie caractérisée par un taux élevé de sucre dans le sang : l’hyperglycémie chronique. Pour le traitement du diabète de type 1, les projets du laboratoire s’appuient sur la production d’îlots humains qui sont greffés chez les patients. La greffe d’îlots restaure la production d’insuline, l’hormone qui régule le taux de sucre en le stockant lorsqu’il est trop élevé dans le sang. L’analyse des îlots humains destinés à la greffe permet l’évaluation des cellules pour améliorer leur greffe. C’est dans ce contexte que l’équipe de recherche a découvert un nouveau mécanisme de régulation de la sécrétion du glucagon chez l’homme qui explique un effet secondaire d’une nouvelle classe d’antidiabétiques Cette dernière est utilisée pour traiter le diabète de type 2 observé en cas d’obésité et caractérisé par une résistance à l’insuline.
Lorsque les cellules détectent un niveau bas de sucre (ex: au cours du jeune), une augmentation de la quantité de glucose dans le sang est nécessaire afin d’assurer l’énergie dont le corps a besoin. C’est là qu’intervient une autre hormone, le glucagon, dont le rôle est de stimuler la production de sucre par le foie afin de rétablir au plus vite un taux normal de glucose dans le sang. Cette hormone, sécrétée par les cellules alpha des îlots de Langherans du pancréas, est un peu oubliée par rapport à l’Insuline, produite par les cellules béta pour stimuler le stockage du sucre. Elle est pourtant essentielle dans la physiopathologie du diabète.
Dans cette étude, les chercheurs ont découvert qu’un cotransporteur du glucose (SGLT2) que l’on connait pour réabsorber le glucose dans le rein, est présent dans les cellules alpha et contrôle la sécrétion de glucagon. En mesurant l’expression génique de ce transporteur dans des îlots de donneurs diabétiques (type 2), ils ont observé une diminution de l’expression de SGLT2 et une augmentation de l’expression du glucagon par rapport aux îlots de sujets sains. Ce résultat est confirmé chez la souris diabétique de type 2 lorsqu’elle devient de plus en plus obèse, l’expression du cotransporteur diminue.
De manière inattendue, en révélant ce mécanisme, les chercheurs expliquent l’augmentation paradoxale du taux de glucagon observée chez les patients ayant recours à une nouvelle classe d’antidiabétiques « Gliflozines », commercialisée aux Etats Unis et au Royaume Uni. Cette classe médicamenteuse cible le transporteur du glucose situé dans le rein, empêchant la réabsorption du glucose élevé chez les diabétiques et son élimination en partie dans les urines.
« Le traitement antidiabétique, « Dapagliflozin », en bloquant le récepteur SGLT2, stimule les cellules alpha et augmente la sécrétion de glucagon » explique François Pattou.
Cet effet inattendu pourrait limiter au moins en partie l’effet hypoglycémiant de ce traitement antidiabétique, et justifient pour les chercheurs l’administration simultanée d’autres molécules limitant la sécrétion de glucagon comme les sulfonylurés ou les analogues du GLP-1. Avant sa commercialisation en France qui est envisagé dans les prochains mois, cette découverte pourrait permettre aux patients souffrant d’un diabète de type 2 bénéficiant de traitement, d’optimiser son efficacité.
> Pour en savoir plus : Le diabète de type 1 et de type 2
Le sous-marin du Capitaine Nemo plonge dans le pancréas parmi les îlots de Langerhans… Un nouvel épisode de la série A bord du Nanotilus.
Durée : 3 min. Coproduction : Universcience, Inserm, Virtuel 2011
L’Institut européen de génomique sur le diabète – Egid
La mission principale de la Fédération de recherche Egid (Université de Lille / Inserm / CHRU Lille / Institut Pasteur de Lille), Institut européen de génomique sur le diabète, qui a obtenu un Labex dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir, est d’identifier les facteurs de risque du diabète et de mieux comprendre les mécanismes d’apparition de ses complications afin de prévenir la survenue de cette maladie invalidante et de mieux traiter les patients. Cette fédération de recherche Egid est constituée de trois équipes fondatrices: l’UMR 1011 «Récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et athérosclérose» dirigée par le Pr Bart Staels (Université de Lille , Institut Pasteur de Lille, Inserm, l’UMR 1190 « recherche translationnelle sur le diabète » dirigée par le Pr François Pattou (Université de Lille, Inserm,CHRU Lille,), et l’UMR 8199 « Génomique Intégrative et modélisation des maladies métaboliques » dirigée par le Pr Philippe Froguel (Université de Lille, Cnrs, Institut Pasteur de Lille).
> Sources:
Caroline Bonner1,3,–4, Julie Kerr-Conte1–4, Valéry Gmyr1–3, Gurvan Queniat1–3, Ericka Moerman1–3, Julien Thévenet1–3, Cédric Beaucamps1–3, Nathalie Delalleau1–3, Iuliana Popescu5, Willy J Malaisse5, Abdullah Sener5, Benoit Deprez2,6,7, Amar Abderrahmani1, 2,8, Bart Staels1, 2,7,9,10 & François Pattou1–3,10
1European Genomic Institute for Diabetes, Lille, France.
2Université de Lille, Lille, France.
3INSERM UMR 1190, Lille, France.
4Centre Hospitalier Régional Universitaire, Lille, France.
5Laboratory of Physiology and Pharmacology, Medical School, Université Libre de Bruxelles, Brussels, Belgium.
6INSERM UMR 1177, Lille, France.
7Institut Pasteur de Lille, Lille, France. 8CNRS UMR 8199, Lille, France.
9INSERM UMR 1011, Lille, France.
10These authors contributed equally to this work. Correspondence should be addressed to F.P. (fpattou@univ-lille2.fr) or B.S. (bart.staels@univ-lille2.fr).
Nature Medicine, 20 avril 2015; doi:10.1038/nm.3828
> Contact Chercheur : François Pattou – Directeur de l’Unité 1190 « Recherche translationnelle sur le diabète » (Université de Lille, Inserm, CHRU Lille)
03 20 62 69 63 / 06 73 69 22 72 – fpattou@univ-lille2.fr
> Contact Presse : Juliette Hardy – 01 44 23 60 98 – presse@inserm.fr