Malgré la persistance et l’ampleur des déficits sociaux, qui demeurent une anomalie, leur réduction a été limitée en 2014, comme en 2013.
2015 devrait connaître un ralentissement marqué du rythme de réduction des déficits et l’objectif affiché d’un équilibre des comptes sociaux en 2017 est désormais reporté à un horizon indéfini.
La Cour identifie de nouveaux champs possibles de réformes de nature à contribuer
au rétablissement de cet équilibre.
La diminution des déficits de la sécurité sociale s’avère modeste en 2014
En 2014, le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont été en déficit pour la treizième année consécutive. Le déficit (-13,2 Md€) a été réduit de 2,2 Md€ par rapport à 2013. Cette réduction limitée, analogue à celle de 2013, n’a été une nouvelle fois permise que par la mobilisation de recettes nouvelles. Les dépenses, certes moins dynamiques qu’en 2013, ont toutefois augmenté plus vite que le PIB et que la masse salariale.
Le retour à l’équilibre des comptes sociaux est repoussé de plusieurs années
Selon les prévisions actualisées, du fait d’une progression moins forte des recettes et d’une croissance toujours soutenue des dépenses, la baisse du déficit ralentirait très nettement en 2015. Cette trajectoire conduit à repousser le retour à l’équilibre au-delà de 2020, dans le meilleur des cas.
Dans ces conditions, la dette sociale continue de progresser, rendant encore plus sensible la question de la part importante de cette dernière financée à court terme dans des conditions risquées, qu’il devient urgent de faire reprendre par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
L’effort doit porter sur la maîtrise des dépenses
Depuis 2012, 19,1 Md€ de recettes supplémentaires ont été mobilisés pour réduire les déficits sociaux. La poursuite de cette tendance irait à l’encontre des orientations mises en œuvre par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et renforcées dans le cadre du pacte de responsabilité par de
nouveaux allègements de cotisations, l’évolution annoncée de ces dispositifs posant au demeurant des questions délicates. L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que par des efforts plus ambitieux sur la maîtrise des dépenses, particulièrement au sein de l’assurance-maladie, qui représente à elle seule la moitié du déficit de la sécurité sociale.
L’infléchissement impératif des dépenses d’assurance maladie passe
par des mesures structurelles
Alors qu’il était de 5,9 Md€ en 2012, le déficit de l’assurance maladie devrait atteindre 7,2 Md€ en 2015. Même si l’Objectif national annuel de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est mieux construit, progresse moins qu’avant et été une nouvelle fois respecté, le rythme de progression des dépenses effectives s’est accéléré, notamment celui des soins de ville (+ 2,9 % en 2014).
La maîtrise des dépenses d’assurance maladie passe par deux leviers : l’accélération de la recomposition de l’offre de soins d’une part, une régulation plus vigoureuse des postes de dépenses particulièrement dynamiques d’autre part.
La réorganisation de l’offre de soins est à amplifier
La Cour dresse un bilan décevant des actions entreprises depuis une vingtaine d’années pour réorganiser l’offre de soins, qui reste toujours trop centrée sur l’hôpital (37 % des dépenses de santé). Les modes d’organisation des soins de ville ont peu évolué et les inégalités d’accès à la médecine de ville demeurent fortes. De nouvelles réorganisations s’avèrent indispensables.
Le réseau des maternités, restructuré en profondeur depuis la fin des années 90, continue ainsi de présenter des situations vulnérables, notamment en raison de difficultés lourdes de recrutement et de déséquilibres financiers. Quant aux 18 centres de luttes contre le cancer, les fragilités de certains d’entre eux posent la question de leur avenir.
Une régulation plus ferme des dépenses dynamiques doit aller de pair avec une amélioration de la qualité des prises en charge
Les dépenses liées à l’activité des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes ont représenté 10,7 Md€ en 2014 et augmentent de 5,7 % par an depuis 2000 (en euros constants). Si cette progression n’est pas sans lien avec le vieillissement de la population, elle tire surtout sa dynamique de la forte croissance démographique de ces professions, dont la répartition sur le territoire est très déséquilibrée, et appelle des prises en charge plus efficientes.
Autre exemple, la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale représente 3,8 Md€ et progresse de 4,9 % par an. Or la prévention et les modalités de prise en charge les plus économes et répondant le mieux aux besoins des patients (épuration rénale à domicile et greffe) sont insuffisamment développées, au bénéfice de traitements onéreux (dialyse) effectués en centres fortement médicalisés.
Des solidarités sont à repenser
Hormis pour les patients atteint d’affections de longue durée (ALD), la prise en charge par l’assurance maladie obligatoire de base s’est dégradée : la part des dépenses de soins des assurés sans ALD qu’elle rembourse n’était que de 61,3 % en 2012 et de seulement 51 % pour les soins de ville. Les
dispositifs d’aide aux ménages défavorisés pour l’accès à une couverture complémentaire connaissent cependant des résultats mitigés, tout en étant confrontés à terme proche à des difficultés financières.
L’hétérogénéité des règles d’attribution et de calcul des pensions de réversion, qui représentent 34 Md€, créent de fortes disparités entre les retraités, rendant souhaitables leur modernisation.
L’amélioration de la gestion doit contribuer aux efforts de réduction des déficits
Le renforcement du pilotage stratégique de l’organisation du système de soins par l’administration centrale, la poursuite de la réorganisation du réseau du régime général et du regroupement des caisses de base, ainsi que l’amélioration de la qualité des processus de gestion des établissements de santé sont nécessaires et doivent contribuer aux efforts de maîtrise de la dépense.
La comparaison des systèmes de retraites et d’assurance maladie en France et
en Allemagne fait ressortir une responsabilisation accrue des acteurs outre-Rhin
Les systèmes français et allemands de retraite et d’assurance maladie reposent sur des principes semblables, qui rapprochent leur organisation et leur financement.
Cependant, leurs soldes financiers divergent nettement : entre 2000 et 2014, l’assurance maladie a dégagé un excédent de 12 Md€ en Allemagne contre un déficit de 105 Md€ en France. Sur la même période, l’assurance vieillesse des salariés a réalisé un excédent de 16 Md€ en Allemagne contre un déficit de 65 Md€ en France.
Parmi les déterminants qui peuvent expliquer de tels écarts, la Cour relève la priorité affirmée en Allemagne à l’objectif de maintien de l’équilibre financier, qui se décline en une série d’outils d’ajustements à tous les niveaux. En particulier, la mise en œuvre de mécanismes de responsabilisation des acteurs, notamment des prescripteurs et des assurés sociaux, apparaît comme un des éléments structurants de la protection sociale en Allemagne.
Recommandations
Sur les 240 recommandations formulées dans ses rapports de 2012, 2013 et 2014 sur la sécurité sociale, 59 % ont été mises en œuvre au moins partiellement.
Cette année, la Cour formule 55 recommandations, dont certaines réitérées, visant notamment à :
- permettre le retour à l’équilibre des comptes sociaux et la diminution de la dette sociale
dans un horizon rapproché ; - améliorer la construction de l’Ondam et renforcer son suivi ;
- renforcer la cohérence et la lisibilité des cotisations sociales ;
- réorganiser l’offre de soins ;
- mieux maîtriser les dépenses d’assurance maladie ;
- moderniser certains dispositifs de solidarité ;
- gérer de manière plus efficiente les organismes de sécurité sociale.
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