Si aujourd’hui plus de 80 % des enfants sont en vie 5 ans après le diagnostic de leur cancer, c’est en grande partie lié à la recherche clinique. Synonyme de progrès, la recherche clinique doit toujours être faite dans le respect du jeune patient et de sa famille. Les spécialistes de l’Institut Curie proposent des pistes d’optimisation.
« Il faut sans cesse se poser des questions sur nos pratiques. Les essais cliniques doivent dès leur conception être pensés en termes éthiques ».
Pr François Doz, pédiatre oncologue et directeur délégué à la Recherche de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie, professeur à l’Université Paris-Descartes.
Un constant souci éthique
Proposer à une famille et à son enfant atteint d’un cancer de participer à un essai clinique n’est en effet pas une décision simple. Même si, souvent, cela signifie accéder à une innovation thérapeutique possiblement bénéfique pour le jeune patient, cette décision peut avoir une influence négative sur la suite de la prise en charge, être prise pour de mauvaises raisons, aboutir à des malentendus et détériorer les relations familiales. D’ailleurs, face aux risques que représente une telle maladie, les familles peuvent-elles vraiment refuser de participer à la recherche clinique dès lors que le médecin le propose ?
Autant de questions auxquelles le Pr François Doz, sa collègue Kathy Pritchard Jones, UCL, Londres, et le philosophe Jean-Claude K. Dupont, précédemment post-doctorant à l’Institut Curie (2011-2015) et aujourd’hui directeur adjoint d’Hospinnomics, ont souhaité apporter un éclairage pragmatique et documenté. Ils ont analysé 10 ans de publications (2003-2013) sur les essais cliniques en pédiatrie oncologique à travers le monde. Leur objectif : déterminer les exigences requises pour que la participation d’un enfant à un essai clinique réponde le plus possible à l’éthique et prévienne des désagréments moraux.
Impliquer les patients et leurs familles
Ce souci permanent de proposer les meilleurs traitements aux patients ne doit aucunement faire oublier l’éthique au moment de la constitution des essais cliniques et dans leur promotion auprès des enfants et de leurs parents. Parmi les constats de l’étude figure le besoin de renforcer les réflexions au sein de la communauté de pédiatrie oncologique en y incluant encore plus les patients, les parents et les associations. « Et cela à tous les étapes de la recherche clinique, tient à préciser le pédiatre. Le consentement et l’élaboration des documents d’information ne sont pas les seuls critères à prendre en compte pour dire que les essais cliniques se sont déroulés dans des conditions éthiques optimales. Familles et associations devraient pouvoir collaborer dès l’étape de l’élaboration des essais at jusqu’à la diffusion des résultats. »
D’ailleurs, un des autres « défis » à relever, pointé dans cette publication, concerne l’information donnée aux familles et aux jeunes patients. Là encore, le dialogue et les échanges semblent de mise. Il s’agit d’identifier les incompréhensions, voire les mauvaises interprétations pouvant induire de faux espoirs, associées à la recherche clinique.
L’éthique consiste non seulement à faire une recherche clinique opportune mais aussi à la faire de manière juste. Pour cela tous les acteurs doivent se concerter. La proposition d’inclure un enfant dans un essai clinique doit résulter d’une décision collégiale à laquelle les parents et la famille doivent être associée.
Face à des maladies rares, le risque est en effet grand de solliciter, voire de sur-solliciter les familles et les jeunes patients afin de faire avancer la recherche clinique. Souvent difficile d’accès pour des familles en souffrance, la nature et l’intérêt de ces recherches peuvent parfois être mal compris. Des règles et des pratiques appropriées pourraient notamment être définies afin d’éviter des sollicitations éparses. Il faut aider l’ensemble des professionnels à identifier les moments clés de la décision ainsi que les meilleures attitudes pour accompagner les familles. Celles-ci pourront alors faire le choix qui leur semble le plus sûr, adapté et satisfaisant.
« S’il n’est pas éthique de ne pas faire recherche clinique, celle-ci ne doit pas se faire à n’importe quelle condition. Il n’est par exemple pas concevable qu’un enfant participe à un essai clinique sans bénéfice individuel potentiel, précise François Doz. Le bénéfice collectif ne peut nullement, à lui seul, justifier la participation d’un enfant à un essai clinique. »
La réflexion des professionnels de santé quant à l’optimisation des essais cliniques doit être permanente. Elle doit reposer sur des échanges entre professionnels pour savoir à quelle famille et à quel moment proposer l’entrée dans un essai clinique et mieux identifier les besoins et les exigences des familles en ce domaine.
Deux enjeux sont particulièrement importants, aux deux « bouts » de la chaîne : faire que la décision de participation ou de non-participation reflète bien les valeurs et les préférences des familles, et reconnaître l’éthique de la recherche comme un champ de recherche à part entière, dans lequel il faut progresser ensemble, en associant tous les acteurs et les disciplines pertinentes.
Pour cette raison, au terme de ce projet, Jean-Claude K. Dupont veut rendre opérationnelle, sous l’égide de la SIOP-E et l’autorité d’un conseil scientifique présidé par le Pr François Doz, une plateforme sciences sociales et humaines au service de la communauté de pédiatrie oncologique.
> Plus d’information dans le communiqué de presse en pièce-jointe
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