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Synthèse du colloque national des usagers organisé par la Fnapaef (Documents)

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La société française s’adapte-t-elle au vieillissement de la population ? Telle était la question que la FNAPAEF, ses associations, ses membres, ses invités* et les participants se posaient le 5 octobre 2016 à Châteauroux lors du premier Colloque national des usagers.

Le navire de l’adaptation de la société au vieillissement ne suit pas le bon cap. C’est ce qui ressort de la synthèse des échanges dont nous vous proposons ici la lecture.

Cette synthèse procède en partant de la vision sociétale et politique vers son organisation et ses financements puis vers les soins et le prendre -soin du domicile aux établissement avec une attention particulière aux proches aidants.

Pour aller plus avant sur ces propos, les lecteurs sont invités à se reporter aux actes du colloque qui figurent en annexe*. Pour entendre la parole du terrain des usagers, des familles et des professionnels, les lecteurs sont invités à lire la synthèse des remontées de terrain qui figure aussi en annexe.

La vision sociétale et politique

Un regard sociétal dévalorisant, une responsabilité individuelle et collective

Comme le disait Bernard Ennuyer relatant les propos d’une de ses références Norbert Elias « II n’y a pas d’individus sans société et il n’y a pas de société sans individus. »  Si les choix politiques influent sur les regards de la société, les regards de la société décident aussi du choix des politiques et des choix politiques. Quand on dit « la société ne fait pas de bon boulot » on est en train de se dire que nous ne faisons pas notre boulot de citoyens.

La question de la dévalorisation des personnes âgées dans notre société est une affaire très collective. Dans d’autres cultures, le vieillissement s’apprécie en termes d’acquisitions et de savoirs accumulés alors que dans nos cultures à technologies avancées, comme le dit Claudy Jarry, « le vieux représente un passé de plus en plus dépassé ».

Il s’agit bien d’une question de regard dont la personne âgée fait les frais. Elle est souvent humiliée, disqualifiée. Et nous savons que quelqu’un d’humilié est quelqu’un qui va mal, qui développe des comportements de défense, qui aura besoin de médecins, de médicaments et d’aides.

Comme le dit Jean Maisondieu « Changeons de regard, ils changeront de sort. »

Une loi d’adaptation et des textes qui officialisent un regard sociétal discriminant à l’égard des personnes âgées

La loi d’adaptation de la société au vieillissement votée en décembre 2015 n’a pas supprimé cette forme officielle de sous-traitance ou de maltraitance qu’est la discrimination faite entre les gens de moins de 60 ans et de plus de 60 ans. La loi dit que les personnes de plus de 60 ans sont officiellement sous-considérées en France et ce n’est pas le cas ailleurs. La loi officialise ainsi la culture d’une forme de mépris à l’égard d’une partie de la population. La loi encourage un regard discriminant sur les personnes âgées.

Il s’agit de penser autrement. Tout le monde est âgé. A partir de la naissance et même avant, on a un certain âge. Toute personne, quel que soit son âge, peut avoir besoin de soins ou d’accompagnement pour compenser les incapacités de la vie quotidienne ou de manière passagère ou sur le long terme. Le dispositif de soins et d’accompagnement gagne à être le même pour tous sans discriminations ni par l’âge, ni par les raisons qui ont provoqué un besoin en soins ou en accompagnement.

Une vision technocratique qui transforme la personne en objet

Comme le dit en introduction du Colloque le Professeur Jean-Claude Henrard, nous subissons une conception très technocratique qui définit les besoins des personnes à partir du degré de dépendance pour les seuls actes essentiels de la vie ou pour une surveillance constante. Alors nous avons une vision très réductrice qui conduit à des réponses très normatives, univoques, selon les résultats d’une grille AGIR qui a tendance à transformer les personnes en langage bureaucratique. On dit maintenant, Madame X c’est un GIR 2, Monsieur Y c’est un GIR 3, on les transforme en objets et on méconnaît ce faisant que les personnes très âgées, y compris celles qui ont une détérioration mentale très modérée, ont des capacités restantes importantes et des stratégies qui sont mobilisées par un certain nombre de déterminants sociaux.

Considérer l’autre comme un objet, c’est un moyen de défense, nous dit Jérôme Pellissier. C’est un moyen de défense dès que l’autre nous fait peur, qu’il nous effraye alors il nous effraye d’autant plus qu’on n’a pas de formation, de connaissances, pas de réflexions, pas de supervision enfin, peu importe comment on appelle toutes ces choses-là, mais dès qu’on n’a pas ces temps nécessaires pour ne pas être pris par la peur et dans la nécessité absolue de se protéger.

Des critères d’évaluation des politiques publiques qui détruisent le professionnalisme

Les nouveaux critères d’évaluation des politiques publiques issus du monde de l’entreprise prennent le pas sur l’analyse des besoins, l’éthique professionnelle, le sens du service public et la satisfaction des usagers.

Ces nouveaux critères d’évaluation dans le système de la santé comme dans celui de l’éducation ont tendance à détruire le professionnalisme.

Les financements

Des choix politiques qui prennent la facture d’hébergement comme variable d’ajustement de leurs insuffisances

Les personnes qui ont besoin d’un accompagnement en établissement contribuent à 60% du financement. Elles financent des postes qui logiquement devraient être basculés sur les soins. Mais ce n’est pas du tout ce vers quoi la loi d’adaptation est allée. Au lieu de faire baisser le reste à charge pour les familles, elle le fait augmenter.

Des services qui gagnent plus à rendre une personne grabataire qu’à lui éviter de le devenir

Avec le système de financement actuel centré sur la maladie et sur le déficit les services gagnent plus à rendre les gens grabataires qu’à leur éviter de le devenir. On peut dire que le dispositif de financement est une sorte de prime à la dégradation.

Des chiffres en trompe l’œil, les dépenses privées sont plus importantes que les dépenses publiques ?

En 2016, la DRESS, Direction des Recherches et des Etudes Statistiques, dit qu’on dépense en 2014, 34 milliards d’euros pour la dépendance. Sur ces 34 milliards, 10 sont payés par les ménages, soit le reste à charge à domicile pour l’APA et le forfait hébergement en Ehpad payé par les résidents et leurs familles. On passe de 34 à 24 milliards dont la plus grosse partie est payée par la Sécu et la CNSA qui sont eux-mêmes financés par les citoyens. Si aux 10 milliards déjà payés pour l’hébergement par les familles, on monétarise et on ajoute le travail indirect fourni par les proches au domicile on arrive grosso modo à une mise en jeu de 15 milliards. Ce qui porte le financement privé à 25 milliards. Il est supérieur au financement public. Les dépenses privées aujourd’hui sont plus importantes que les dépenses publiques.

Un manque d’argent dans les services au domicile

L’évaluation comptable est dominante. Des services à domicile ferment parce qu’ils sont sous-dotés. Certaines caisses de retraite ont revu leur politique d’aide à la baisse, c’est le cas de la CARSAT. Dans le département de l’Indre, où s’est tenu le Colloque des usagers, on est passé en un an de 105.000 heures à 35.000 heures.

On observe un décalage entre les prix de revient horaires des associations d’aide et les prix de référence attribués par les différents financeurs. Ceci a pour effet d’augmenter le reste à charge pour les usagers du domicile. Pour la PCH le prix de revient d’une heure d’intervention est de 21.80 € alors que le prix accordé par arrêté national est de 17.77 €. Cet écart de 4 € a des conséquences catastrophiques pour les personnes et pour les services.

Un manque d’argent dans les Ehpad

Aujourd’hui, quand on gère un établissement on ne parle plus d’élaborer un budget en fonction des besoins. On monte un budget en fonction d’une dotation qui vous est allouée. Les dotations vont augmenter dans le meilleur des cas de 0.5%, voire même diminuer.

Ces manques de budgets induisent de grosses difficultés au niveau du nombre des personnels. Dans un établissement donné, les responsables qui présentent leur projet de vie peuvent s’entendre dire par l’ARS « c’est bien » mais pour commencer vous aurez un aide-soignant pour 12 toilettes. Comment peut-on être bien traitant quand on demande à du personnel de faire 12 toilettes ?

Quand le budget baisse de 3% le risque est grand de voir baisser la qualité de 3%.

Des décisions politiques qui creusent l’écart entre les revenus et les coûts des services. Un reste à charge qui augmente dangereusement au domicile et en Ehpad

Les réformes successives des retraites ont déjà produit leurs effets. Le décrochage entre l’évolution des retraites perçues et le montant à payer en établissement est de l’ordre de 1800 € en général et de l’ordre de 1100 € dans l’Indre.

Une augmentation dangereuse du reste à charge en établissement

La personne âgée et sa famille sont les principaux financeurs. L’assurance maladie finance entre 25 à 30 %, le département 10 à 15 % pour la dépendance et la plus grosse partie des financements vient des familles pour environ 60%.

Un mouvement de déshabilitation à l’aide sociale provoqué par l’insuffisance des dotations publiques qui crée un gros risque d’augmentation du reste à charge

Pourquoi en arrive-t-on à un mouvement de déshabilitation à l’aide sociale depuis le début 2016 ? Certaines Associations et certaines Directions, surtout lorsqu’elles appartiennent à des établissements isolés et qu’elles ne sont pas dans le cadre d’une mutualisation possible, sentent qu’elles vont vers de grandes difficultés. Ces Directions se disent qu’il faut très rapidement trouver des marges. C’est pour cela qu’elles envisagent la possibilité de se déshabiliter pour entrer dans un système classique privé permettant de libérer les tarifs. Cela veut dire que l’on pourra avoir dans un établissement, au niveau des places habilitées à l’aide sociale, un tarif encadré par le Conseil Départemental et puis il y aura par exemple Monsieur A. qui va rentrer avec un contrat de séjour sur un prix donné, qui sera encadré dans son évolution par un décret à venir, puis il y aura Monsieur B. qui va entrer par exemple deux ans après, lequel va se trouver sur la base d’un nouveau prix de journée. On pourra alors se retrouver dans un établissement avec une multitude de prix de journée dans lesquels il sera peut-être difficile de se retrouver.

Si cela ne pose pas de problème aux personnes aux revenus aisés, la plus grosse partie de la population ne sera très prochainement plus en mesure de faire face à ces charges. La facture d’hébergement appelée encore le reste à charge risque d’augmenter très sensiblement.

Le deuxième volet dont on parle peu et qui interroge nos associations c’est que dans le cas de la déshabilitation à l’aide sociale on passe d’une solidarité que l’on espérait nationale à une solidarité intra-établissement. Cette tendance va à l’encontre d’un service public destiné à répondre aux besoins et aux capacités des classes moyennes. Elle remet aussi en cause les projets d’accompagnement des associations.

Une facture d’hébergement accrue par le tout sécuritaire

Les coûts du tout sécuritaire sont sans commune mesure avec les risques encourus comme l’ont montré les travaux d’une commission parlementaire. On a tendance à penser pour les personnes d’un certain âge et ce faisant à charger leur facture d’hébergement.

Les remboursements d’emprunts faits par les établissements sont payés par les usagers

Fait-on de même avec un stade, une école ou un lieu de culte ?

Des catégories de financement artificielles qui ne correspondent à aucune réalité attendue dans l’accompagnement

Les catégories qui répartissent actuellement la responsabilité financière entre les soins et l’aide à l’accompagnement sont artificielles. L’enveloppe du médico-social ne se mélange pas avec celle du sanitaire. Si on fait des investissements dans le médico-social qui permettent au secteur sanitaire de faire des économies sur les soins de ville et les hospitalisations ces économies ne se retrouveront pas au niveau de l’enveloppe globale.  Pour s’adapter au vieillissement il conviendra de gommer ces trois colonnes et repenser le financement.

Il y a de l’argent, on peut en mobiliser, c’est une question de choix politiques collectifs

Si les financements dans notre champ sont insuffisants c’est essentiellement à cause de choix politiques qui n’ont pas été faits et comme le dit Bernard Ennuyer, nous en sommes collectivement responsables. Il faudrait ajouter de 3 à 5 milliards. En 2008 au moment de la crise financière en trois jours on a trouvé 11 milliards d’euros pour sauver les banques. On peut trouver facilement ces 3 à 5 milliards.

2 milliards sont chez des retraités qui ont un peu de revenus et qui payent une CSG de 6.6 alors que tous les salariés payent une CSG de 7.5. Si on rétablit, comme cela été prévu dans le rapport Bachelot, la CSG des retraités qui payent 6.6 à 7.5, on récupère 2 milliards.

La Cour des Comptes dit que 2 à 3 milliards d’euros sont gaspillés pour des gens de 75 ans et plus qui sont bloqués à l’hôpital parce qu’ils n’ont pas de solution de sortie. Ce sont 3 milliards d’argent public dépensés pour des personnes qui se dégradent de 30 à 40% de leur autonomie fonctionnelle parce qu’on ne s’occupe plus d’eux.

On pourrait encore récupérer une partie de ce qu’on perd en arrêts de travail, en pathologies, en médicaments, à force de laisser des gens se détruire qui supportent une charge impossible, les aidants comme les professionnels.

Il est probable qu’il sera difficile d’éviter aux familles de contribuer au maintien à domicile de leurs ainés y compris financièrement. Le tout c’est d’arriver à le faire dans un système qui soit socialement viable et équitable, prenant en compte les difficultés et les ressources de chacun.

Pour préserver le lien social, il convient d’avoir un droit universel d’aide à l’autonomie, sans discrimination d’âge, dans le respect des fondements de la solidarité nationale. Il convient d’éviter une marchandisation de l’accompagnement.

Des solutions alternatives pour réduire les couts et vivre mieux

Entre la solution du domicile et celle de l’Ehpad d’autres possibilités existent et gagnent à être développées. Aujourd’hui les résidences-services sont surtout portées par les privés. Les collectivités territoriales peuvent s’emparer de cet espace et créer des structures à bas coûts. Des habitats intermédiaires regroupés, situés près des centres de vie, peuvent permettre de regrouper des personnes isolées récréant ainsi du lien social.

Les soins et le prendre soin du domicile à l’Ehpad

Au domicile

15% des personnes qui sont en institution seraient mieux chez elles si le dispositif de soutien au domicile le permettait.

Les associations d’aide à domicile ont parfois le sentiment d’avoir un rôle dénaturé.  Elles sont submergées par ce qui concerne les finances, les moyens, l’organisation, la technicité, les ressources humaines, l’augmentation des règlementations dont elles se demandent ce qu’elles apportent aux personnes âgées comme amélioration dans la qualité des services. Le but de ces associations, c’est l’aide à la personne avant la préoccupation économique.

Le cloisonnement des financements crée de la difficulté pour une prise en charge globale des besoins. Les différents services compétents ne sont pas d’accord entre eux sur les évaluations des besoins entre les GIR 4 ET 5.

Le métier n’est pas attractif. 8000 postes sont disponibles en France qui ne trouvent pas preneur.

La réforme du diplôme inquiète les associations. Le DEAES a remplacé le DEADS. Ce nouveau diplôme contient un tronc commun et trois options. L’aide à domicile, les assistantes maternelles et les AMP.  Dans l’Indre, sur 40 demandes pour le tronc commun, 2 sont pour le domicile et tout le reste, 38 vont à l’AMP. Pourquoi ? Parce que le secteur d’activité n’est pas attractif. Et la première chose que font les aides à domicile lorsqu’elles sont qualifiées, c’est de rejoindre les établissements. Et donc on n’avance absolument pas dans la qualification.

La situation des couples qui vieillissent ensemble est très préoccupante

Si les deux membres d’un couple vont en établissement, c’est difficile. Mais si l’un des deux va en établissement alors que l’autre reste à la maison, la retraite qui leur permettait de vivre correctement ensemble à leur domicile sans avoir recours à des aides quelconques, ne permet plus à celui qui reste au domicile de vivre décemment. C’est la question cruciale du reste à vivre pour celui qui reste au domicile.

Pour apporter au domicile des réponses à la hauteur des besoins les services d’aide ont besoin d’une coordination avec les autres professionnels et aussi avec les aidants proches.

Il est souhaitable d’intégrer dans la formation des professionnels les modalités des démarches interprofessionnelles coordonnées.

La désertification médicale

Les causes de la désertification médicale sont bien identifiées. Numérus Clausus ramené de 8000 en 1971 à 3500 entre 1991 et 1998 puis revenu autour de 7500 actuellement, médecins libéraux qui s’installent plus tard, très faible pourcentage de médecins sortant des écoles qui se destinent à la médecine libérale, refus d’être éloigné d’un centre urbain, difficulté pour le conjoint à trouver un emploi, conception du travail différente, besoin de temps personnel etc…

Pour pallier à cette désertification médicale les ARS mettent en place différentes solutions. Contrats de service public, praticiens territoriaux de médecin générale, maîtres de stage, médecins correspondants du SAMU, mesures de défiscalisation pour les médecins qui s’installent en zone fragile, mise en place de maisons de santé pluridisciplinaires.

Une autre piste reste à travailler au niveau national, c’est la délégation de tâches. Beaucoup de choses faites par les médecins pourraient être faites par les infirmières notamment.

La télémédecine est aussi une solution sur laquelle il convient d’être prudent. En effet, comment une personne sera-t-elle soignée quand elle sera réduite à un flux de données numériques qui passera d’ordinateur à ordinateur ? C’est déjà difficile pour un médecin, quand il a la personne devant lui, de rester toujours dans un rapport de personne à personne, alors quand en plus ce sera un écran, des graphiques et des tableaux avec des programmes qui géreront pour lui des alertes, on peut se demander ce qui se passera en termes de relation et en termes de regard sur la personne.

Les proches aidants demeurent la variable d’ajustement d’un dispositif public insuffisant

L’aidant, le proche est très souvent dans le soin et dans le prendre -soin. Il est obligé de soigner. Il est obligé de prendre soin. Quand on pose la question à ces aidants, que faites-vous ? Ils ont souvent du mal à répondre.  Ils ont un rôle d’infirmière, d’auxiliaire de vie, d’aide-soignante, d’époux, de parent. Et si on leur demande s’ils peuvent hiérarchiser ces différents rôles, on trouve en premier le rôle d’infirmière, puis d’auxiliaire de vie, éventuellement d’accompagnement professionnel même s’ils ne sont pas des professionnels, en avant dernière position on a le rôle d’époux ou de parent et en dernière position, l’amour. Cette hiérarchie est terrible.

Dans une journée de 24 heures, quand on met bout à bout les différentes aides financées, cela peut représenter 2 ou 3 heures. Restent alors une vingtaine d’heures pendant lesquelles l’aidant est seul en face de son proche.

Les limites de l’aidant risquent d’être souvent dépassées. La qualité des soins dispensés au quotidien pendant 20 heures risque de ne pas être au niveau. Il y a sans doute un moment où une prise en charge en établissement serait une solution plus adaptée.

Il convient de dire que si on redécouvre officiellement la place des aidants, c’est essentiellement pour des raisons financières. Les aidants suppléent à ce que les professionnels ne sont pas en mesure d’apporter parce que les pouvoirs publics ne mettent pas les finances nécessaires. Les aidants sont une variable d’ajustement pour une politique publique défaillante.

Des solutions sont mises en place pour les aidants confrontés aux maladies neurodégénérative. Il y a l’accueil de jour qui bénéficie à la personne malade et à l’aidant. Il y a les plateformes de répit. Un modeste droit au répit a été mis en place par la loi, c’est une avancée. Mais, sur les 4 millions d’aidants dits « lourds », si on fait le calcul par rapport à l’enveloppe allouée, il n’y aura pas plus de 160 000 aidants qui risquent de pouvoir en bénéficier.

Certains aidants connaissent les aides qui peuvent leur être apportées mais ne veulent plus les utiliser parce que, notamment, la qualification des personnels est insuffisante, le turnover des personnels est insupportable, l’équilibre du couple aidant-aidé est mal pris en compte par les professionnels…

Un aidant qui devient jetable quand l’aidé entre en institution

Au moment de l’entrée en établissement de l’aidé, l’aidant risque de passer du statut d’acteur principal à celui d’un aidant « jetable ». Les familles sont encore trop souvent perçues par les professionnels comme des « râleurs-payeurs ». Les représentations des soignants, souvent dans des postures défensives, ne sont pas faciles à faire évoluer.

Il y a très certainement beaucoup à gagner à cultiver la relation entre le résident, les soignants et la famille. C’est une tendance à renforcer qui se dessine dans de nombreux établissements. Ici aussi il s’agit pour les différents acteurs de changer de regard.

Les difficultés de fonctionnement des Ehpad

Mettre la personne au centre de l’organisation, on le dit, c’est difficile à faire

La loi d’adaptation de la société au vieillissement aurait pu être l’occasion de remettre vraiment la personne au centre de l’organisation plutôt que de l’obliger avec sa famille à s’adapter à l’organisation. Car le mot adaptation est réversible. Il s’agit de savoir à qui on demande de s’adapter à quoi ?

Les associations d’usagers font remonter les difficultés du terrain

Les associations d’usagers mettent souvent l’accent sur ce qui dysfonctionne, car ce sont en général des dysfonctionnements qui leur remontent du terrain. Lorsque les gens sont arrivés au bout des possibilités du domicile, ils espèrent ne pas entrer dans un Ehpad qui dysfonctionne et il y en a. On peut trouver des Ehpad dans lesquels on n’écoute pas la personne, on la laisse couchée toute la journée parce qu’on manque de personnel, on ne fait pas les toilettes, le repas peut ne pas être distribué, les plaintes auprès de la Direction peuvent rester sans réponse, des horaires de visites sont arbitrairement limités, la vice-présidente d’un CVS peut être menacée de 30 000 € de dommages et intérêts parce qu’elle se manifeste trop…

Jérôme Pellissier pense que les dysfonctionnements concernent une proportion non négligeable d’établissements, peut-être de l’ordre de 25%. C’est une réalité connue des ARS, Agences Régionales de Santé. Seulement la situation d’aujourd’hui ne permet pas de pouvoir fermer ces établissements parce qu’on ne saurait pas quoi faire des personnes qui y vivent.

A moyens constants, certains établissements vont bien, d’autres non

Mais, dans le contexte actuel, à moyens équivalents, à personnels équivalents, il y a des établissements qui fonctionnent correctement.

Il y a un trépied qui est fondamental dans la gestion d’un établissement. Il est composé du Directeur, du Médecin coordonnateur et de l’Infirmière référente. Le docteur Yves Carteau, Vice-Président des médecins coordonnateurs confirme cela. Le manque de personnel, c’est partout. Mais dans certains établissements il y a une volonté et ce triptyque, Directeur, Médecin coordonnateur, Infirmière référente, fonctionne avec une éthique de management.

Le management subit les effets de la loi d’adaptation et des mutualisations. Ces mutualisations ont notamment pour effet d’accroître le côté gestionnaire des Directeurs au détriment du management de la relation avec les usagers, les familles et les équipes. A moyens constants, les établissements qui se démarquent par leur qualité savent entendre et mettre en relation d’échange les résidents, les familles et les équipes.

La qualité d’un établissement c’est encore la manière de trouver un juste équilibre entre les choix de vie des habitants et les mesures sécuritaires. Dans certains établissements on s’est demandé pourquoi on attachait les gens et comment on pouvait faire pour supprimer toutes ces contentions ? Il y a des établissements dans lesquels on trouve zéro contention, zéro barrière de lit, zéro lit-cage, zéro sécuridraps etc… Mais ce langage pourra sembler étrange à des citoyens normaux qui vivent librement chez eux et en société !

La transparence, encore un mot bien utile dans les conférences, mais sait-on la matérialiser ?

On dit qu’on va faire de la transparence au niveau des prix. La CNSA, Caisse Nationale pour la Solidarité et l’Autonomie, a mis en place une plateforme sur ce sujet. Mais qu’en est-il de la qualité ? Y-a-t-il de la transparence sur la qualité ? Que sait-on du turn-over du personnel, du plan de formation, de la qualité des produits alimentaires etc.. ? Que sait-on de la manière dont mon parent sera accompagné, par combien de personnels et combien de temps les personnels auront à passer avec lui ?

Sur la transparence encore. Les établissements sont soumis à des évaluations qualitatives externes tous les cinq ans. Evaluations qui sont payées par les usagers à hauteur de 10 à 15.000 euros par évaluation sur la section hébergement. Les établissements sont invités à mettre en ligne sur leur site le résultat des évaluations externes. Certains le font. Les usagers ont besoin d’avoir des éléments d’appréciation qualitatifs précis.

Transparence sur les prix. La loi d’adaptation a mis en place un socle minimum de prestations. A ce socle correspond pour chaque établissement un prix qui va être remonté à la CNSA. Il convient de savoir que ce prix n’inclut aucun élément de qualité. Il sera possible de comparer un prix de restauration socle d’une maison à l’autre. Mais il sera impossible de savoir s’il s’agit d’un mauvais repas froid servi sur un plateau ou d’un repas cuisiné sur place par un chef qualifié avec des produits frais et peut-être même bio.

Un manque de personnel qui découle d’un système de financement kafkaïen fait d’enveloppes étanches

Le système kafkaïen de financements des Ehpad, fait d’enveloppes étanches, rend très difficile pour les directeurs et les gestionnaires la possibilité d’employer les personnels qu’ils souhaitent et dont ils ont besoin.

Les Ehpad que les gens sont encore nombreux à appeler des – Maisons de retraite – sont aujourd’hui dans les faits, pour 80% des résidents, des établissements spécialisés pour les maladies neurodégénératives. Dans les autres 20% on trouve des personnes qui relèvent des unités de soins de longue durée et des pathologies psychiatriques. Passé 60 ans, on met à peu près toutes les pathologies dans les Ehpad. Ceci, ce sont les faits et ils ne sont pas reconnus comme tels pour des raisons financières.

Le personnel, comme le dit Claudy Jarry et comme on le voit dans l’actualité, est mal considéré, mal rémunéré, mis à rude épreuve et finalement parfois absent.  Absent parce que le travail est dur, physiquement et psychologiquement. On manque de personnels et quand on va trop loin dans cette mécanique, elle se casse. Et quand elle se casse, on a des accidents du travail, des arrêts de maladie qui sont supérieurs maintenant dans le milieu des Ehpad à ce qu’ils étaient dans le Bâtiment de France. Sauf que dans le Bâtiment de France on a réagi.

Quand les personnes ne peuvent plus rester chez elles et pour ne pas les transformer en objets, il conviendrait qu’elles puissent vivre dans des établissements réellement dotés des moyens nécessaires pour prendre soin d’elles à la hauteur de leur situation.

Une insuffisance de prise en compte de l’expérience et de la parole des personnes accompagnées

On écoute encore trop peu les personnes et ce qu’elles ont à dire sur comment elles vivent leurs maladies, leurs handicaps, ce qu’elles pensent de leur accompagnement, ce qu’elles voudraient comme accompagnement. On est encore vraiment dans une culture, que ce soit du côté administratif ou médical, de « on sait mieux que les gens qu’on aide ce qui est bon pour eux. » Il faudrait là-aussi définitivement sortir de cela !

Pour faire bouger les choses, il convient que les personnes aidées soient considérées comme les premiers experts de ce qui leur arrive. Sinon on risque de les considérer comme des objets inférieurs et potentiellement méprisables.

L’intérêt d’un dialogue permanent entre les usagers, les familles et les professionnels

La loi du 2 janvier 2002 a mis en place le Conseil de la Vie Sociale dit CVS. C’est le lieu privilégié d’échanges et de dialogue au sein d’une structure. Pour que ce lieu de dialogue fonctionne au profit de la qualité de vie il conviendrait d’y entraîner les résidents et surtout les familles mais aussi les professionnels qui méconnaissent trop souvent l’esprit et l’usage du CVS. On gagnerait à donner un gros coefficient à la sortie des écoles qui forment les Directeurs à l’épreuve d’animation d’un CVS, si cette épreuve existait !

Le dialogue construit et à construire entre les gestionnaires, les Directeurs, les aidants, les familles et les professionnels devrait permettre de mieux faire entendre aux pouvoirs publics les suggestions d’amélioration que tous formulent ici.

Un autre modèle social et des projets collaboratifs

Les politiques actuels sont-ils capables de créer les conditions d’une société pour tous ?

Depuis des années les acteurs et les bénéficiaires du dispositif d’accompagnement des personnes d’un âge plus ou moins avancé subissent les conséquences de politiques descendantes.

Mais un changement de modèle social est en route qui prend racine dans la capacité d’initiative des personnes individuelles et collectives. Ces initiatives se manifestent en France, en Allemagne, ailleurs. On voit des gens qui s’organisent pour habiter de façon solidaire, pour inventer de nouvelles formes de sociabilité et pourquoi pas pour prendre en main, de manière ascendante, la conception, l’organisation et le pilotage du dispositif d’accompagnement des personnes d’un certain âge ?

Accepterons-nous, comme le disait le Professeur Jean-Claude Henrard, dont les propos sont repris par Bernard Ennuyer, que des gens de très grand-âge, même avec des incapacités, voire cognitives, nous enseignent sur le chemin qui reste à parcourir ? Nous mettons beaucoup d’espoirs dans une société qui prend forme aujourd’hui.

Il se pourrait que les messages portés par ce premier Colloque national des usagers organisé par la FNAPAEF ne soient pas compris, acceptés ou partagés par tous les lecteurs qui nous feront l’honneur de lire ces documents. Nous cherchons à rassembler les porteurs de valeurs communes prêts à se mobiliser dans le sens des propos échangés ici.

Pour la synthèse – Joseph Krummenacker

Annexe –  Les intervenants au colloque

SOINS ET PRENDRE SOIN DU DOMICILE A L’EHPAD

  • Claudette Brialix, Président BVE 36 et Vice-Présidente FNAPAEF – Accueil
  • Joseph Krummenacker, Président FNAPAEF – Mot d’introduction
  • Jean-Claude Henrard, professeur émérite de santé publique – Gérontologue « « Les avancées et les difficultés du prendre soin. Aujourd’hui, quelles perspectives pour demain ? »

Sur le domicile et sur les aidants

  • Francis Millet, Directeur départemental de Familles Rurales.
  • Pascal Jannot, Président de la Maison des Aidants à Bergerac.
  • Dominique Hardy, pour l’ARS Centre.
  • Patrick Charpentier, Président du CISS Limousin

Echanges avec les participants dans la salle (20 minutes)

Sur les Ehpad et les liaisons domicile/Ehpad

  • Elisabeth Artu, Présidente du CRERA, association membre de la FNAPAEF.
  • Yves Carteau, Vice-Président des médecins coordonnateurs de France.
  • Morgane David, pour l’ARS Centre
  • Patrick Charpentier, Président du CISS Limousin.
  • Clémence Lacour pour la FNAQPA
  • Romain Gizolme pour l’AD-PA
  • Claudy Jarry pour la FNADEPA

Echanges avec les participants dans la salle (15 minutes)

  • Jérôme Pellissier, psycho-sociologue et auteur « Analyse et synthèse de cette table ronde ».

LEFINANCEMENT DE LA PERTE D’AUTONOMIE

DANSLES ANNEES A VENIR

  • Bernard Ennuyer, sociologue « Le dispositif de financement de la perte d’autonomie permet-il aujourd’hui de faire société ? »
  • Françoise de Gouville, Directrice de la prévention et du développement social au Conseil Départemental de l’Indre.
  • Johan Priou, Président de la commission des personnes âgées à l’UNIOPSS.
  • Francis Millet, Directeur départemental de Familles Rurales.
  • Claudette Brialix, Présidente de BVE 36, association membre de la FNAPAEF et Vice-Présidente de la fédération.
  • Marc Reybaud, Président de l’ARCF, association membre de la FNAPAEF.
  • Jean Ricard, consultant
  • Pascal Le Bihanic, membre de la FNAPAEF et de l’AD-PA et formateur en gérontologie.
  • Romain Gizolme pour l’AD-PA
  • Clémence Lacour pour la FNAQPA
  • Claudy Jarry pour la FNADEPA

Echanges avec les participants dans la salle

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