L’année 2016 aura été marquée par l’abondance des travaux conduits sur l’audioprothèse, et qui tous font de l’audition un véritable enjeu de société.
Après l’INSERM[1], qui a confirmé que les troubles auditifs non pris en charge favorisent le déclin cognitif des âgés, l’étude réalisée par Jean de Kervasdoué et Laurence Hartmann[2] a montré que, si toutes les personnes malentendantes susceptibles d’être appareillées l’étaient effectivement, on économiserait entre 1,7 et 2,1 milliards d’euros de soins.
L’enquête[3] diligentée par l’Autorité de la concurrence (ADLC) sur le secteur de l’audioprothèse aura ensuite confirmé de nombreux points sur lesquels la profession insiste de longue date, et qui méritent d’être rappelés.
- L’ADLC a validé les chiffres selon lesquels le taux d’équipement de la population est aujourd’hui de 34 %, soit 2 millions de personnes sur les six millions de malentendants, dont seuls 50 % sont susceptibles d’être appareillés, ce qui signifie qu’un million de personnes devraient être équipés et ne le sont pas.
- Le prix des audioprothèses qui « s’étend en moyenne aujourd’hui de 900 € par oreille pour l’entrée de gamme à 2000 € pour le haut de gamme» est en moyenne de 1500 € « toutes gammes confondues », un prix dont l’Autorité a constaté qu’il est « comparable au prix relevé dans les autres pays de l’Union européenne, et même inférieur pour les produits haut de gamme ».
Ce prix résulte d’un marché concurrentiel, l’ADLC soulignant que «le maillage territorial [est] relativement satisfaisant », « qu’il n’y a pas d’acteur en position dominante et que la structure du marché devrait favoriser la concurrence ».
Ce prix reflète la réalité du travail des audioprothésistes, l’Autorité ayant noté : « Concernant la formation du prix d’une audioprothèse, l’instruction montre que 66 % de la valeur est créée par les audioprothésistes. Cette part importante s’explique par le fait que les audioprothésistes ne sont pas seulement distributeurs de biens mais aussi prestataires de services de santé. Leur activité n’est pas comparable à celle d’un commerçant qui achète des produits pour les revendre en réalisant une marge. Elle s’apparente davantage, pour la part relative aux prestations associées à la vente de l’appareil, à celle d’un infirmier ou d’un masseur-kinésithérapeute, en fournissant des services de soins du patient sur une longue durée. Le prix d’une audioprothèse reflète ainsi à la fois la valeur de l’appareil et celle du temps passé pour les prestations associées, 12 à 15 heures en moyenne s’étalant sur 5 à 6 ans ».
- La France ne se distingue de ses voisins que par deux circonstances particulières :
- l’excellence du travail réalisé par les audioprothésistes français puisque, comme l’a noté l’Autorité : « En France, le taux d’observance est extrêmement satisfaisant puisque seulement 10% des personnes appareillées ne portent pas leurs appareils ou les portent moins d’une heure par jour. Après l’Italie, la France compte parmi les pays qui affichent le meilleur taux d’observance avec l’Allemagne et la Suisse. En revanche, au Royaume-Uni, en Norvège et au Danemark, bien que le taux d’équipement soit plus élevé qu’en France, il semblerait que le taux d’observance y soit plus faible de moitié».
- une prise en charge collective anormalement faible puisque, selon l’ADLC, « le reste à charge est particulièrement élevé dans le secteur de l’audition. En effet, l’Assurance maladie participant au financement à hauteur de 120 € par audioprothèse et les organismes complémentaires à hauteur de 400 € en moyenne, le reste à charge pour le patient est d’environ 1000 € par oreille (66 % du prix). (…) Dans la mesure où le tarif de responsabilité n’a pas été révisé par la sécurité sociale depuis 1986, la prise en charge collective apparaît nettement déconnectée de la réalité économique du marché», ce qui, lit-on encore « s’inscrit à contre-courant des mesures de revalorisation de la prise en charge qui ont été adoptées en Allemagne (785 € par appareil), en Belgique (666 €) ou en Italie (600 €) ».
Sur ce point, l’Autorité précise plus explicitement : « il est possible que le renforcement de la concurrence lors du suivi ne suffise pas à réduire fortement le reste à charge pour les patients, le remboursement des audioprothèses par l’Assurance maladie restant très faible. La question se pose donc d’une éventuelle revalorisation du remboursement des soins par l’Assurance-maladie, en contrepartie, par exemple, d’une fixation d’un prix plafond des audioprothèses notamment en entrée de gamme ».
Enfin, les données publiées par l’Assurance maladie le 30 novembre 2016[4] donnent une vision exhaustive des chiffres et des montants en jeux et permettent de constater que le marché français est centré sur le milieu de gamme et que près de 40 % des appareils sont utilisés entre six et dix ans.
L’ensemble de la profession considère que tous les éléments sont à présent réunis pour agir. Le CNA, le SYNAM, le SYNEA et l’UNSAF constatent avec satisfaction que l’amélioration de la prise en charge de l’audioprothèse fait partie des sujets en ligne de mire des candidats à l’élection présidentielle.
Ainsi la nécessité d’engager les travaux pour cette revalorisation fait consensus.
La profession souhaite l’ouverture du chantier dès 2017 et se tient prête à prendre toute sa place dans l’édification et la mise en œuvre d’une vraie politique de prévention et de prise en charge des déficits auditifs.
[1] Étude de l’Inserm. http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/troubles-auditifs
[2] Impact économique du déficit auditif en France et dans les pays développés – Revue de la littérature scientifique 2005-2015. http://www.unsaf.org/doc/Impact_Economique_Deficit_Auditif_en_France.pdf
[3] http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/doc_consultation_audioprotheses_juill16.pdf