Tel pourrait être le titre de ce mauvais film qui se joue dans les EHPAD publics. La réforme de la tarification des EHPAD laisse en effet un goût amer, celui d’un acte manqué. On imaginait, on espérait, on se prenait à rêver d’une réforme qui redonne du souffle et de l’air à ce secteur de la prise en charge des personnes âgées en Institution. Mal nous en a pris.
L’application du tout nouveau forfait départemental Dépendance en est une cruelle illustration. Notre secteur a besoin de financement, il a besoin de moyens pour exister auprès de nos aînées. La notion d’une juste allocation des ressources en fonction des missions et des besoins paraît simple. Les moyens sont évidemment la condition pour assurer les missions d’accueil, d’accompagnement et de soins dans le cadre de réponses structurées dans un territoire pour la population vieillissante. Les EHPAD publics sont des acteurs dynamiques et innovants. Les moyens leur permettent d’investir bien sûr, mais aussi de rémunérer celles et ceux qui quotidiennement s’engagent auprès des résidents des EHPAD. Car dans nos établissements, comme ailleurs, ce sont des bras et des jambes qui tiennent et soutiennent les plus faibles.
Fidèles aux valeurs et principes qui guident l’action publique, les EHPAD publics accueillent sans discrimination les usagers de tous horizons, tous milieux professionnels, toutes religions, quel que soit le revenu. Cette mission qui nous honore, n’est en revanche pas correctement valorisée. Nous assistons aujourd’hui à la « moyennisation » des forfaits Dépendance et les promesses faites au lendemain du drame de la canicule de 2003 paraissent bien lointaines. Nous l’avons dit, dénoncé, puis répété, 90% des dépenses de la section Dépendance est faite de rémunérations : psychologues, mais aussi et surtout aides-soignants, agents des services hospitaliers. Faut-il le préciser, ce sont ces derniers aussi, les plus mal lotis. Des rémunérations faibles, corvéables à souhait, toujours prêts à répondre, y compris un dimanche pour effectuer un remplacement de dernière minute, voilà le quotidien de ces soldats du grand âge. Pour quelle reconnaissance ?
La protection sociale ne connait pas la perte d’autonomie, le service public hospitalier non plus. Et relayer au rang de souvenir le secrétariat d’État aux personnes âgées est-il un mauvais présage de la constitution du nouveau gouvernement ? Cette situation, nous devons la dénoncer à présent. Il n’est pas dans nos habitudes de nous résigner, la fatalité ne faisant pas partie dans notre vocabulaire. Quand bien même, les interlocuteurs des Départements, retranchés derrière la sacro-sainte réglementation venue d’en haut, voudraient nous l’imposer…
Ne nous y trompons pas en effet, le problème du forfait Dépendance n’est pas réglementaire, il est politique. Au niveau de l’État comme au niveau des Départements, ce sont des choix politiques qui nous sont imposés. Ces choix sont principalement économiques : il faut réduire la dépense publique ! Soit dit en passant, ce propos est insupportable pour beaucoup d’entre nous. Car derrière cette expression désincarnée, ce sont bel et bien des agents publics, tous statuts confondus, qui sont visés. On oublie allègrement que ces mêmes agents cotisent, paient des impôts, créent de la richesse, font travailler des indépendants, des PME et des grandes entreprises, permettent à des aidants de retourner dans l’emploi etc.
Dans un article publié le 7 mars « Forfait Dépendance et reste à charge en EHPAD : Le CHFO dénonce l’asphyxie des établissements ! » nous expliquions :
« Dans un contexte marqué par la baisse de plus de 11 milliards pour 2015/2017 de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) que l’Etat verse aux collectivités et de la poursuite du plan ONDAM triennal d’économies de 3 milliards, les dotations aux établissements sont en sensible diminution !
Dans certains départements, les collègues nous ont signalé que le forfait Dépendance allait probablement diminuer de près de 30%.
Or la Section Dépendance finance en moyenne à 90% des dépenses de personnel : 30% des ASH, 30% des AS/AMP, 100 % des psychologues.
Cette « réforme » impactera essentiellement la masse salariale et donc les effectifs (seule variable d’ajustement) auprès des résidents. »
Les conséquences se concrétisent.
Cité par l’APM, Le président de la Conférence nationale des directeurs d’établissements pour personnes âgées et handicapées (CNDEPAH), a aussi « [alerté] », dans un communiqué publié le 19 mai, « sur la situation critique des Ehpad » publics.
Il prend l’exemple d’un « Ehpad public autonome du département des Hauts-de-Seine dont le point moyen est 7.05 pour 2017″. Il verra « son forfait diminué de 174.000€ sur 7 ans, représentant une perte d’environ 5 ETP d’aide-soignant », calcule-t-il, avant de détailler les « possibilités pour cet établissement, comme pour tous ceux qui entreront dans la convergence«
La FHF dans un communiqué du 19 mai déclare : « Il est impossible et inéquitable d’appliquer une stricte logique comptable aux établissements, déconnectée des politiques impactant le secteur et des besoins réels des personnes accompagnées par les professionnels.
A la baisse drastique des dotations soins se conjugue la mise en place, par décret, d’un forfait dépendance basé sur la valeur d’un point départemental calculé sur les charges moyennes constatées dans l’ensemble des EHPAD du département, ce quel que soit leur statut, alors qu’encore une fois les règles de l’emploi public,
Les résultats des études d’impact de la FHF sur la mise en place du forfait dépendance confirment un niveau absolument sans précédent de convergence, dont les répercussions seront extrêmement graves pour notre service public destiné aux personnes âgées sur tout le territoire.
La conséquence directe de cette convergence : une perte de recettes pour les établissements publics estimée à plus de 200 M€… ce sont des milliers d’emplois auprès des personnes âgées qui disparaitront…
…Devant ces constats et afin d’éviter ces graves conséquences, la FHF demande à ce que soit mis en place un moratoire sur la réforme de la tarification des Ehpad.
Compte-tenu de la gravité de la situation, le CHFO craint que la demande de mise en place d’un moratoire ne soit qu’un sursis accordé aux établissements !
Le CHFO ne peut cautionner une réforme qui aboutirait à supprimer des emplois dans les HEPAD publics, ce qui nuit gravement à la qualité et à la sécurité de la prise en charge des résidents ;
Le CHFO, comme sa Fédération et sa Confédération, revendique l’application du Plan Solidarité Grand Age qui prévoit un ratio d’un agent par résident !
Le CHFO demande la suspension de la mise en œuvre de cette réforme et l’ouverture de nouvelles discussions !