Les patients opérés de cancers du pancréas n’ont pas les mêmes chances de survie en fonction des établissements où ils sont opérés. On meurt pratiquement 2 fois plus du cancer du pancréas dans les hôpitaux à faible volume chirurgical en France, révèle une nouvelle étude[1] menée par le CRHU de Lille et qui sera présentée au 119e congres de l’association francaise de chirurgie.
La corrélation mortalité/volume d’opérations est démontrée
Une nouvelle étude réalisée par le CHRU de Lille à partir de données de 12 333 patients opérés de résection pancréatique de 2012 à 2015 en France, montre que la prise en charge d’une opération du pancréas par un centre où sont réalisées moins de 20 opérations par an augmenterait le risque de mortalité de 71%[2].
L’étude a en effet comparé la mortalité à 90 jours au nombre d’opérations chirurgicales du pancréas (très faible<10 résections par an, faible:10-19, moyen:20-49 et haut≥50). Le taux de mortalité « moyen » observé à 90 jours est de 6,9%.
La mortalité est significativement supérieure dans les centres à très faible et faible volume avec 9,1% et 8,1% par rapport aux centres à moyen et haut volume 5,8%, et 4,8%.
Même chez les patients à faible risque : la mortalité était significativement plus élevée dans les centres réalisant moins de 20 opérations par an : 6,2%, par rapport aux centres à moyen et haut volume 3,5% réalisant plus de 50 opérations. La mortalité après chirurgie pancréatique est étroitement corrélée au nombre d’opérations réalisées par le centre indépendamment des complications des patients. Cette corrélation avait également été établie pour les opérations du cancer de l’œsophage, en 2015 par le Pr Christophe Mariette du CHRU de Lille.
Le Pr Farges de l’hôpital Beaujon avait il y a quelques années, démontré à partir des données nationales du PMSI qu’un malade atteint d’un cancer du pancréas initialement pris en charge dans un établissement peu spécialisé (<25 cas par an) avait moins de chance d’être opéré, faute d’expertise et d’équipements nécessaire sur place.
« La majorité des hôpitaux et des cliniques français opèrent moins d’une vingtaine de ces malades par an », indique le Pr Patrick Pessaux à l’IHU de Strasbourg et Secrétaire général de l’AFC « même si le cap de 50 opérations annuelles semble nécessaire pour atteindre une certaine sécurité dans le diagnostic et le geste, d’autres critères doivent être intégrés».
Le volume des opérations ne doit pas être le seul critère d’évaluation d’un centre
Le volume d’activités en soi n’est probablement pas suffisant pour garantir une qualité absolue mais il conditionne d’autres critères de qualité comme la formation du personnel soignant ou l’équipement technique de l’établissement. Certaines pratiques de classification existent déjà en Europe : les Pays Bas demandent un diplôme spécialisé supplémentaire pour opérer les cancers du rectum. La Norvège a restreint le nombre de centres pouvant opérer des cancers de l’ovaire.
« Il est nécessaire d’avoir une plus grande visibilité et un référencement sur la spécialisation des établissements de santé », continue Patrick Pessaux. «Sans tomber dans des classements simplistes des établissements de santé, davantage de transparence est nécessaire, fondée sur des résultats factuels médicaux et sur la qualité de la prise en charge du parcours de soins. La majorité des patients ignorent ces chiffres. Ils doivent avoir la possibilité de choisir leur établissement en toute connaissance. C’est une démarche vertueuse d’amélioration de la qualité. »
[1] Etude réalisée en 2017 au CHRU de Lille par M. El Amrani 1,*, G. Clément 2, L. Xavier 2, L. Claire 2, T. Didier 2, P. François-René 1, T. Stéphanie 1 1Département de chirurgie digestive et transplantation – Lille (France), 2Département de l’information médicale – Lille (France)
[2] idem