À propos de la dépénalisation de la consommation de cannabis : des effets produits connus ; l’ANM met à nouveau en garde.
J-P. GOULLÉ*, J. COSTENTIN*, C.-P. GIUDICELLI*, J.-P. OLIÉ*
au nom de la commission V (Santé Mentale-Neurosciences-Addictions)
Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts avec le sujet abordé.
L’Académie nationale de médecine (1,2) a déjà insisté auprès des pouvoirs publics et de la société en général pour dénoncer les risques avérés liés à l’usage du cannabis.
Il nous parait utile de souligner les informations suivantes :
1) Au cours des 30 dernières années, la teneur du cannabis en son principe actif le tétrahydrocannabinol a été multipliée par un facteur 6,5 ce qui amplifie ses effets en particulier cardiovasculaires (artérites, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux…) et surtout neuropsychiatriques (aigus : ivresse, désinhibition, accidents de la voie publique ; chroniques : troubles des apprentissages, apathie, transition, induction, décompensation ou aggravation psychotique, troubles anxieux et troubles thymiques…).
2) Il est établi que les altérations cérébrales objectivées en neuro-imagerie et les effets psycho-cognitifs délétères du cannabis sont d’autant plus importants que sa consommation débute à un âge plus précoce. Or, il s’avère qu’en Europe les jeunes français sont les plus grands consommateurs : la question du lien entre cette consommation intensive de cannabis et la mauvaise position de la France au classement PISA (26ième) des performances éducatives mérite d’être posée.
3) Le lien entre consommation de cannabis et conduites à risque avec conséquences mortelles lors d’accidents de la voie publique est désormais connu.
La demande d’une dépénalisation de la détention de cannabis se fait de plus en plus insistante ; en même temps les réserves, jusque-là acceptées, sur son usage thérapeutique sont régulièrement contestées.
L’Académie redoute que, si de telles mesures étaient prises, elles soient interprétées comme un message de tolérance, voire d’incitation à l’usage du cannabis par les adolescents et préadolescents.
On connait les effets produits par une telle dépénalisation du cannabis dans plusieurs états des Etats-Unis :
– Dès 2015 (3), il était établi que l’autorisation d’usage du cannabis à des fins médicales était responsable chez les sujets de 12 à 20 ans d’une augmentation de l’initiation à la drogue. Ceci a été confirmé dans 39 Etats américains (4) : le nombre de consommateurs est passé de 5,55% à 9,15% dans les 15 Etats concernés contre 4,5 à 6,7% dans les 24 Etats où la drogue est restée illicite.
– Dans l’état de Washington, en 2014, le nombre de conducteurs sous l’emprise du cannabis tués dans un accident mortel de la circulation a plus que doublé après la légalisation de la drogue (5).
– Dans le Colorado, les décès liés à cette drogue ont augmenté en moyenne de 48% sur trois ans (2013-2015), comparativement à la période antérieure (2010-2012).
Chez les adolescents la conscience du risque encouru est associée à une réduction des consommations, c’est un fait démontré (6).
L’Académie nationale de médecine met de nouveau en garde les pouvoirs publics sur les conséquences d’une dépénalisation. Elle réitère ses recommandations pour une mise en uvre d’intenses campagnes d’information à destination des parents, des éducateurs et des personnels enseignants. Elle suggère que l’information des jeunes, en particulier des adolescents, sur les risques liés à l’usage du cannabis soit érigée en une priorité nationale : les moyens modernes de communication tels que les réseaux sociaux doivent être utilisés pour cela. Le nouveau service national qui se met en place est une opportunité à ne pas manquer pour avertir les jeunes en y faisant intervenir des acteurs motivés des filières de Santé.
RÉFÉRENCES
[1]À propos de l’expansion de la consommation de cannabis, 25 mars 2014.
[2]Les dangers de l’usage de cannabis : mise en garde de l’Académie de médecine, 21 décembre 2017.
[3]Wen Het al. The effect of medical marijuana laws on adolescent and adult use of marijuana, alcohol, and other substances.J Health Econ. 2015 ;42 :64-80.
[4]Hasin DS et al. US Adult Illicit Cannabis Use, Cannabis Use Disorder, and Medical Marijuana Laws: 1991-1992 to 2012-2013.JAMA Psychiatry. 2017, 74: 579-588.
[5]DuPont RL et al.Implement Effective Marijuana DUID Laws to Improve Highway Safety. Institute for behavior and health. 2016.
[6]Johnston, LD et al. Monitoring the future: national survey results on drug use, 19752009 Volume I: secondary school students. Natl. Inst. Drug Abuse; 2010. NIH Publ. 107584
* Membres de l’Académie nationale de médecine.
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