Discours du Président Philippe VERMESCH, prononcé le 13 octobre lors de l’ouverture du 9ème congrès du SML à Opio-en-Provence, sur le thème du « Médecin manager de santé ».
Monsieur le Directeur Général de l’UNCAM,
Monsieur le Directeur de la DRESS,
Monsieur le Député,
Monsieur le Directeur Général de l’ARS de Corse,
Monsieur le Conseiller médical,
Monsieur le Directeur de la CPAM des Bouches-du-Rhône,
Monsieur le Président de la FHP, mon cher Lamine,
Messieurs les Présidents de Syndicats,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis, consœurs et confrères, cadres et adhérents du SML,
En premier lieu, je tiens à vous remercier d’être présents à Opio.
Tout d’abord, merci à nos intervenants, qui ont accepté de venir exposer leurs projets et leurs idées, mais aussi de se confronter aux convictions libérales portées haut et fort par le SML.
Je regrette cependant que la ministre de la Santé n’est, cette année encore, pas pris le temps de venir s’adresser aux cadres et adhérents du SML. Notre déception est d’autant plus grande que, cette année, notre syndicat ayant rejoint la convention médicale, nul obstacle ne pouvait être prétexté. Mais, sans doute, au ministère préfère-t-on s’attarder auprès de ceux qui ont déjà fait le deuil de la médecine libérale en conduisant la rémunération à l’acte et l’indépendance du médecin au bûcher de leur propre vanité.
Qu’importe ! Ce qui compte, est ce qui se passe ici et maintenant.
Le SML est en ordre de marche, et je remercie chacune et chacun d’entre vous d’avoir pris sur votre temps d’exercice, sur vos loisirs et votre famille pour venir ici, à Opio, pour réaffirmer votre attachement à une médecine résolument libérale et entrepreneuriale.
Opio, c’est ici que le fondateur du SML, Dinorino Cabrera avait jeté l’ancre pour y tenir nos premiers congrès. Je le salue amicalement et affectueusement en lui disant que les valeurs fondatrices du syndicat sont plus que jamais d’actualité et que nous les portons avec fierté et conviction. Le SML est pas un syndicat à géométrie variable, n’en déplaise à certains !
Il y a un an, nous nous posions la question du retour du SML dans la convention médicale. Le conflit avec Marisol Touraine derrière nous, et un nouveau gouvernement aux manettes plusieurs signes montraient qu’un chemin était ouvert :
- Plusieurs de nos idées avaient été reprises par le Gouvernement dans le plan territorial d’accès aux soins. Un plan qui, il faut le souligner, résiste aux appels des élus locaux et préserve la liberté d’installation
- L’obligation du tiers payant généralisé de Marisol Touraine dont nous réclamions la suppression a été remisé
- Quelques moyens financiers supplémentaires en direction des soins de ville ont été affichés avec un Ondam de ville supérieur à celui de l’hôpital
- Le virage de la prévention dans la politique de santé.
Malgré la persistance de quelques différents, ces premières avancées nous ont permis de rejoindre la convention en janvier. Et nous n’y sommes pas restés les bras croisés.
Depuis le début de l’année, le SML a signé plusieurs avenants conventionnels permettant :
- de compenser la hausse de la CSG,
- de permettre aux radiologues de conclure un pacte pluriannuel les préservant des raids tarifaires brutaux,
- de mettre en œuvre la télémédecine. Sur ce dernier point, il s’agit d’une première étape et nous continuons de réclamer une tarification plus attractive.
Nous avons travaillé à la révision des critères de la ROSP lesquels, établis auparavant et sans nous, ont conduit à la catastrophe à laquelle nous avons assisté en juin. Et ce chantier n’est pas terminé car nous estimons que cette rémunération ne doit pas être bricolée, et au-delà qu’elle doit s’étendre à toutes les spécialités. Personne ne comprend les raisons pour lesquels la ROSP ne serait pas généralisée, surtout lorsque la ministre de la Santé nous explique qu’elle compte mettre en œuvre une vaste politique de prévention.
Les prochaines étapes seront de continuer à défendre la valeur de l’acte et à veiller à ce que celui-ci reste majoritaire. Le SML n’est pas convaincu, contrairement à d’autres, qu’il soit possible d’être rémunéré majoritairement au forfait et somme toute d’une certaine manière à la capitation, tout en conservant notre statut libéral et notre indépendance.
Enfin, toujours sur le plan conventionnel et toujours contrairement à d’autres, nous n’avons pas vu disparaître l’article 99 qui reste le moyen, pour le directeur général de l’UNCAM, d’intervenir sur les tarifs d’imagerie sans passer par la case négociation. Cet article, je le signale, n’est toujours pas abrogé. Nous n’avons pas reçu de belles lettres, mais nous savons distinguer des promesses de la réalité. Et nous savons tous ici que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Voilà pourquoi le SML réclame la disparition de cet article. Et si comme vous aimez à le dire, Monsieur le directeur, il ne vous est d’aucune utilité, je ne vois pas l’intérêt de le conserver plus longtemps.
Je voudrais redire à nos consœurs et confrères médecins homéopathes que non seulement nous les soutenons face à la croisade infame dont ils sont victimes, mais que nous agissons pour le défendre.
Le fanatisme n’a pas sa place dans la médecine, qu’il s’agisse d’ailleurs d’homéopathie ou de vaccins.
Le SML défend une approche pragmatique de l’homéopathie qui rend service à de nombreux patients dans une approche thérapeutique spécifique. Mais surtout, retirer ces produits du remboursement serait un mauvais coup porté aux dépenses d’assurance maladie. Juste quelques chiffres : sur un marché français du médicament qui représentait 54,5 milliards d’euros en 2016, les 620 millions d’euros de l’homéopathie représentaient pour 1,13 % de ventes. En termes de remboursements par l’assurance maladie, il faut prendre la loupe : sur les 18,8 milliards d’euros remboursés en 2016, l’homéopathie représente 0,69 %, soit 55,7 millions d’euros, c’est-à-dire l’épaisseur du trait. Sur chaque tube de granule, l’assurance maladie rembourse environ 10 centimes et, dans l’absolu, prélève 50 centimes au titre de la franchise par tube, dans la limite de 50 euros par an. On peut donc dire que les médicaments homéopathiques sont d’abord une bonne affaire… pour la Sécu !
Si demain, l’homéopathie venait à être déremboursée, il y aurait un déport mécanique des prescriptions vers d’autres produits remboursés, anti-inflammatoires, antidépresseurs, etc. dont l’impact sur les dépenses se fera sentir à la minute même où la décision serait prise. Aussi la sagesse commanderait que les pouvoirs publics acceptent de regarder les études scientifiques produites par les homéopathes, et considèrent leurs intérêts économiques et ceux des patients à moins de vouloir faire plaisir aux laboratoires.
Le président de la République a dévoilé, il y a moins d’un mois, le contenu de sa réforme du système de santé « Ma santé 2022 ». Nous y avons vu différents points positifs et d’autres qui, selon la façon dont ils pourraient être concrétisés, seraient clairement une menace pour l’exercice libéral. Les points positifs concernent, au-delà du constat partagé, la volonté de construire une réforme autour des soins de ville en développant la coordination et en permettant un décloisonnement avec l’hôpital. Nous l’attendions tous.
La création des assistants médicaux imaginés par le SML constitue l’une des mesures phares de la réforme. C’est une mesure essentielle pour dégager du temps médical. Et puisque la valeur de l’acte ne permet plus aux médecins libéraux de sécuriser les embauches, nous avions proposé que ces postes soient financés dans le cadre d’un forfait structure. Nous souhaitons que ce dispositif concerne tous les médecins, quelle que soit leur spécialité en secteur 1 comme en secteur 2 et qu’il ne soit pas assorti de contraintes nouvelles. En outre, ce n’est pas parce qu’on créé des postes d’assistants médicaux qu’il faut en profiter pour relâcher l’effort de simplification et de désinflation des tâches administratives infligées aux médecins par les caisses.
Enfin, la réforme prévoit de rendre obligatoire l’exercice coordonné. Avec cela nous sommes d’accord, à condition de laisser aux praticiens « le choix des armes », si j’ose dire. Il nous semble réducteur de résumer la coordination aux seules CPTS. Et d’ailleurs, il ne suffit pas de créer une CPTS pour que, ô miracle, la coordination prenne corps.
Le SML considère que « couper les vivres » aux professionnels de santé qui n’exerceraient pas dans le cadre d’une CPTS alors que, par ailleurs, ils exerceraient de façon coordonnée dans une ESP, dans un cabinet de groupe pluridisciplinaire, dans une maison de santé pluridisciplinaire ou dans un pôle de santé, tout simplement, serait une erreur historique.
Il faudra du temps pour changer les mentalités alors que le travail coordonné est déjà une réalité dans de nombreux cas, même s’il n’a pas le visage des CPTS. Il est regrettable d’avoir attendu aussi longtemps pour qu’aboutisse, d’ailleurs, la négociation interprofessionnelle permettant de favoriser la coopération entre professionnels libéraux de santé. Le SML est signataire de l’ACIP car il acte la pluralité des formes d’exercice coordonnées. Et ce qui compte est le service et l’attention commune apportés au patient dans une prise en charge pertinente et efficace. Et nous espérons que le DMP que nous attendons depuis 22 ans ne viendra pas nous retarder.
En revanche, je le dis très clairement, les médecins ne veulent pas de CPTS ou de forme de structure qui se traduirait par l’instauration d’un fonctionnement technocratique dérivé du public et destiné à produire de la paperasse. Le temps médical et les ressources économiques sont trop précieux pour être gâchés à financer une machine à produire de l’administration. Les ressources doivent être dirigées sur les soins et les actes, et non pas sur la technocratie.
Nous ne voulons pas, et je le dis très clairement, que les CPTS soient l’instrument déguisé d’une étatisation du système de santé. Et pour finir sur la réforme, nous sommes très interrogatifs sur les moyens.
Les comptes de la Sécurité sociale sont en amélioration et pour ce qui concerne l’Assurance maladie, le déficit a été considérablement réduit pour revenir au niveau de 1999. Ce résultat n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de deux décennies de maitrise comptable. Avec pour résultat la casse de la médecine libérale, des actes sous valorisés, le découragement des médecins installés. Et au lieu de constater cette amélioration, on nous inflige pour l’an prochain une maitrise comptable encore plus dure.
La mise en œuvre d’une réserve prudentielle de 120 millions d’euros sur les soins de villes dans le PLFSS 2019 signifie :
- Que l’augmentation du sous-Ondam de ville censée permettre la mise en œuvre de la réforme est de la poudre aux yeux, puisqu’en réalité on ne nous donne rien !
- Que l’on renoue avec les enveloppes fermées et une maîtrise comptable dure.
La ministre de la Santé et celui du budget se sont alignés derrière la Cour des comptes, c’est en soi une première, puisque même Marisol Touraine à qui nous avions tant à reprocher ne l’avait pas fait !
Mais surtout, le compte n’y est pas et nous lançons un avertissement : il n’y aura pas de réforme sans moyens nouveaux. Ça suffit ! Les médecins ne financeront pas la réforme sur leurs propres revenus à travers le sacrifice de la valeur de leur rémunération. En tout cas le SML ne sera pas d’accord.
Dans les débats actuels qui entourent la réforme du système de santé, toutefois, un mot n’est pas ou rarement prononcé : celui d’entreprise.
Oui, nos cabinets médicaux sont aussi des entreprises et, si la promesse de développer des assistants médicaux est tenue, demain tous les médecins seront aussi des employeurs. En développant nos entreprises médicales, en interprofessionnel ou en mono-professionnel, nous devons inscrire le rendez-vous crucial de la mutation de notre métier dans la dynamique de la réforme. Demain encore plus qu’aujourd’hui le médecin libéral devra se penser comme un manager. Manager de son entreprise. Manager du territoire de santé qu’il anime avec d’autres professionnels et les établissements de soins. Manager des données de santé qu’il produit pour contrôler, par lui-même, l’efficience de ces pratiques. Et lorsqu’on parle d’efficience des pratiques, cela ne signifie pas « maîtrise comptable » des actes et réduction des actes, mais qualité des soins. Or la qualité a un coût, nous le savons tous.
Cette posture de manager est une posture que certains d’entre nous, ceux qui exercent sur les plateaux techniques lourds, connaissent bien. La culture du médecin manager doit aujourd’hui s’étendre à tous.
Si nous ne préemptons pas d’emblée cette position, d’autres s’en empareront, à commencer par les complémentaires ou les groupes industriels, si ce n’est l’État – à travers les ARS et les hôpitaux– qui reste en embuscade pour étatiser le système.
Au moment où le Gouvernement veut organiser le quadrillage des territoires avec, d’une part les libéraux regroupés au sein des CPTS, et de l’autre les hôpitaux au sein des GHT, nous devons nous frayer un chemin pour imposer le médecin libéral dans la gouvernance qui va naître au sein des territoires. Il est hors de question que se rejoue la marginalisation des médecins libéraux que nous avons connue lors de la création des CRSA. Je dis clairement, les médecins libéraux méritent mieux qu’un strapontin, et nous le revendiquons.
Voilà pourquoi il est urgent de se mobiliser.
Le SML, qui se bat pour assurer un avenir à la médecine libérale, veut offrir à tous, les outils pour que les médecins s’emparent de ce nouveau rôle de manager. C’est tout le sens du congrès que nous organisons ce week-end à Opio.
Merci de votre attention et bon Congrès à tous !
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