Mardi 4 Juin 2019, le Sénat a adopté, des amendements au projet de la loi Santé qui vont contraindre les étudiants en médecine à une dernière année d’étude en « autonomie » dans les zones sous médicalisées.
Les sénateurs souhaitent affecter les étudiants de médecine générale et de certaines spécialités comme la pédiatrie et l’ophtalmologie, pendant leur troisième année de formation, en autonomie complète, dans tous les territoires à faible densité médicale, sans tenir compte du fait qu’ils n’auront pas acquis l’ensemble des compétences permettant de garantir la sécurité des soins.
Si nous comprenons et partageons les légitimes préoccupations des élus de la nation concernant les questions d’accès aux soins en France, nous voulons alerter des conséquences qu’auront ces amendements, tant pour nos concitoyens que pour les étudiants.
Cette mesure ne prend pas en compte le fait que les internes sont des étudiants en formation et non des praticiens. L’exercice médical dans des zones sous-médicalisées, est certainement l’une des pratiques les plus complexes et les plus contraignantes. Ainsi, cet exercice médical pourrait exposer les patients à des risques non négligeables pour leur santé et confronter les internes, sans encadrement, à des difficultés auxquelles, sans expérience, ils ne sont pas préparés.
La Conférence des Doyens ne souhaite pas une offre de soins dégradée dans ces territoires et nous ne voulons pas exposer les étudiants à un stress qui pourrait nuire à leur exercice professionnel.
La Conférence des Doyens s’est engagée pour que les études médicales préparent mieux les jeunes médecins aux enjeux de demain. Nous avons la responsabilité d’une formation d’excellence, quelles que soient les spécialités et quels que soient les territoires. Cette formation doit garantir l’équité et la qualité des soins partout sur le territoire national.
- Nous avons proposé un amendement au projet de loi de santé afin de permettre à des étudiants souhaitant s’engager pendant leurs études à exercer à l’issue de leur formation dans des territoires en tension, et de le faire dans des conditions socio-économiques et professionnelles optimisées. Cette mesure doit permettre d’organiser plus facilement dans chaque territoire l’offre de soins, au plus près des besoins des citoyens. Nous espérons que le Gouvernement retiendra cette disposition qui répond aux attentes des territoires.
- Nous devons aussi favoriser la formation des étudiants dans des établissements, des maisons de santé et des cabinets libéraux de tous les territoires par un accueil pédagogique de qualité qui sera assuré par des maîtres de stage universitaires ambulatoires de médecine générale et d’autres spécialités de soins de proximité, comme la pédiatrie. Pour cela, il faut amplifier les dispositifs de soutien à la maitrise de stage et disposer de moyens de mise en œuvre adaptés.
- Le nombre d’étudiants en médecine qui a triplé en 10 ans, avec près de 9 000 médecins formés chaque année, doit permettre de recruter davantage d’assistants territoriaux universitaires de médecine générale et de spécialités de premier recours qui devront être répartis prioritairement dans les territoires en tension. Ces assistants territoriaux universitaires pourront exercer dans les hôpitaux et les structures de proximité pour améliorer l’offre de soins, en complément des différentes initiatives territoriales déjà soutenues par les collectivités.
Ces initiatives doivent apporter des solutions à court, moyen et long terme, sans dégrader la qualité de la formation et la motivation des jeunes médecins. Des mesures non concertées pourraient aboutir à une désorganisation de l’offre de soins, en particulier conventionnée, qui pénaliserait particulièrement les territoires en difficulté et conduirait à une perte d’attractivité des métiers de soins de proximité.
La Conférence des Doyens souhaite souligner sa responsabilité sociétale comme garante de la qualité de la formation médicale, ce qui est une priorité incontournable pour conserver l’excellence de la médecine française. Enfin, nous tenons à rappeler nos engagements pour que la formation réponde aux besoins légitimes de nos concitoyens.
Nicolas Merlet – nicolasmerlet@ortus-sante.fr
Françoise Millet – francoisemillet@ortus-sante.fr