Alors que s’annoncent les premières conclusions en vue du « Pacte pour l’enfance », l’Uriopss Île- de-France tient à rappeler la situation préoccupante des moyens permettant de protéger les enfants dans notre région.
Si la nomination d’un secrétaire d’État dédié témoignait d’un réinvestissement nécessaire de l’action gouvernementale sur ce sujet, seule une politique globale et large de l’enfance et de la jeunesse permettra de protéger tous les enfants qui doivent l’être.
Faire prévaloir l’intérêt supérieur des enfants devrait être la matrice de toutes les politiques publiques
Face au risque de voir s’aggraver encore les inégalités très présentes dans notre région, l’Uriopss Île- de-France réaffirme que l’État doit assumer son rôle de garant d’un socle commun de protection des enfants et des jeunes. Sans nier la capacité d’initiative des territoires, l’État doit garantir l’égalité républicaine et l’application réelle de la Convention internationale des droits de l’enfant, à l’approche de son trentième anniversaire.
Ces droits demandent une cohérence de l’action publique des services de l’État, de ceux des collectivités territoriales et, plus globalement, une cohésion de tous les acteurs qui agissent auprès des enfants notamment pour assurer :
- le droit à la santé de tous les enfants pris en charge au titre de l’Aide sociale à l’enfance, quelles que soient leurs modalités d’accueil,
- le droit à l’éducation de tous les enfants, en particulier pour les enfants handicapés ou face aux risques de ruptures de scolarisation des enfants placés,
- le droit à grandir en sécurité dans un environnement stable.Pour cela, des moyens correspondant aux besoins constatés, une co-construction de l’action publique avec les associations engagées et la formation initiale et continue de tous les professionnels afin qu’ils agissent ensemble sur des bases communes sont une nécessité.
S’opposer aux reculs de la prise en charge des jeunes majeurs
Alors qu’elle devait renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables, la proposition de loi Bourguignon cristallise toutes les déceptions. Sa version adoptée le 7 mai par l’Assemblée nationale tourne le dos aux engagements du Président de la République de mettre fin aux « sorties sèches » de l’Aide sociale à l’enfance. Tel quel ce texte ouvrirait la voie à une régression des modalités de protection des mineurs vulnérables.
Contrairement aux ambitions annoncées – « L’État [prendra] toute sa place pour garantir les droits de chacun et assurer une harmonisation des pratiques » – force est de constater le décalage entre les engagements présidentiels et l’action gouvernementale. En effet, sans mesures réelles d’accompagnement des jeunes majeurs, sans budget conséquent pour mettre en œuvre les suivis et avec la restriction de fait du nouveau dispositif aux jeunes déjà suivis depuis l’âge de 16 ans, c’est la fin de tous les contrats jeunes majeurs actuels qui se profile.
Cela entrainerait un recul des prises en charge, notamment pour les mineurs non accompagnés et les jeunes femmes enceintes ou mères célibataires. Aussi, l’Uriopss Île-de-France sera particulièrement attentive à la prise en charge globale des mineurs vulnérables de plus de 16 ans.
Ces évolutions négatives sont à rapprocher des pistes évoquées de la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 qui remettraient en cause les principes adoptés alors. En Île-de-France aujourd’hui, la justice des mineurs est particulièrement sinistrée et ce dans toutes ses dimensions.
Considérer les mineurs isolés avant tout comme des enfants
Le décret du 30 janvier 2019 a instauré un fichier national de recensement des demandes provenant des mineurs non accompagnés, mais surtout une transmission de ces demandes aux services des préfectures en charge de la lutte contre l’immigration clandestine.
Le réseau Uriopss / Uniopss s’est opposé, dès l’origine, à ce décret et à sa philosophie. Ce dernier conduit à dénaturer la prise en charge des mineurs qui doivent avant tout être considérés comme des enfants à protéger. Il fragilise aussi grandement leur situation sur le territoire national, en rendant plus difficile notamment les possibilités de recours s’ils veulent contester une reconnaissance de majorité. Rien n’assure aujourd’hui de la bonne compréhension par le jeune des différentes procédures engagées et de ses possibilités de s’y opposer. Les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés sont ainsi fortement amoindris.
Cette situation est particulièrement sensible dans notre région. L’Uriopss Île-de-France soutient les départements qui s’engagent dans une étanchéité des procédures relevant de la protection de l’enfance et celles relevant de la politique migratoire.
Sortir des disparités territoriales en Île-de-France et des injonctions imposées aux seuls jeunes accompagnés
Les besoins sont pourtant criants. La région francilienne est aujourd’hui marquée par de profondes disparités territoriales : si certains jeunes majeurs de l’Aide sociale à l’enfance ont été accompagnés jusqu’à 21 ans à Paris, dans le Val-de-Marne ou en Seine Saint-Denis, plusieurs autres départements franciliens ne signent quasiment plus de contrats jeunes majeurs.
De même, on ne peut demander aux jeunes majeurs suivis de se projeter de manière assurée, avant leurs 18 ans, dans un parcours d’autonomie et de vie alors que de telles demandes ne sont pas formulées pour l’ensemble des jeunes de leur âge. Par ailleurs, l’Uriopss Île-de-France questionne la pertinence de la limite d’une prise en charge jusqu’à 21 ans seulement des jeunes en situation de vulnérabilité. Ce seuil est en inadéquation profonde avec la réalité de l’âge moyen de décohabitation de l’ensemble des jeunes (23,6 ans en 2018) et avec leurs besoins fondamentaux. Injustifiable dans une logique de parcours, ce seuil d’âge couperet impose une inacceptable injonction à l’autonomie pour les jeunes les plus fragilisés.
Grâce aux prises de position de l’Uniopss, les associations du champ de la protection de l’enfance ont déjà exprimé ces préoccupations et ces alertes au niveau national. À l’échelle francilienne, nous continuerons à y accorder la même vigilance. À la fin 2019, avec les associations adhérentes, l’Uriopss Île-de-France fera un premier bilan de la mise en œuvre des mesures annoncées et de leur effectivité sur les territoires franciliens.