Lettre ouverte à la Ministre des Solidarités et de la Santé
A partir du 1er janvier 2020, l’Etat mettra-t-il en insécurité juridique les équipes opératoires en France ?
Madame la Ministre,
Dans 19 jours, l’entrée en vigueur du décret « mesures transitoires » du 28 juin 2019 concernant les infirmier(e)s de bloc opératoire va entraîner de graves perturbations et une insécurité juridique dans les blocs opératoires.
Aujourd’hui ce sont les infirmier(e)s diplômés d’Etat (IDE) qui, majoritairement, réalisent les aides opératoires et l’instrumentation dans un grand nombre de blocs opératoires. Le nombre d’infirmiers et infirmières diplômés IBODE (Infirmier de Bloc Opératoire Diplômé d’Etat), est aujourd’hui très largement insuffisant dans les hôpitaux et les cliniques pour permettre de prendre en charge en chirurgie réglée et en chirurgie urgente tous les patients.
Depuis la publication le 29 janvier 2015 d’un décret reconnaissant l’exclusivité de certains actes devant être réalisés par les seuls IBODE, nous n’avons eu cesse d’alerter les pouvoirs publics afin de trouver des solutions réalistes et pragmatiques nécessaires et indispensables à la poursuite de l’activité opératoire. Les mesures transitoires prévues par le décret du 28 juin 2019 ne le permettent pas et aggravent la situation.
En donnant la possibilité aux IDE d’effectuer seulement 3 des actes exclusifs IBODE, on se trompe totalement, ceci ne correspond pas à la pratique chirurgicale de l’installation du patient jusqu’à la fin de l’intervention.
En raison du nombre très insuffisant d’infirmières IBODE, si au 1° janvier nous appliquions le décret, nous ne pourrions plus prendre en charge la majorité des patients, que ce soit en urgence ou en activité réglée.
Faudra-t-il braver la loi pour ne pas pénaliser les patients et continuer l’activité opératoire ?
Faudra-t-il s’affranchir du cadre légal pour opérer les urgences chirurgicales ?
A partir du 1er janvier 2020, la responsabilité des chirurgiens pourrait ne plus être assurée, comme les assureurs en charge de notre responsabilité civile professionnelle le confirment.
A quelques jours de cette échéance, l’insécurité juridique déstabilise profondément les équipesopératoires. Elle est intolérable pour les patients, les personnels et les chirurgiens. Elle est fortementanxiogène pour toutes les équipes opératoires des hôpitaux et des cliniques. Cette situation invraisemblable est la pleine responsabilité de l’administration de la santé.
Madame la Ministre, dans un contexte difficile la sérénité au bloc opératoire est indispensable à la qualité et à la sécurité des soins que nous devons aux patients.
Les plannings des équipes chirurgicales, les programmes opératoires, les tableaux d’astreinte et de gardesont déjà établis… L’application en l’état des mesures transitoires prévues par le décret va déstabiliser toute cette organisation. Il faut permettre aux IDE de poursuivre toutes leurs activités qu’elles effectuent avec expérience et compétence.
Notre responsabilité est de pouvoir maintenir l’activité opératoire tout en soutenant la valorisation du métier d’infirmier de bloc opératoire.
Dans l’intérêt des patients, des équipes chirurgicales, et de tous les infirmiers de bloc opératoire, il est impératif, Madame la Ministre, de réunir avant le 1er janvier 2020 des conditions juridiques permettant la poursuite de l’activité opératoire. Nos organisations sont à votre entière disposition pour trouver les solutions pérennes et pragmatiques pour résoudre cette crise.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.
- Dr Philippe CUQ, Président de l’UCDF – Co-Président du BLOC
- Dr François HONORAT, Président de l’AAL – Co-Président du BLOC
- Dr Bertrand de ROCHAMBEAU, Président du SYNGOF – Co-Président du BLOC
- Dr GABRIEL SAIYDOUN, Président du CNJC
Contact presse : Christine MORGES – christinemorges@yahoo.fr