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L’OTMeds, le CIH, le CIU et Aides écrivent au conseil scientifique conseillant le gouvernement sur la réponse à apporter au COVID-19 (Courrier)

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Quatre organisations (le Collectif Inter-Urgences, le Collectif Inter-Hôpitaux, Aides et l’Observatoire) écrivent au conseil scientifique conseillant le gouvernement sur la réponse à apporter au COVID-19. Elles lui demandent des recommandations sur les pénuries et tensions de médicaments essentiels. Voici leur courrier :

« Aux membres du comité scientifique sur le COVID-19

M. Jean-François Delfraissy
Mme Laëtitia Atlani-Duault
M. Daniel Benamouzig
Mme Lila Bouadma
M. Simon Cauchemez
M. Pierre Louis Druais
M. Arnaud Fontanet
M. Bruno Lina
M. Denis Malvy
M. Yazdan Yazdanapanah
M. Franck Chauvin

Objet : Pénuries de médicaments, avis urgent du comité scientifique

Paris, le 10 avril 2020

Mesdames, Messieurs les membres du comité,

Nous vous sollicitons afin que vous émettiez un avis et des recommandations sur la prévention et la gestion des pénuries de médicaments. Les tensions actuelles sur de nombreuses molécules – sédatifs, curares, antibiotiques, notamment – sont dans certains cas si graves qu’il convient bien de parler de pénuries. Elles augurent d’un accès limité aux traitements actifs contre le virus s’ils sont rapidement trouvés.

Contrairement aux engagements pris par le gouvernement en faveur d’une communication transparente, aucune annonce officielle sur les mesures prises n’a été faite. Les ministères et leur cabinet ne répondent pas à nos sollicitations, ni aux propositions de pistes de travail que nous leur fournissons – par exemple des contacts de producteurs que nous savons disponibles, prêts à exporter vers la France, et qui ne semblent pas encore avoir été contactés.

Le gouvernement s’en est peut-être emparé, il travaille peut-être à des solutions à moyen et long terme, mais ne le fait pas savoir. La réalité de terrain qui s’aggrave, la vision à court terme des stocks et des livraisons donnent cependant le sentiment que l’action gouvernementale est, depuis quinze jours que l’alerte a été donnée, limitée à une répartition des stocks au coup par coup, et des conseils pour économiser ou remplacer des produits, sans stratégie au long terme. Il en est de même pour les recommandations de la commission européenne présentées le 8 avril.

Les conséquences sont d’ores et déjà dramatiques. Les économies et utilisation de substituts amènent à un rabaissement du standard de soins qui éprouve familles et soignant-es. Une mort digne, sans souffrance, n’est plus garantie dans certains services. La répartition à vue des stocks entraine un effet domino avec des tensions de médicaments ou des pénuries non plus seulement en réanimation, mais aussi en soins palliatifs, en gériatrie, dans les EPHAD, en pharmacie de ville. Les alertes concernent aussi des médicaments comme le Kaletra, antirétroviral utilisé dans la prise en charge du VIH, et qui se retrouve en tension du fait de l’accroissement de la demande dans le cadre d’essai contre le virus du COVID-19.

Votre avis est nécessaire, car les recommandations existantes (OMS, 2016 ou l’avis du CCNE du 13 mars 2020), bien qu’indispensables, sont insuffisantes : elles se concentrent sur la gestion éthique de la pénurie. Il est nécessaire de conseiller l’action gouvernementale en ayant expertisé l’ampleur du problème et de ses causes.

La hausse exponentielle de la demande mondiale est bien évidemment un facteur conjoncturel qui explique ses pénuries. Mais ne s’en tenir qu’à cette réalité, indéniable, pour justifier de simples mesures de répartition des stocks en attendant une baisse de la demande, c’est négliger que ce facteur conjoncturel se greffe sur un contexte de vulnérabilité et de dépendance de la France et de l’Europe en matière de production de médicaments. Nous sommes dépendant-es à 80 % de l’étranger, notamment de la Chine et de l’Inde pour la production de matières premières et de médicaments. Des solutions viables ne peuvent ignorer ce fait, pas plus qu’elles ne peuvent ignorer la nécessité d’une coopération européenne, pour le moment quasi-inexistante.

Il nous semble donc essentiel d’émettre un avis et des recommandations gouvernementales, d’une part sur les réponses à court terme, en réaffirmant notamment les principes éthiques qui doivent gouverner la gestion des pénuries ; mais aussi en expertisant la situation mondiale, le marché du médicament et de la matière première pour proposer les conduites à tenir concernant l’identification de producteurs disponibles, le recueil et la centralisation des stocks et des besoins, la planification des réponses, la stimulation de la production locale — autant d’actions qui nous semble indispensables de placer sous le signe des réquisitions.

Cet avis devrait sécuriser les prises en charge dans les services de réanimation comme dans ceux de soins palliatifs mais il permettrait de plus l’accès large aux molécules éventuellement efficaces pour le traitement du COVID (Tociluzimab, Anakinra…)

Nous tenons à votre disposition documentation et interlocuteur-rices pour nourrir votre réflexion.

Nous vous remercions de votre attention et vous prions d’agréer l’expression de nos salutations distinguées,

OTMeds – CIH – CIU – Aides »

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