Depuis le début de la crise sanitaire en mars, les médecins généralistes se sont mobilisés et organisés pour pouvoir faire face et continuer à accompagner leurs patients dans les meilleures conditions possibles. Au printemps la crise a eu un impact financier important pour tous les médecins généralistes, installés comme remplaçants.
C’est pourquoi, en mars dernier, le Ministre de la Santé annonçait que l’ensemble des professionnels de santé libéraux bénéficieraient d’une indemnisation de leur perte d’activité liée à la crise sanitaire Covid-19 (confinement et réorganisation des soins). Depuis, un mécanisme d’indemnisation a été mis en place pour les médecins installés libéraux.
Mais rien pour les remplaçants alors que leur précarité a été soulignée il y a déjà plus de 8 mois. ReAGJIR, le syndicat représentatif des jeunes généralistes (remplaçants, installés depuis moins de 5 ans et universitaires), fait le point sur une situation révoltante.
Combien sont-ils ?
C’est le cœur du problème. Combien sont-ils ces remplaçants ? « Trop nombreux quand il s’agit de débattre de la démographique médicale et du manque de médecins installés, 10 000 selon les députés. Par contre, a priori pas assez nombreux pour être pris réellement en considération par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM). Les remplaçants, bien qu’ils soient essentiels au bon fonctionnement de notre système de soins, semblent être dans le cas présent une quantité négligeable », déplore le Dr. Laure Dominjon, Présidente de ReAGJIR.
« En réalité peu ou pas de données fiables sont disponibles pour répondre à cette question. » Et c’est là que réside le problème : leur chiffre d’affaires et leur taux de charge n’étant pas initialement connus de la CNAM, il n’a toujours pas été mis en place à ce jour de mécanisme d’indemnisation de leur perte d’activité comme pour les médecins installés.
Dès le constat que la situation financière des remplaçants était fortement touchée par la crise sans pouvoir recourir aux aides proposées aux médecins installés, ReAGJIR a alerté le ministère de la Santé et la CNAM. Depuis avril, le syndicat échange régulièrement avec les équipes de la CNAM et du Ministère concernant la mise en place d’un dispositif équivalent pour les médecins remplaçants. En mai, une première étape est franchie avec la modification de la clause « du chiffre d’affaires mensuel moyen », rendant le Fonds de Solidarité plus accessible.
Lors d’une commission paritaire nationale en juin, a été validée la mise en place d’un dispositif pour les remplaçants, sur le même principe que pour les médecins installés.
Comme il existait des difficultés techniques concernant la récupération des informations nécessaires (chiffre d’affaires et taux de charges annuels des médecins remplaçants) pour la mise en place de ce dispositif, il avait été proposé de compiler ces informations auprès de l’ACOSS[1] et des AGA[2]. « En juillet, il était convenu de nous présenter rapidement les chiffres extraits de ces organismes, et le mécanisme d’indemnisation proposé. En septembre, après relance, nous avons été informés qu’il existait toujours des difficultés pour obtenir les chiffres nécessaires et qu’aucun mécanisme n’était en fait prêt à être discuté, rapporte le Dr. Laure Dominjon.
Il y a eu, c’est vrai, de nombreux remaniements au Ministère de la Santé et à la CNAM ces derniers mois. Néanmoins on peut se demander comment, après plus de 8 mois, ces données ne sont toujours pas intégrées pour proposer une ébauche de dispositif ? Comment expliquer, alors que le Ministère et la CNAM s’y étaient engagés, que rien ne soit encore prêt ? »
Il est temps d’avancer !
Enfin en ce début décembre, une « vraie » réunion a eu lieu, première depuis juin, avec les nouveaux collaborateurs de la CNAM : des avancées ont été faites mais le projet reste encore timide. Des réflexions autour du dispositif ont été présentées à ReAGJIR mais aucun calendrier, et il reste encore de nombreux arbitrages à discuter.
« Certes, il y a des contraintes mais les données de référence pour l’année 2019 sont maintenant disponibles , il devrait donc être possible de proposer rapidement un dispositif ! D’autant que la mise en application ne sera pas instantanée. Les problèmes de trésorerie et de précarité des remplaçants restent plus que jamais d’actualité (cotisations reprenant avec reports conséquents car calculés sur les revenus 2019, activité raréfiée au printemps et pas toujours suffisante cet été…). Les remplaçants on besoin d’aide maintenant, pas dans 6 mois !
Il est temps d’avancer, en réfléchissant à un dispositif simplifié, adapté à la situation des remplaçants. C’est un vrai besoin mais aussi une question d’équité entre médecins », rapporte le Dr. Laure Dominjon.
« Les médecins remplaçants sont des effecteurs de soins et des professionnels de santé à part entière. Ils participent au système de soins, s’affilient à la convention médicale (sans en être signataires), respectent les contreparties fixées par celles-ci mais en retour n’en retirent que peu voire pas d’avantages. Les remplaçants sont des professionnels de santé au statut précaire, rappelle le Dr. Laure Dominjon.
Nombreux sont ceux qui se sont mobilisés pour venir soutenir les structures de soins ambulatoires, les centres ambulatoires Covid et les services hospitaliers lors de la première vague épidémique et répondent toujours présents aujourd’hui. Ces mêmes professionnels ont malgré tout vu leur activité largement diminuée (remplacements prévus annulés, absence de nouveau contrat, perte de revenus)[3] et se sont retrouvés dans des situations financières difficiles avec peu d’aides auxquelles ils étaient éligibles. »
Il faut rappeler que ce statut est une étape intermédiaire entre la fin des études de médecine et l’installation, le temps de maturer son projet d’installation et de découvrir les différents aspects de l’activité ambulatoire. La précarité de ce statut (faible protections sociale, revenus irréguliers, peu voire pas de trésorerie d’avance) ne précipite pas le projet mais peut le fragiliser, voire pour certains renoncer à l’activité libérale au profit du salariat ou d’une activité sans soins.
« Cette crise est révélatrice de la méconnaissance du statut de remplaçant et de la précarité dans laquelle se trouve cet indispensable professionnel de santé. Au-delà de ce constat, ce qui est choquant c’est le manque de considération et l’incohérence des messages. En 8 mois que s’est-il passé concrètement pour les aider ? Nous comprenons qu’il existe des contraintes mais ne serait-il pas temps d’avancer ? », interroge le Dr. Laure Dominjon. « Ce dossier doit être prioritaire au même titre que les autres. »
Contacts presse
Pauline SAINT-MARTIN – pauline.saintmartin.rp@gmail.com
Anne-Lise VILLET – annelise.villet.rp@gmail.com
Dr. Laure DOMINJON – president@reagjir.com