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Généraliser la détection du SARS-CoV-2 dans les eaux usées : « une mesure urgente en période de reflux épidémique », selon l’Académie de médecine (Communiqué)

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Dans la phase de régression actuelle de l’épidémie de Covid-19, tous les moyens doivent être mis en jeu pour surveiller la circulation du virus dans la population et détecter précocement d’éventuelles résurgences.

Les tests de dépistage (tests antigéniques et RT-PCR) permettent d’identifier les personnes infectées, de tracer les sujets contacts et de les isoler. Ces tests aident à quantifier l’incidence journalière des infections par le SARS-CoV-2 dans chaque département grâce au système d’information de dépistage (SI-DEP), mais avec un faible degré d’anticipation sur une possible reprise de l’épidémie.

En complément des marqueurs épidémiologiques de la Covid-19, l’analyse des eaux usées fournit un outil stratégique majeur permettant de pressentir un éventuel rebond épidémique. Mis en œuvre dès le mois de mars 2020, le réseau Obépine a été le premier à établir une corrélation entre les charges virales dans les eaux usées et les indicateurs épidémiologiques classiques [1].

En effet, le SARS-CoV2 se multiplie dans les entérocytes du tube digestif [2] et 30 à 50% des porteurs asymptomatiques éliminent momentanément le virus dans leurs selles. D’où l’intérêt de détecter son génome par RT-PCR dans les eaux usées. Chaque station d’épuration desservant plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers de foyers peut ainsi devenir un observatoire permettant de surveiller la circulation du virus sur l’ensemble du territoire.

Comme dans de nombreux pays [3-8], cette surveillance a été mise en place avec succès en France et couvre actuellement un tiers de la population, Il est possible, à faible coût, de suivre l’évolution du virus en mettant en réseau différents sites de prélèvement desservant une ville, un quartier, ou des ensembles homogènes de bâtiments.

La quantité d’acides nucléiques détectée est corrélée à la courbe d’incidence des cas : elle devance le début de la vague, accompagne son ascension et diminue avec sa régression [1,6]. Ce signal très spécifique a l’avantage majeur de précéder la détection des premiers cas symptomatiques de Covid-19 par les systèmes de santé, ce qui en fait un indicateur très précieux pour anticiper toute résurgence épidémique. De plus, l’utilisation de cet outil pourrait s’étendre à la détection d’autre virus saisonniers, comme les virus de la grippe, les rotavirus ou le virus respiratoire syncytial agent des bronchiolites.

Le projet Obépine a reçu de nombreux soutiens scientifiques, dont celui de l’Académie de médecine dès le premier déconfinement au mois de juillet 2020 [9]. De même, le Conseil Scientifique COVID-19, estimait au mois de mai 2021 que l’analyse des eaux usées dans les stations d’épuration se révélait être une « excellente sentinelle d’une reprise épidémique lorsque le niveau de circulation est bas, dans ce cas avant même les indicateurs épidémiologiques du type nombre de nouvelles infections quotidiennes » [10].

Conformément aux recommandations de la Commission Européenne, ce système pionnier devait être relayé le 1er octobre 2021 par la mise en place d’un nouveau dispositif de surveillance microbiologique dans les eaux usées (SUM’EAU) piloté par la Direction générale de la santé et la Direction de l’eau et de la biodiversité dans le but d’agréger les réseaux existants. Malheureusement, le report sine die du transfert menace d’interrompre le fonctionnement de ce système de surveillance dans une période au cours de laquelle il pourrait fournir un indicateur épidémiologique essentiel.

Devant cette situation préoccupante, l’Académie nationale de médecine recommande :

  • de maintenir le financement opérationnel du réseau Obépine jusqu’à la prise en charge effective de ses fonctions par SUM’EAU afin de ne pas suspendre la surveillance microbiologique des eaux usées actuellement déployée sur 200 stations d’épuration ;
  • d’étendre cette couverture par un maillage renforcé du territoire national, métropolitain et ultra-marin, en incluant les laboratoires vétérinaires départementaux d’analyses en association avec le Service d’assistance technique aux exploitants de station d’épuration ;
  • de fournir les moyens techniques, humains et financiers pour intensifier cette surveillance pendant la période de faible transmission du SARS-CoV-2 afin d’être en mesure de détecter au plus tôt tout foyer de reviviscence épidémique ;
  • de coupler systématiquement les tests RT-PCR avec des séquençages permettant d’identifier d’éventuels nouveaux variants ;
  • de constituer des banques de prélèvements pour permettre la réalisation d’analyses rétrospectives ;
  • de prévoir l’extension de cette surveillance environnementale à la détection d’autres agents infectieux épidémiques.

Contact :

virginie.gustin@academie-medecine.fr

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