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L’Académie nationale de Médecine souligne l’intérêt du concept de « réanimation d’attente », une nouvelle approche au plus près des patients âgés et de leur famille (Communiqué)

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La gestion de l’incertitude diagnostique, mais surtout pronostique, est au cœur du métier de médecin et nécessite une communication adaptée avec le patient et son entourage. L’objectif d’utiliser efficacement les ressources de santé et d’éviter les interventions inappropriées se heurte aux limites du pronostic, en particulier chez les patients âgés atteints de multiples pathologies et en situation d’urgence vitale.

Les soins critiques (réanimation, soins intensifs) offrent de multiples possibilités de prise en charge des défaillances d’organe mettant en jeu le pronostic vital. La décision d’admission pour ces soins repose alors sur une estimation de la probabilité de survie à distance, mais aussi de la qualité de vie espérée au décours de l’épisode aigu. Depuis plus de 40 ans, les médecins réanimateurs ont élaboré des scores de gravité permettant cette estimation. Ces scores intègrent certaines comorbidités, ainsi que des anomalies physiologiques, mais ne prennent en compte aucune variable dynamique de réponse aux traitements entrepris. En dépit de ces scores, la décision d’admission pour soins critiques est souvent rendue difficile par l’absence d’information sur l’état de base du patient, la non-présence de la famille, l’absence de directive anticipée, et surtout l’incertitude sur la réponse au traitement.

Afin d’éviter des pertes de chance pour des patients âgés pouvant bénéficier de traitements de réanimation et parce que « le doute doit bénéficier au malade », une approche de réanimation d’attente est proposée. Cette stratégie « plus ouverte à l’admission pour soins critiques » n’est possible que si la lourdeur des soins critiques mis en œuvre est revue peu après l’admission pour de tels soins. Certains aspects du traitement initial, comme l’intubation, peuvent être limités d’emblée, alors que d’autres traitements moins agressifs sont déclenchés dès l’admission. Quoi qu’il en soit, le projet de soin initial est rediscuté lors d’une rencontre d’écoute et d’échange avec la famille pour une décision éclairée et partagée, qui est organisée quelques jours après l’admission aux soins critiques. Les Anglo-Saxons utilisent le terme de « time-limited trial », qui insiste sur la période de durée limitée durant laquelle est effectuée une analyse dynamique de la réponse au traitement. Ce recul temporel permet aussi de recueillir des éléments d’information manquant initialement (antécédents, avis du médecin traitant), et de permettre à des experts externes de participer à la rencontre avec famille (gériatres, spécialistes d’organe).

Les modalités, le résultat et les conséquences de cette rencontre d’écoute, d’échange et de réévaluation doivent être précisés :

  • Délai depuis l’admission pour soins critiques. Chez les patients cancéreux, ce délai peut aller jusqu’à 2 semaines en fonction des conditions préexistantes et de la gravité de la maladie;
  • Modalités de réalisation de la rencontre de réévaluation (participants ; traçabilité des décisions prises) ;
  • Décisions prises quant à la poursuite ou non des soins critiques (soit limitation de traitement, comme la non-initiation d’une hémodialyse, soit arrêt de traitement, comme l’interruption des drogues vasoactives) ;
  • Réduction de la durée des soins critiques ne permettant pas d’éviter le décès ;
  • Prévention du deuil compliqué des familles lié à une prolongation inutile des soins critiques.

L’admission de patients très âgés pour soins critiques augmentera probablement dans les pays européens au cours des prochaines décennies. Pour de nombreux patients âgés, des décisions de poursuite ou limitation/arrêt des soins critiques lourds devront être prises. Le pronostic des patients cancéreux est changé par les nouvelles thérapies et cette approche de réanimation d’attente est aussi probablement adaptée pour ce type de malades. Ces décisions devront permettre : i) de trouver une voie entre deux écueils : la perte de chance pour le malade et la poursuite déraisonnable des soins critiques ; ii) d’améliorer l’égalité d’accès aux soins critiques pour les patients susceptibles d’être concernés, compte tenu des moyens disponibles.

L’Académie nationale de Médecine souligne l’intérêt du concept de « réanimation d’attente » qui, par sa temporalité, permet de conforter approche éthique dans la prise en charge des patients âgés susceptibles de relever de soins critiques lourds.

Références :

  1. 1-  Smith AK, White DB, Arnold RM. Uncertainty–the other side of prognosis. N Engl J Med. 2013 Jun 27;368(26):2448-50.
  2. 2-  Ranzani OT, Besen BAMP, Herridge MS. Focus on the frail and elderly: who should have a trial of ICU treatment? Intensive Care Med. 2020 May;46(5):1030-1032.
  3. 3-  Flaatten H, Beil M, Guidet B. Prognostication in older ICU patients: mission impossible? Br J Anaesth. 2020 Nov;125(5):655-657.
  4. 4-  Beil M, et al. On predictions in critical care: The individual prognostication fallacy in elderly patients. J Crit Care. 2021 Feb;61:34-38.
  5. 5-  Vink EE, Azoulay E, Caplan A, Kompanje EJO, Bakker J. Time-limited trial of intensive care treatment: an overview of current literature. Intensive Care Med. 2018 Sep;44(9):1369-1377.
  6. 6-  Guidet B, et al; VIP1 study group. Withholding or withdrawing of life-sustaining therapy in older adults (≥ 80 years) admitted to the intensive care unit. Intensive Care Med. 2018 Jul;44(7):1027-1038.

 

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