Santé publique France vient de dévoiler le BEH n°19. Il est composé d’un éditorial et de cinq articles.
- Editorial : Renforcer les liens entre collectivités et recherche pour améliorer la qualité de l’air et fédérer les habitants, Françoise Schaetzel, Présidente de l’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg
- Mortalité attribuable à la pollution atmosphérique en Ile de France. Quelle évolution depuis 10 ans et quels bénéfices d’une amélioration de la qualité de l’air dans les territoires ?, Sabine Horst et coll., Observatoire régional de santé d’Ile de France, Paris
L’amélioration continue de la qualité de l’air en Île-de-France a permis de sauver de nombreuses vies. Toutefois, l’impact observé encore aujourd’hui reste substantiel. L’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France accompagne depuis plus de trente ans les politiques d’amélioration de la qualité de l’air par la réalisation d’évaluations quantitatives d’impact sur la santé (EQIS). Conduite en partenariat avec Airparif (l’observatoire de la qualité de l’air en Île-de-France), cette étude vise à qualifier l’évolution de la mortalité attribuable à l’exposition à la pollution atmosphérique d’origine anthropique depuis dix ans en Île-de-France, et à évaluer les bénéfices attendus si les concentrations observées en 2019 étaient ramenées au niveau des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle comporte également une analyse de l’effet des mesures de restriction mises en place en 2020 dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.
Cette EQIS s’appuie sur les guides méthodologiques produits par Santé publique France. Les données de population mobilisées sont géoréférencées au bâtiment. Le croisement de ces données avec les concentrations de polluants PM2.5 (particules fines), NO2 (dioxyde d’azote) and O3 (ozone) estimées par Airparif pour les périodes 2008-2010 et 2017-2019 à une résolution fine permet d’évaluer les niveaux d’exposition de la population qui sont ensuite rapportées à un niveau de référence (niveau minimal sans pollution anthropique, recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), niveaux modélisés). La part de décès attribuables (ou évitables) à ce différentiel est jaugée en mobilisant les risques relatifs issus de la littérature (méta-analyses récentes). Cette part, rapportée aux nombres de décès observés dans la population (années de référence 2004-2008 et 2011-2015), permet d’estimer l’impact en nombre de décès attribuables (ou évitables) ainsi qu’en perte moyenne (ou gain moyen) d’espérance de vie.
Entre 2010 et 2019, le nombre annuel de décès attribuables à l’exposition prolongée aux particules fines PM2,5, l’un des principaux polluant de l’air, est passé de 10 350 [3 840-15 660] à 6 220 [2 240-9 650], et a donc baissé de 40%. Cela correspond à un gain d’espérance de vie de près de huit mois en moyenne par habitant en Île-de-France. Si de nouvelles mesures étaient prises pour abaisser les niveaux actuels de pollution de l’air sous les valeurs guide de l’OMS, plus de 7 900 [2 240-13 630] décès pourraient être évités chaque année en moyenne en Île-de-France, qui représentent la somme de l’impact des PM2,5 et de l’O3 (chiffres 2019).
Ces chiffres permettent d’objectiver l’enjeu de santé publique que représente la pollution de l’air et peuvent être utilisés pour informer les parties prenantes, orienter les politiques publiques d’amélioration de la qualité de l’air et favoriser l’acceptabilité sociale des mesures.
- Evaluation quantitative d’impact sur la santé de la pollution de l’air ambiant en région Auvergne-Rhône-Alpes pour la période 2016-2018, Jean-Marc Yvon, Santé publique France, Auvergne-Rhône-Alpes, Lyon
La pollution atmosphérique constitue un enjeu environnemental majeur pour la santé, en France et dans le monde. De nombreuses études toxicologiques et épidémiologiques mettent en évidence les multiples effets néfastes de la pollution de l’air extérieur sur la santé. Une évaluation quantitative d’impact sur la santé (EQIS) de la pollution de l’air ambiant a été réalisée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, pour permettre aux acteurs locaux de mesurer les bénéfices potentiels de l’amélioration de la qualité de l’air sur la mortalité et différents indicateurs de santé sur leur territoire.
Pour estimer l’exposition moyenne de la population à la pollution de l’air dans toutes les communes de la région, les concentrations en particules fines de diamètre inférieur à 2,5 µm (PM2,5) et en dioxyde d’azote (NO2 : polluant traceur de la pollution liée au trafic) issues d’une modélisation à fine échelle (période 2016-2018), ont été reliées à des données de population.
L’impact de ces polluants a été évalué en considérant les événements de santé suivants : décès, hospitalisation pour accident vasculaire cérébral (AVC), survenue de cancers du poumon, recours aux urgences pour asthme chez l’enfant.
Chaque année, en Auvergne-Rhône-Alpes, près de 4 300 décès seraient attribuables à une exposition de la population aux PM2,5 et 2 000 décès à une exposition de la population au NO2, représentant respectivement 7% et 3% de la mortalité totale annuelle. Ces deux résultats ne peuvent cependant pas être additionnés car une partie des décès peut être attribuée à l’exposition conjointe à ces deux polluants. Cette étude évalue également que près de 200 cancers du poumon, 780 AVC et 550 passages aux urgences pour asthme chez les enfants seraient attribuables à l’exposition aux PM2,5.
Ces résultats confirment l’impact important de la pollution de l’air ambiant sur la santé de la population de la région et tout l’intérêt de renforcer les actions d’amélioration de la qualité de l’air, notamment au niveau local.
- Les rues scolaires : une solution pour contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air, plébiscitée par les parents, Sophie Rousseau et coll., Ligue nationale contre le cancer, Paris
L’exposition chronique à la pollution de l’air a été reconnue comme cancérogène en 2013 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Le trafic routier est une des principales sources de pollution en France : il émet 62% des dioxydes d’azote et il est responsable de l’émission de 18% des particules fines. Les enfants sont plus vulnérables à la pollution de l’air que les adultes. Les rues scolaires, rues où l’accès des véhicules motorisés est interdit aux heures d’arrivée et de sortie des élèves, sont une des mesures pour limiter leur exposition à la pollution de l’air. La mise en place optimale des rues scolaires nécessite de mieux connaître les attentes des parents. L’objectif principal de l’étude était d’évaluer l’importance pour les parents d’une bonne qualité de l’air pour leurs enfants et de mesurer leur adhésion au dispositif des rues scolaires.
L’enquête a été réalisée entre le 6 et le 17 juillet 2021 auprès d’un échantillon national représentatif de 1 230 parents d’enfants de 3 à 10 ans en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM).
La majorité des parents interrogés sont préoccupés par l’impact de la pollution de l’air sur la santé de leurs enfants (78%). Le dispositif des rues scolaires est plébiscité par 84% des parents, et notamment par ceux appartenant à la catégorie socioprofessionnelle « ouvriers » (91%). Les principaux freins à ce dispositif sont la disponibilité de place de parking à proximité de l’école et l’appréhension que le trafic routier ne soit déplacé dans les rues avoisinantes. Les principaux leviers sont la sécurisation des abords de l’école, la réduction du trafic routier et l’amélioration de la qualité de l’air aux abords de l’école.
Ce sondage confirme la forte adhésion des parents pour la mise en place de rues scolaires visant à réduire la pollution de l’air aux abords des écoles, source de préoccupation pour la santé de leurs enfants.
- Renouvellement de l’air insuffisant dans les écoles : un constat établi de longue date, Corinne Mandin et coll., Observatoire de la qualité de l’air intérieur, Centre scientifique et technique du bâtiment, Champs-sur-Marne
Les écoles sont les lieux de vie les plus fréquentés par les enfants après les logements. La qualité de l’air dans ces espaces est donc primordiale pour leur santé, mais également leur apprentissage. Rapidement après sa création en 2001, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a mis en place un programme de travail dédié aux bâtiments accueillant des enfants. Cet article vise à faire la synthèse des travaux menés, à la lumière des questionnements qui se sont fait jour sur l’aération dans les écoles lors de la pandémie de Covid-19. Les résultats des travaux de l’OQAI montrent de façon homogène une problématique de renouvellement d’air insuffisant dans les salles de classe en France et donc une qualité de l’air intérieur souvent dégradée. Des solutions existent pour inciter à l’ouverture des fenêtres dans les écoles non équipées d’un système mécanique de ventilation. La réduction des sources de pollution intérieure est également un levier majeur pour l’amélioration de la qualité de l’air dans les espaces clos. De façon générale, la sensibilisation des enfants, enseignants et gestionnaires des bâtiments scolaires est à promouvoir.
- Bénéfices attendus de la mise en œuvre d’une zone à faibles émissions mobilité sur la santé des enfants : cas de l’agglomération parisienne, Sabine Hoste et coll., Observatoire régional de santé d’Ile de France, Paris
La mise en œuvre de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), dispositifs emblématiques de la lutte contre la pollution atmosphérique, se heurte parfois à un manque d’acceptabilité sociale. Afin d’accompagner le dimensionnement de ces zones, l’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France a développé, avec Airparif et Santé publique France, une approche innovante d’évaluation prospective de leurs bénéfices sanitaires. Une illustration des bénéfices attendus en matière de survenue de pathologies chez l’enfant (asthme et faible poids de naissance) est présentée dans cet article.
Cette évaluation prospective repose sur des méthodes d’évaluation quantitative d’impact sanitaire (EQIS). Elle s’appuie sur des relations concentration-risque mises en regard de la fréquence des effets sanitaires étudiés et d’un différentiel d’exposition. Ce dernier a été estimé par le croisement de données de population géoréférencées au bâtiment avec les baisses de concentration en dioxyde d’azote (NO2) modélisées par Airparif à une résolution fine. Le nombre attendu de nouveaux cas de pathologies évitables chez l’enfant du fait de ces baisses a été évalué au sein d’une zone d’étude délimitée par le contour de la Francilienne, pour quatre scénarios de mise en œuvre d’une ZFE-m (deux périmètres et deux niveaux de restriction étudiés).
Cette évaluation indique que la mise en œuvre du dispositif engendrerait des bénéfices sanitaires, quel que soit le scénario considéré, et que le paramètre « périmètre » est au moins aussi déterminant que le paramètre « niveau de restriction ». Ainsi, entre 50 et 170 naissances de faibles poids et entre 830 et 2 930 cas d’asthme annuels ou encore entre 190 et 700 recours aux urgences pour asthme pourraient être évités. Les résultats montrent aussi que les populations résidant au-delà du périmètre de restriction bénéficieraient aussi d’une amélioration de leur santé.
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