Le ministre de la Santé et de la Prévention l’a annoncé ce lundi lors de ses vœux, « l’année 2023 marquera un tournant ». Pour Jeunes Médecins, toute la question est de savoir si chacun prendra la bonne direction.
En cette fin de mois de janvier, le constat est pour le moins désolant : les médecins libéraux ont quitté la table des négociations conventionnelles avec l’assurance maladie (notamment parce qu’on ne peut pas négocier quoi que ce soit lorsque l’enveloppe budgétaire est entièrement verrouillée), les hôpitaux vivent une crise sans précédent, le PLFSS 2023 n’a conduit à aucune mesure capable d’endiguer la crise globale et structurelle, et la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale continue à porter des réformes inappropriées pour peu qu’elles fassent le buzz.
Franchement, comment les pouvoirs publics pensent lutter contre l’intérim, en discriminant notamment les jeunes médecins, sans aucune mesure d’attractivité des carrières hospitalières ? Comment pensent-ils lutter contre la pénurie médicale sans augmenter les moyens de formation et d’accueil des étudiants en médecine ? Comment pensent-ils prendre en charge la population sans réduire la charge administrative des médecins ? Comment peut-on faire croire qu’on peut améliorer la prise en charge médicale en donnant un accès direct à des professionnels qui n’ont pas cette compétence et qui sont encore moins nombreux que les médecins sur le territoire ?
Dans un tel contexte, notre désaccord doit être unanime et nos organisations syndicales doivent faire bloc car elles ont un rôle essentiel à jouer, pour traduire des déceptions personnelles en combats collectifs, pour demander et peser dans le dialogue social avec les pouvoirs publics, pour déminer les discours populistes qui donnent une vision erronée de notre exercice et nous font porter dans l’opinion publique la responsabilité d’une pénurie médicale qui se dessine depuis 30 ans.
Ainsi, le 19 janvier 2023, l’ensemble des syndicats de médecins libéraux ont décidé de boycotter (et c’est suffisamment rare pour le souligner) une réunion technique prévue dans le cadre des négociations conventionnelles avec l’Assurance maladie. Le même jour, 2 millions de personnes y compris des personnels médicaux ont battu le pavé contre la future réforme des retraites.
Et pourtant, c’est aussi ce 19 janvier 2023, que la proposition de loi Rist adoptée par l’Assemblée nationale a été déposée au Sénat. C’est également ce 19 janvier 2023, qu’un syndicat représentant les internes en médecine a affiché son soutien à ladite proposition de loi.
Jeunes Médecins s’inquiète profondément de ce décalage entre les revendications légitimes des médecins et futurs médecins, qui voient l’attractivité de leur profession décroitre à mesure que la pénurie médicale augmente, et ces réactions totalement déconnectées.
Pour Jeunes Médecins, la proposition de loi Rist est sans doute la plus inappropriée pour répondre aux crises actuelles. Inappropriée car elle ne résout pas le problème de la perte d’attractivité de l’exercice de la spécialité de médecine générale. Inappropriée car elle laisse penser qu’un premier diagnostic médical peut être posé par n’importe quel professionnel qui ne serait pas médecin. Inappropriée car les IPA, les kinésithérapeutes et les orthophonistes sont, tous réunis, moins nombreux que les médecins généralistes (en 2023, les IPA resteront près de 40 fois moins nombreux que les médecins généralistes). Ne laissons pas croire que leur accès direct est la solution à la pénurie médicale.
Ce que les médecins demandent pour libérer du temps médical c’est de réduire les obligations administratives, c’est de favoriser la collaboration avec les professionnels paramédicaux notamment dans le cadre des maladies chroniques et de la prise en charge d’une population vieillissante. Non, les médecins ne veulent pas tout garder, mais ils ne veulent pas passer leur temps à valider et porter la responsabilité de ce que font les autres à leur place et dans leur champ de compétences.
Quand on défend la profession, on défend son avenir et son service rendu à la population ! La proposition de loi Rist c’est le « détricotage » de la médecine de ville au détriment des patients. Comment une organisation syndicale défendant les internes peut-elle y voir des solutions pour leur avenir ?! Car derrière ce que certains voient comme une avancée et alors que le contrat social liant la médecine libérale et la CNAM n’a jamais été aussi fragile, il ne faudrait pas que cet enfumage législatif soit le déclencheur de l’irréparable conduisant à une désocialisation de l’accès au soins au détriment de la population générale.
Alors que le hasard du calendrier a également voulu que, ce 19 janvier 2023, le Ministère publie une version modifiée de l’arrêté du 4 novembre 2022 et reconnaisse de nouveau officiellement Jeunes Médecins comme une organisation représentant les étudiants en médecine, internes, chefs de clinique et les médecins remplaçants, c’est l’occasion pour nous de redire aux internes qui sont en désaccord avec la proposition de loi Rist que nous les défendons déjà et continuerons à les défendre.
En effet, conformément à nos statuts, Jeunes Médecins assure déjà la représentation des internes en médecine, et ces derniers représentent actuellement 10% de nos adhérents. Devant une situation inadmissible de mise en péril de la profession, Jeunes Médecins ne les lâchera pas et souhaite ouvrir le pluralisme à la représentation des internes !
Contacts presse :
Emanuel Loeb
Président Jeunes Médecins
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